Comme est-on arrivé à la conclusion que le ventre est notre deuxième cerveau ?
Cécile Denjean : Les scientifiques se sont aperçus qu’il existait quantité de neurones dans notre ventre, à peu près autant que dans le cortex d’un chat ou d'un chien ! Ils s’occupent, entre autres, de notre digestion. S’il n’avait disposé que d'un seul cerveau, celui du "haut", l’être humain aurait été absorbé en permanence par ce processus très complexe et n’aurait pas pu développer d'autres activités intellectuelles. Le fait d’avoir deux cerveaux a joué un rôle majeur dans notre évolution.
Cette découverte ouvre-t-elle des perspectives dans le domaine sanitaire ?
Oui, par exemple, on s’est aperçu que la maladie de Parkinson, qui, comme on le sait, s'attaque aux neurones du cerveau, s'en prend aussi à ceux du ventre. Certains chercheurs se demandent même si elle ne commence pas par là. Cette maladie neurodégénérative démarre longtemps avant que les premiers troubles moteurs n’apparaissent. Or, quand les tremblements surviennent, il est trop tard puisque 70 % des neurones sont déjà détruits. Si on arrivait à diagnostiquer Parkinson dix à vingt ans plus tôt par une simple biopsie intestinale de routine, cela pourrait permettre d’anticiper sur la destruction des neurones. À Nantes, une équipe de chercheurs vise à démontrer que l'étude de biopsie intestinale permettrait de remplacer sans danger le même examen au cerveau qui, lui, est très risqué. Mais ce n’est encore qu’une hypothèse. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que l’on peut utiliser le ventre et ses millions de neurones comme une fenêtre sur ce qui se passe dans le cerveau.
On apprend aussi dans votre documentaire que notre corps, et particulièrement notre ventre, est colonisé par des milliers de milliards de bactéries…
Il contient dix fois plus de bactéries que de cellules ! Et le nombre de gènes que nous héritons est bien inférieur à celui des gènes des bactéries. C’est une vraie révolution scientifique, puisqu’on se rend compte que les cellules transmises par nos parents entrent en relation avec des bactéries que nous hébergeons et qui modifient notre organisme. Pour les scientifiques, notre corps est un écosystème ! Ce qui est troublant, c’est qu'on ne connaît pas ces bactéries, majoritairement situées dans notre ventre. Il existe une part de hasard. Lesquelles commencent à se loger en nous le jour de notre naissance ? On n’en sait rien. Cela ouvre un champ de recherche passionnant.
Propos recueillis par Kristel Le Pollotec pour ARTE MAGAZINE
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