L’an dernier, je me suis retrouvée en colocation chez une dame au bord d’un lac dans les Laurentides. J’avais laissé mon dernier appartement et mis toutes mes affaires en entrepôt, le temps d’aller passer l’hiver suivant au chaud. J’avais 4 mois à passer au Québec avant de repartir pour l’Europe en tournée avant le Sri Lanka.
J’ai passé deux mois chez cette dame avant de me trouver un petit logis toute seule.
Ce qui devait être une colocation agréable avec échanges s’est retrouvée être une location de chambre en solitaire. La petite cuillère qui était restée le soir dans l’évier devenait prétexte à Madame pour faire une scène le lendemain matin comme quoi je l’envahissais. L’amie que j’avais invitée à diner – alors que Madame ne devait pas être là – devint une excuse à l’envahissement et au dérangement dans la cuisine quand Madame, qui est arrivée sur le fait, s’est sentie envahie car nous étions installées à la table du balcon. La liste est longue de toutes ces petites choses qu’une personne maniaque peut reprocher à une personne plus… zen, disons.
J’admire profondément ces gens très disciplinés et organisés, structurés et toujours rangés, mais je ne suis pas ainsi à la maison. Je suis plus du type artiste. J’aime la propreté et le rangement mais j’ai un petit côté bohème sympathique, je trouve, pour qui aime bien vivre la vie avec plus de légèreté.
Je suis adaptable et facile à vivre mais je ne veux plus m’écraser pour laisser à l’autre l’impression qu’il n’est pas envahi. J’ai un profond respect pour l’espace de chacun mais je ne suis pas transparente ni faite d’air.
Cette année, j’ai à nouveau loué une chambre dans un appartement à partager pour le temps que je suis au Québec, soit de mai à septembre. A Montréal ou alentours, les loyers sont tellement chers que je ne pouvais me permettre un appartement seule. Le fait est aussi que je devais penser à loger mon ami Kusala Thero, le moine du Sri Lanka qui va venir au Québec animer des activités durant plus d’un mois. En venant habiter chez cette dame, j’ai l’opportunité de pouvoir le loger car elle part en voyage exactement le temps de son séjour et elle lui laisse sa chambre. La vie m’a amenée à l’endroit parfait pour tout ce que j’ai à vivre.
D’une autre manière mais tout aussi présente, je me retrouve avec une personne insécure et contrôlante. Je respecte tout à fait qu’elle soit ainsi, tout comme l’était la dame de l’an dernier, mais cela me fait quand même réfléchir à pourquoi je vis à nouveau cette situation car certains moments me ramènent de plus en plus clairement à des sensations connues.
Je vis majoritairement dans ma chambre. J’y ai créé mon cocon et m’en contente. Comme quand j’étais petite. C’était mon refuge. J’ai ensuite vécu cinq ans dans un minuscule 2 pièces sans lumière durant mes années d’université à Genève.
Quand je suis arrivée au Québec, j’ai tellement apprécié la grandeur des appartements et l’espace partout ! Jusqu’à l’an dernier, j’ai toujours eu un beau et vaste chez-moi où je me sentais bien et libre. Et puis, la vie m’a amenée à ne plus avoir de chez moi juste à moi. Le fait d’être en tournée deux fois par an en Europe puis l’hiver au chaud fait que je n’ai plus de chez moi nulle part.
Quand ma coloc est dans la cuisine, qui est la pièce de vie quotidienne, je sens mon ventre se mettre en boule à l’idée d’y aller. C’est une toute petite cuisine et, à deux, on tourne autour de la table pour aller d’un espace à l’autre. Pas vraiment de place pour deux.
Pourquoi cette sensation de boule au ventre ? Pourquoi cette peur de croiser ma colocataire dans la cuisine ? Pourquoi cette impression de ne jamais faire assez bien pour elle, ou assez, tout simplement ?
Il est plus facile de construire un enfant fort que de réparer un adulte brisé.
En demandant une réponse à mon âme ce matin, celle-ci m’a ramenée à quand j’étais petite. Nous vivions dans un grand appartement pourtant mais, chaque fois que je devais sortir de ma chambre pour aller à la salle à manger pour les repas, mon ventre faisait boule. Assez que, des fois, je ne pouvais manger tellement il était noué.
