PSYCHO – Il y a de tout dans les études. Des études à la noix, des études neuneus et des études qui passent inaperçues. Celle-ci est passée inaperçue. Publiée en décembre 2012 dans la revue scientifique Psychological Science, elle est pourtant d’une importance capitale et aurait dû retenir l’attention du public. Car pour la première fois en effet, nous avons la preuve ferme, scientifique et définitive que le racisme rend crétin.
On sait d’où viennent les théories racistes et qu’elles ne sont pas plus fondées en raison que par la science. Mais que savait-on, à l’inverse, des effets que le racisme provoque sur nous? En d’autres termes, le fait d’être raciste peut-il avoir un impact sur notre comportement? C’est la question que s’est posée le psychologue israélien Carmit Tadmor qui a mesuré l’influence des croyances racistes sur la créativité des individus.
Bilan des courses: si vous êtes racistes, réfléchissez-y à deux fois avant de vouloir faire carrière dans la pub. Oui, le racisme rend bête, tue la créativité et cette étude nous permet de comprendre un peu mieux pourquoi bêtise rime souvent avec préjugés, mais aussi pour quelles raisons les esprits les plus brillants, sont aussi les plus ouverts.
Stéréotypes et conditionnement
Racisme, créativité, a priori, ces deux notions n’auraient rien à voir. Et pourtant…. Carmit Tadmor et ses collègues suggèrent que la mentalité propre au racisme, implique une forme de fermeture d’esprit dont les effets pourraient se ressentir ailleurs, par exemple sur la créativité. Les considérations racistes impliquent notamment de classer les gens par catégories et de penser par stéréotypes.
Leur idée de départ serait donc que, plus quelqu’un adhère aux théories racistes, moins cette personne serait créative. Pour voir s’il y a un réel lien de cause à effet, ils se sont livrés à plusieurs expériences en Israël, mais aussi aux Etats-Unis.
Dans la première expérience, Tadmor et ses collègues ont divisé les participants -72 étudiants israéliens- en trois groupes, qu’ils ont conditionné à adhérer ou pas aux théories racistes. Comment? En leur faisant croire que le racisme était scientifiquement fondé ou pas par la lecture d’un article scientifique.
Ils ont donc fait lire aux étudiants du premier groupe un article factice allant dans le sens des théories racistes. À ceux du second groupe, ils ont donné un véritable article opposé à ces théories. Quant aux participants du troisième groupe, ils ont pu lire (ô joie), un article scientifique sur l’eau.
Certes, la lecture d’un unique article ne saurait pas convaincre un individu de telle ou telle théorie. Cependant, il a été montré que certaines croyances, et l’état d’esprit qui va avec, peuvent être expérimentalement activées, ce à quoi sert ici la lecture de ces articles. Mais retournons à l’expérience en question.
Test de créativité
Après ces lectures, les participants ont ensuite tous été soumis, dans le cadre d’une étude qu’on leur a dit être différente, à un test de créativité appelé le Remote Associates Test (RAT).
Derrière ce nom complexe se cache un principe très simple, il s’agit de trouver quel mot est le point commun entre plusieurs autres termes.
Par exemple, à la question: quel mot associer aux termes « ping pong », « manger » et « cartes »? La bonne réponse serait le mot « table » (table de ping pong, manger à table, cartes sur table). Pour réussir ce test, il faut faire preuve d’un minimum de créativité, trouver les bonnes associations, bref avoir un peu d’imagination.
Une fois ces exercices terminés, les participants ont dû remplir un questionnaire visant à évaluer leur degré de croyance aux théories racistes afin de pouvoir comparer leurs résultats au test à leur degré de croyance en ces théories.
Le résultat est sans appel. Les participants du groupe qui avait dû lire l’article raciste ont eu des scores moins bons que les autres.
Fermeture d’esprit
Alors que se passe-t-il vraiment? Comment expliquer que les racistes aient moins bien réussi les tests de créativité?
