"Les Restos" au coeur de la pauvreté

Publié le mardi 23 novembre 2010 à 16H05

Casquette de l'union sur la tête, Coluche avait joué le jeu de l'interview en 1986, quatre mois avant de se tuer à moto à l'âge de 41 ans.

Casquette de l'union sur la tête, Coluche avait joué le jeu de l'interview en 1986, quatre mois avant de se tuer à moto à l'âge de 41 ans.

BRICOUT

La 26e campagne des Restos du Coeur démarre le 29 novembre prochain. En lançant sa "cantine gratuite" fin 1985, Coluche ne pensait certainement pas que 26 ans plus tard, elle existerait encore… Si plus d'un milliard de repas ont été distribués en 25 ans, le deuxième milliard devrait être atteint en 8 ans seulement, soit en 2015.


A quelques jours du lancement de cette nouvelle campagne, les 1400 bénévoles des Restaurants du Cœur de l'Aisne, de la Marne et des Ardennes sont sur le pied de guerre. Ils sont mobilisés pour que tout soit en place pour l’ouverture des 43 centres marnais, axonais et ardennais (consulter la carte) qui aura lieu à partir du 29 novembre (certains d’entre-eux ouvrant le mardi 30). Une "guerre contre la misère" impulsée par Coluche un jour d'automne 1985 (écoutez le son original).

Plus d'un milliard de repas plus tard

26 ans après les Restos du Coeur ont du s'adapter aux besoins, à la détresse et à l'isolement de certains bénéficiaires.
Aujourd'hui, les Restos c'est bien plus que de donner "à manger et à boire". "La distribution de repas devient un prétexte à l'accompagnement social", décode le président des Restos du Coeur de l'Aisne, Jean-Paul Lefèvre.


Depuis son engagement dans les Restos du Coeur, il y a 5 ans, cet Axonais retraité note "qu'aujourd’hui, les carences alimentaires les plus graves ont presque disparu, mais la pauvreté a pris un autre visage : accidents de la vie, contrats précaires, travailleurs pauvres, jeunes de moins de 25 ans ne disposant pas du RSA, retraités disposant du seul “minimum vieillesse”…". L'année dernière, plus de 11.000 axonais étaient inscrits aux Restos, ce qui représente plus de 900.000 repas servis. Au cours du seul hiver dernier, ce sont plus 100 millions de repas qui ont été distribués en France.


Du haut de ses 5 ans d'expérience et de terrain au contact des bénéficiaires, Jean-Paul Lefèvre note "que les demandes n'ont jamais cesser d'augmenter, l'augmentation moyenne est de 5% par an" chiffre-t-il. En pleine campagne d'inscription, le chiffre semble une nouvelle fois se confirmer. Des perspectives guère souriantes. Ces dernières années, les rangs ont été gonflés par l'arrivée massive "de femmes seules avec enfants, de jeunes de 18 à 25 ans sans ressources, des travailleurs pauvres et de personnes âgées", confie-t-il à la lecture du rapport d'activité de la saison 2009-2010.
Pour faire face à l'augmentation croissante des bénéficiaires, les instances nationales des Restos du Coeur ont engagé "une consultation nationale" pour réflêchir à la façon de faire face à la dégradation lente mais sûre de cette situation.

Un pas difficile à franchir, pour certains bénéficiaires

Pousser pour la première fois la portes des Restos du Coeur est une véritable épreuve pour certains bénéficiaires. "Certains s'inscrivent mais ne viennent jamais à la distribution, indique le président axonais des Restos, c'est dur de faire face au regard des autres, certains ne supportent pas d'être tombés aussi bas". L'attitude des bénévoles est de ce point vue primordiale : "on voit les gens qui passent et repassent devant le local. Surtout des femmes retraitées seules, sans aucunes ressources. Alors on leur dit, venez boire un petit café. Et les choses s'arrangent".

La honte de franchir le pas de la porte d'un local des Restos, tous l'ont plus ou moins ressentie : "Evidemment qu'on a honte. Obligée de demander et de remercier les uns après les autres ceux qui nous servent, ce n'est pas évident", avoue Sylvie au RSA, "mais plus on s'isole moins on s'en sort et on finit par se noyer dans les problèmes. En venant ici, j'ai commencé à entrevoir le bout du tunnel", commente la jeune fille avec du recul.


En première ligne, les bénévoles prennent souvent en pleine figure cette misère au quotidien : "c'est pas toujours facile de faire face, mais c'est tellement gratifiant de voir certains s'en sortir et de revoir des sourires sur les visages".
Pour les bénévoles pas question de juger : "l'écoute est la première phase de la reconstruction, confie avec humilité un bénévole, "mais c'est aussi en les écoutant qu'on se rend compte que n'importe qui peut se retrouver un jour à leur place".

Alexandre Allard

http://www.lunion.presse.fr/article/aisne/les-restos-au-coeur-de-la-pauvrete

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