Mon beau-père – cause originale de ma boule au ventre -, me disait alors, avec compassion, d’aller me coucher ventre à terre sur le tapis de l’entrée pour que ça passe. Et ça passait : je n’étais plus en sa présence. C’était mon temps de méditation pour détendre mon ventre. Quand la faim revenait, quelques minutes plus tard, je retournais manger à table.
Cet homme était contrôlant, maniaque et tyrannique avec nous tous en plus d’être violent, psychiquement et physiquement, avec ma mère. J’en avais peur et je ne pouvais en aucun temps être moi-même. Les seuls moments où je m’exprimais – quand je n’en pouvais plus de m’écraser et me taire et faire en sorte d’être transparente pour qu’il n’ait rien à me reprocher -, c’était en piquant de belles colères et en criant. Ça finissait invariablement que je n’avais de toute façon pas raison mais, au moins, je m’étais exprimée. Ma soeur s’en souvient encore très bien car ça l’a marquée alors que moi, pas du tout, ou très vaguement.
Que je me retrouve avec une coloc très disciplinée avec un fort enjeu d’envahissement, dirons-nous, passe une fois mais, la 2e fois, cela veut dire qu’il y a répétition d’un schéma de vie. Une des raisons pour laquelle j’ai toujours préféré vivre seule – à part avec mes conjoints -, c’est justement pour ne pas avoir à ressentir cette boule au ventre à l’idée d’aller à la cuisine me chercher une tartine… et me retrouver avec ma coloc qui manifeste clairement son impatience, son envahissement, ou exprime son mécontentement parce que je prends « trop » de place…
Je lui miroite son enjeu d’envahissement. Elle me miroite mon passé avec mon beau-père et mon enjeu de rejet et culpabilité. Nous nous sommes mises toutes les deux dans un espace de cheminement et de guérison.
Je suis grande et ai les épaules larges. Le seul fait que j’arrive dans une pièce, je prends de la place. Mon énergie est solide et présente. Je n’ai rien à dire ni à faire pour faire réagir des personnes insécures. Depuis toute jeune, je me suis donc arrangée pour passer inaperçue malgré mon caractère bien trempé. Je me suis tue et cachée tant que je pouvais, tout au long de ma vie, pour ne pas déranger, pour ne pas faire réagir, pour ne pas recevoir de reproches. Je déteste les chicanes et fais tout pour ne pas en provoquer. Je suis une grande porteuse de culpabilité mais je me soigne.
Avec les années et les thérapies, j’ai repris confiance en la vie, en les gens, en moi et en mes qualités. J’ai eu des feed-backs positifs, des encouragements, des remarques positives et constructives qui m’ont permise, au fil des années, de retrouver confiance en qui je suis. Se reconstruire. C’est le travail de toute une vie…
Fil par fil, la pelote de la confiance se renoue à l’intérieur de soi, précieusement et doucement enroulée par la vie et ses cadeaux, par l’amour des amis et des proches.
C’est avec courage et détermination qu’on avance vers soi et le bonheur, travaillant consciemment chaque jour à agir de façon la plus positive qui soit autant pour soi que pour les autres.
Il suffit d’une fois, cependant, d’un mot, pour qu’elle se déroule d’un coup, brisant toutes ces années de travail sur soi. La remontée vers soi, le raccommodage reprend. La pelote s’enroule à nouveau, plus forte encore, plus grande à chaque fois. Plus solide.
Je ne sais pas si, un jour, on arrive à avoir une pelote qui ne se défait jamais. Je vois des gens qui vivent avec une belle pelote toute leur vie et je les envie car, pour moi comme pour beaucoup, c’est le travail de toute une vie d’en avoir une pas trop fragile, avec de belles couleurs, douce et sur laquelle on peut s’appuyer en toute confiance mais je sais que, petit à petit, la paix et la solidité s’installent pour de bon dans notre coeur.
C’est grâce à l’amour de nos proches que l’enfant blessé qui est en nous peut se reconstruire petit à petit.
A ce sujet, mon ami Martin a justement mis en ligne une petite vidéo ce matin avec laquelle je vous laisse et vous souhaite une merveilleuse journée remplie d’amour !
Sources : Chemin de vie
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