Pour le savoir, Tadmor et ses collègues ont soumis deux nouveaux groupes de participants, américains cette fois-ci.
Le premier était constitué de caucasiens, le second d’américains d’origine asiatique. Chacun de ces deux groupes a été soumis au même principe que pendant la première expérience. Divisés en trois sous-groupes, les participants du premier ont été conditionnés par la lecture d’un article raciste, les seconds par celle d’une étude non raciste, ceux du troisième par un article neutre.
Comme dans la première expérience, ils les ont ensuite soumis à un autre test de créativité.
Ici, c’est le problème dit de Duncker qu’ils ont dû résoudre. Mis au point en 1945, ce test a fait ses preuves en tant que mesure de la créativité. Pour faire simple, c’est une sorte de casse-tête pratique. L’idée? Trouver le moyen à l’aide d’une bougie, d’une boîte d’allumettes et de quelques épingles, d’attacher la bougie à un mur.
A priori, cela semble très compliqué. En réalité, cela ne l’est pas, mais nécessite néanmoins de penser ces objets autrement et notamment la boîte d’allumette qui, accrochée au mur à l’aide des épingles, va servir de reposoir à la bougie. Ce n’est pas clair? Un coup d’oeil à la vidéo ci-dessous vous permettra de bien visualiser le principe de cet exercice.
Dernière étape de l’expérience, les participants des deux groupes ont dû remplir plusieurs questionnaires. Le premier a servi à évaluer leur degré de racisme. Le second à leur fermeture d’esprit, laquelle en psychologie n’est pas un concept vague, mais au contraire très précis et mesurable grâce à une échelle mise au point par les psychologues Webster et Kruglanski.
Une nouvelle fois, les résultats de ces expériences sont univoques.
Dans les deux groupes, les participants qui ont été conditionnés par la lecture d’un texte avalisant l’essentialisme raciste ont été moins créatifs que les autres. Mais leur score a été aussi moins bon sur l’échelle de la fermeture d’esprit, ce qui tend à indiquer que penser de façon raciste a pour conséquence de façonner la manière dont nous considérons non pas seulement les hommes, mais l’ensemble de l’environnement qui nous entoure.
Un comportement qui nous nuit
Pour le dire plus simplement, le racisme n’est pas qu’une idée fausse, c’est aussi un comportement qui nous nuit.
Alors que nous apprend vraiment cette étude? Premièrement, qu’on peut inverser le raisonnement. Si le racisme rend crétin en ce qu’il nous pousse à catégoriser le monde qui nous entoure, c’est aussi en catégorisant, en refusant de voir au-delà du stéréotype qu’on devient raciste.
Deuxièmement, ce qui est valable pour le racisme l’est certainement pour d’autres comportements qui tendent à user de stéréotyper et à catégoriser à outrance. Plus qu’une banale étude comportementale, cette étude peut donc être lue comme un véritable éloge de la curiosité aux débouchés pratiques.
Face à un problème à résoudre, une situation inextricable, peut-être que la meilleure solution serait donc de prendre les devants. Rester attentif, être ouvert, penser contre soi, faire de la curiosité une habitude, se remettre en question, voilà quels pourraient être le meilleur garde fou face à certaines tendances de notre esprit. Au final, nous n’apprendrons donc rien que nous ne sachions déjà depuis plus de trois siècles. Mais rien, non plus, qui ne soit inutile de rappeler.
N’en faites cependant pas trop tout de même. Nous en parlons aussi souvent ici, de nombreuses études montrent que pour rester éveillé, rien de tel que de rêvasser, faire du sport ou sortir pour une balade en forêt. Un peu comme si le cerveau était un poumon, qui avait lui aussi besoin d’air pur pour ne pas s’étouffer, ou pire, s’intoxiquer.
Source : huffingtonpost (http://actuwiki.fr)
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