J’ai découvert hier cette information : dans certaines régions de l’Inde, il y a pénurie de médecins et des villages mettent parfois en commun leur argent pour envoyer certains de leurs enfants au collège et dans des écoles de médecine, afin qu’ils puissent ensuite revenir soigner leur communauté. Dans une petite ville de montagne, très pauvre, on peut voir l’écriteau suivant, à l’extérieur d’un cabinet de médecin : « Dr V.S. Krishna, recalé à son doctorat, Ecole de médecine de Calcutta ».
Cela signifie que le Dr Krishna a suivi des études médicales à Calcutta mais qu’il n’a pas réussi à son examen final. Il est néanmoins revenu chez lui ouvrir un cabinet, disant la vérité à propos de la non-obtention de son diplôme et mettant à disposition de sa communauté toute la connaissance médicale qu’il avait acquise. Son cabinet marche très bien.
J’ai été profondément touchée, émue aux larmes, en lisant cela, en percevant combien l’élan de contribuer au bien-être de sa communauté est si fort chez le Dr Krishna qu’il lui permet d’aller au-delà de la croyance qu’il faudrait être au top pour pouvoir apporter une contribution précieuse aux autres. C’est le fait même qu’il accepte sa limite (avoir raté son examen final) et qu’il ne cherche pas à la cacher, à l’esquiver, à la contourner, qui lui offre la possibilité de pouvoir offrir ensuite le meilleur de ce qu’il a acquis comme compétences.
Cela m’a irrésistiblement évoqué une phrase de Marshall B. Rosenberg, père de la Communication NonViolente : « Toute chose qui mérite d’être faite, mérite d’être faite, même pauvrement »…
La première fois que j’ai entendu cette phrase, la part de moi qui nourrissait mes besoins d’estime de moi et de réalisation par la stratégie d’une quête de perfection en a été renversée… hors de question de faire quelque chose si je ne pouvais pas le faire « parfaitement », en étant « au top »… Je me souviens d’un moment avec Marshall à Reigoldswill, en 2004, lors d’un séminaire intensif : c’était le soir et je venais de demander à Marshall s’il voulait bien me prêter sa petite guitare de voyage, pour la soirée.
Il m’a demandé, souriant : « ah, tu joues de la guitare ? », moi « euh, non, j’ai arrêté… », lui, étonné « ah bon, mais pourquoi ? », moi, ennuyée « ben, parce que je n’arrivais pas à atteindre le niveau que j’aurais aimé avoir »… Marshall avait alors eu l’air triste, puis après un temps de silence, il m’avait dit : « Mais, en dehors de l’idée que tu as de comment tu voudrais jouer, est-ce que tu as de la joie quand tu joues ? »… sa question m’avait déroutée, car mon attention était alors plus portée sur mes frustrations que sur ma joie éventuelle… en me reliant à ce qu’il me demandait, je me surpris à lui répondre « oui, j’ai de la joie, quand je joue de la guitare pour m’accompagner lorsque je chante pour des amis »… lui « et bien alors, pourquoi ne t’offres-tu pas plus souvent ce plaisir ? »…
C’est depuis ce jour-là que j’ai recommencé à jouer de la guitare, pour m’accompagner… Je ne suis pas plus satisfaite qu’avant de mon niveau technique, mais je tourne davantage mon attention vers la joie simple que me procure les harmonies entre la guitare et le son de ma voix, ainsi que la connexion que cela me permet de vivre avec les amis avec lesquels je partage cela…
J’ai redécouvert depuis, dans de multiples domaines, toutes les joies dont je me privais et dont je privais les autres, au nom du principe de « si ça n’est pas fait parfaitement, ça ne sert à rien de le faire » ou encore de « si je ne suis pas au top de mes compétences, mieux vaut ne pas m’y risquer »… et j’essaie donc, de plus en plus, de faire ce qui me donne de la joie, même si certaines parts de moi disent que je le fais « pauvrement » : je suis suffisamment en paix avec mes limitations pour qu’elles ne soient plus le mur infranchissable m’empêchant d’offrir ce que j’ai de plus précieux à autrui… et je suis suffisamment en paix également pour pouvoir accueillir le fait que l’autre ne reçoit pas toujours ce que j’ai de plus précieux comme un cadeau.
Il y a des tas de secteurs de compétence où, à l’image du Dr Krishna, certaines parts perfectionnistes de moi considèrent que j’ai été « recalée à l’examen final » : je me permets cependant de partager ce que j’ai vécu, compris, en ne prétendant rien, en disant mes limites, en offrant à l’autre la possibilité de prendre ce qui peut lui être précieux et de laisser le reste. Et j’ai beaucoup de gratitude pour ce Dr Krishna et pour Marshall B. Rosenberg, parce qu’ils sont pour moi les vivants rappels que cela est possible.
J’espère de tout cœur que ce que je vous partage en ce jour ouvrira en vous la porte d’un possible vers l’offrande de votre précieux unique, puisqu’il est le votre, et je me réjouis de vivre dans un monde en lequel chaque être essaie chaque jour davantage de partager avec simplicité ce qu’il a de plus précieux, même s’il n’est pas une référence en son domaine ou reconnu pour cela… Je ne connais rien de plus précieux que ce qui est offert avec le cœur, dans la pure intention de contribuer à enrichir la vie d’un être… Puissiez-vous vous faire le cadeau d’offrir ce présent-là, à chaque fois que vous en avez l’élan et les moyens…
Commentaires bienvenus
MERCI! vous venez de m'ouvrir une porte, une porte si importante pour moi. Je prends des cours de peinture depuis quelques années déjà parce que depuis mes 8ans je dessine, enfin je dessinais car j'avais laissé de côté ce plaisir que j'avais a 8ans. J'ai aussi un peu laissé les cours pris il y a 5ans, car je pensais (comme vous!) que je n'atteindrai jamais le niveau des peintres que j'admirais. Alors que je connaissais le plaisir que je prenais avec mes crayons. Je viens de comprendre et vous en remercie!
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