LES VERTUS DU SILENCE…
Le silence doit représenter une réalité bien grandiose puisque, dans la Gnose, il représente l’un des deux éons, mâle et femelle, au sommet de l’Échelle des êtres, desquels procèdent trente éons, deux par deux, également mâle et femelle. Pour la majorité des êtres humains, le silence évoque diversement le fait de se taire ou de rester sans parler; le refus d’exprimer son opinion, de répondre, de divulguer ce qui est secret ou ce qu’on ne veut pas exprimer; l’omission volontaire d’exprimer une réalité; l’absence de bruit ou l’état d’un lieu où aucun son n’est perceptible. C’est un état que l’on redoute, car il fait peur, amenant à une confrontation avec son intensité intérieure. Ainsi, si un être est plein de lui-même, au sens spirituel du terme, c’est l’état qu’il recherche le plus. Mais, si, rempli uniquement de son ego, il se retrouve face à son propre néant, il peut sombrer dans la panique. C’est ce qui explique que tant d’êtres ne peuvent cesser de s’activer, redoutant d’abord de se retrouver seules ou dans le silence, jusqu’au moment d’aller dormir.
En spiritualité, le silence peut référer à l’abstention de paroles inutiles, il peut inviter à éviter de se glorifier de ses œuvres et de son savoir, il peut convier à agir pour Dieu, non pour attirer la gratitude ou l’attention d’autrui, mais il exprime surtout l’état de quiétude qui procède du vide mental. C’est la raison pour laquelle celui qui compte devenir en mesure de parler convenablement du silence, comme de toute autre chose, doit commencer par se taire et se mettre à l’écoute du Savoir qu’il porte au plus profond de lui-même. Le silence, qui fait d’abord appel à l’abolition du mental, désigne un état vibrant et actif puisqu’il ouvre une faille par laquelle une nouvelle réalité peut se faufiler. C’est l’état dans lequel tout se tait en soi pour que les vibrations supérieures passent sans déformation dans la limpidité de la conscience. À proprement parler, il ne vise pas à dissoudre le mental ou à le détruire, mais à l’amener au repos, pour enlever toute prise à la personnalité. Aussi ne s’obtient-il pas par une lutte contre ses idées et pensées, ce qui les active davantage, mais en les conviant à s’épuiser une à une de leur substance après les avoir convié à son attention d’observateur neutre.
En mots simples, on peut dire que le silence habite le cœur de chacun. Ce silence ne représente pas un état de vide, mais celui d’une présence amoureuse pleine qui recouvre l’agitation de la vie quotidienne. Il ne peut s’atteindre que dans l’intériorisation qui comporte le vide du mental.
Satprem, disciple de Sri Aurobindo Ghose, qui appelait le silence mental la «claire austérité», a dit: «La clef de la maîtrise est toujours le silence, à tous les niveaux, parce que, dans le silence, nous distinguons les vibrations, et les distinguer, c’est pouvoir les saisir.» Le silence à tous les niveaux, c’est le silence de la bouche, des sentiments et du mental (l’interruption du monologue intérieur) pour entrer dans le cœur, la porte qui ouvre sur l’Unité, l’Infinité, l’Universalité. Tandis que le bruit et le verbiage rompent le silence et dispersent l’attention, diminuant d’autant la conscience, dans le silence, les ondes cervicales s’assouplissent, la réception mentale s’accroît, ce qui permet au sujet d’atteindre plus facilement les plans supérieurs pour se fondre dans Ce-qui-est. Le silence favorise la concentration du Pouvoir. C’est dans le silence qu’on atteint Dieu et, par lui, le Pouvoir. Effectivement, le silence favorise la concentration des énergies, ce qui augmente du Pouvoir. Toutefois, le Pouvoir commence par la Force qui s’exprime dans l’ordre, par la sagesse.
Dans le silence, tout n’est que paix, simplicité et unité, car il doit servir à ramener les forces internes à un centre d’énergie unique. Il ne s’agit pas ici du silence stérile du vide intérieur, de la solitude ou de l’ennui, mais du silence oblatif, qui implique la passivité et accroît la réceptivité. Mais cette passivité est dynamique, puisqu’elle vise un but, celui de parvenir à la concentration et de se mettre à l’écoute de l’essentiel, là seul où il peut s’exprimer. Pour connaître le silence, le vrai, il faut se détourner de l’extérieur et entrer en soi, de manière à prendre contact avec la Source divine et communier avec elle, sans résistance et sans voiles. Dieu n’écoute pas le flot des paroles, répétées en vain, qu’il ne peut percer. Puisque l’être humain veut incarner l’Esprit pour transmuter la Matière, par le silence, il doit libérer un passage en lui par laquelle la Lumière spirituelle peut affluer.
Le silence mène à la conviction, puis à la confirmation. Être convaincu, c’est croire fermement à ce qu’on pense, ressent, dit et fait, parce qu’on sait. La conviction se fonde sur des preuves intimes, sur des actualités, non sur des réalités. La conviction procède de la cohésion intérieure et de l’accord avec la Vie. Menant à l’audace sereine, elle affermit les intentions, la motivation, l’aspiration, par un contrôle de la sensibilité et des sentiments. Tous gagnent à savoir que l’actualité, ce qui est vraiment, ne s’atteignent que par l’intérieur, se révélant par l’Esprit. La conviction résulte de l’affirmation de ses désirs, qui comblent ses besoins, pour se libérer de ses limitations apparentes. Elle résulte de l’application de la volonté dans lé courage, la force d’âme, le dynamisme vital, stimulant l’élan et l’allant, l’impulsion vers le haut. Elle conduit à la confirmation, le passage par le feu sacré. Autrement dit, la réalité, ce qui vient de l’extérieur, n’est qu’approximation, découlant d’une interprétation illusoire du mental.
S’il est rare de trouver des gens qui savent exprimer correctement ce qu’ils portent en eux, l’exprimer vraiment, il est encore plus rare d’en trouver qui savent se taire. Les gens aiment mieux s’écouter parler, par vanité, qu’écouter l’intuition et même, la dépasser, pour fusionner avec l’Esprit. Félix Leclerc, l’un des nôtres, a rappelé: «Il n’y a pas de bouche qui parle mieux que les lèvres du silence.» Quant à Louis-Claude de Saint-Martin a dit: ((J’ai désiré faire le bien mais je n’ai pas désiré faire de bruit, parce que j’ai senti que le bruit ne faisait pas de bien et que le bien ne faisait pas de bruit.»
Le silence permet d’explorer les gemmes de la Sagesse, d’où il représente le meilleur état pour œuvrer au service de la Lumière divine. Même qu’on peut le considérer, comme l’élément primordial de toute création. Il est aussi important pour l’esprit que l’est une pellicule vierge, lorsqu’il s’agit de prendre une photographie, de manière à éviter tout redoublement produisant un gâchis. Il permet de renouer avec les origines du Monde et avec son Essence vraie. Le chercheur spirituel doit plonger en lui pour nouer des amitiés subtiles, défaire des nœuds, faire naître de grandes idées, engendrer l’harmonie, écouter sa voix intime, se relier à son âme, se rapprocher de son Centre divin.
© Bertrand Duhaime (Dourganandâ).
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