La Honte - morceaux choisis de Tisseron - « La liberté n’est finalement rien d’autre que la possibilité de s’aliéner à une personne de son choix, voire même à un objet chez certains fétichistes.

Extraits du livre de Serge Tisseron la honte

Psychanalyse d’un lien social

Editions dunod (proposé par Gilles TRIBALAT)

 

 

« La liberté n’est finalement rien d’autre que la possibilité de s’aliéner à une personne de son choix, voire même à un objet chez certains fétichistes.

C’est pourquoi une société démocratique doit donner à ses citoyens les moyens de se dégager des diverses formes d’emprises auxquelles ils peuvent parfois céder, sans pour autant leur contester la liberté de se soumettre » (p180)

 

 

« La honte, altération des trois domaines essentiels sur lesquels nous bâtissons notre identité et notre relation aux autres

1)      l’estime que nous nous portons a nous même (le narcissisme)

Cette altération ôte toute valeur à nos propres yeux de qui nous sommes

2)    L’affection qui nous lie a nos proches

Cette altération nous donne le sentiment de ne plus être aimé par ceux que l’on aime

3)     Notre certitude de faire partie d’une communauté qui nous accepte

Cette altération nous donne le sentiment même de ne pas pouvoir intéresser qui que ce soit

 

Cela amène la dissolution de l’existence humaine par atteinte de tous les liens, même ceux qui paraissaient jusque là les plus solides (brisure du line social – que l’on peut rattacher au sentiment d’appartenance)

 

FREUD par rapport à la honte : Pour lui la toile de fond  c’est le narcissisme et les mécanismes psychiques primitifs liés à la honte

La honte revient à l’action des forces refoulantes liées et destinées à lutter contre le surgissement des pulsions.

Ce qui est objet de plaisir devient objet de pudeur, de dégoût ou de honte

Premier mouvement = la propreté chez l’enfant

Deuxième mouvement = lié au sexe

Ces deux mouvements vont engendrer des forces contraires que l’enfant va intérioriser # que d’être fier de soi (entre objet de plaisir et de honte)

 

La honte émerge quand il y a menace sur l’identité (rejet ou retrait d’amour – via introjection – honte de soi, honte portée par ses parents)

La honte est différente de la culpabilité dans le sens ou la culpabilité se réfère à un acte plus ou moins précis – rejoint un déterminant social et correspond à l’idéal du moi // fonction personnalité – ce décalage engendre de la culpabilité et est lié au surmoi et aux intériorisations des interdictions qui s’y rapportent.

Alors que la honte  serait liée au narcissisme archaïque. Dans la honte c’est l’individu tout entier qui est visé, son identité et voyant son identité définie « comme honteuse » il envisage de disparaître complètement

 

(Possible de développer la vision personnelle que j’ai de la société qui a basé son mode de fonctionnement principal sur la rivalité qui est le a base même du fondement de la vision que l’état a du « pouvoir » . Le postulat est que le pouvoir appartient au plus fort ou à la majorité)

Ce rapport de force, de rivalité amène les individus, afin de ne pas être rejeté par le pouvoir, d’aliéner son identité, de ne plus être véritablement relié « à être soi », de ne plus être relié au sens du ce pour quoi je serais venu sur terre et d’en perdre mon identité … Mouvement générateur de honte … mouvement qui m’amène à vouloir disparaître, mouvement qui permet aux pouvoir d’être

KINSTON « La honte est le prix à payer sur le chemin de l’individuation »

(Honte // dégoût de soi)

- La honte porte sur la légitimité même du désir

- La honte est toujours vécue comme porteuse de rejet

- Toute honte peut être prise en référence à deux axes (axe historique et actuel)

Celui lié à l’histoire passée du sujet et à ses traces en lui (investissement sexuel, narcissique et d’attachement) et

Celui lié à la dynamique de ses investissements actuels

(Avec l’idée d’un troisième axe en prenant l’axe transgénérationnel – p 37)

Culpabilité = « C’est dégoûtant ce que tu fais » - rejoint l’acte et le faire qui est transformable et modifiable

Honte = « Tu es dégoûtant » - rejoint l’identité même de l’individu qui ne pouvant changer va chercher à disparaître.

 

Les intensités de la honte

1)      Confrontation de l’individu à la différence entre ce qu’il croyant être et ce qu’il découvre être (Cela est exprimé comme une gène par le sujet avec le sentiment qu’il peut dépasser cela en agissant. Ce qui est différent de la honte dans laquelle le sujet vit celle-ci comme n’ayant pas de remède possible

2)    En rapport avec une rupture d’investissement narcissique ou d’objet. Dans ce cas l’idéal du moi du sujet n’est pas partagé par ceux qui lui sont proches (ex, l’enfant qui découvre que son père est un bandit). Augmentation de la honte trainant liée à la dépression et organisée autour d’une infériorité personnelle (sujet honteux = une morale, objet de répulsion) Tout se passe comme si une catastrophe avait brisée le sentiment de continuité interne du sujet (lié aussi à une angoisse d’abandon)

 

La honte est aussi un levier dans la torture, car toute violence amène une régression, régression traumatisante dans laquelle le bourreau détruit, dans un premier temps, les repères habituels de la victime (en rapport avec ses investissements narcissiques) puis, le bourreau offre à la victime, au sujet, comme recours, ses propres objets d’investissement. Le sujet victime accepte alors le système de pensée de son bourreau (condition de survie mentale) et le tortionnaire devient ainsi, par ce coup de force psychique, à la fois la mère protectrice et le père puissant et autoritaire

 

NB : Notre sentiment de continuité et de notre originalité fondamentale vient des multiples identifications que nous avons faites

(Avec une part d’indifférenciation primaire, dans laquelle il n’y a pas de différence entre moi et le monde, c’est la partie psychotique de la personnalité, « le noyau agglutiné » ou encore dit « ambigüe » de BLEGER

 

Il arrive que le porteur de secret ne troisième génération, sentant le poids qui pèse sur ses épaules, renonce à toute procréation, afin de ne pas courir le risque de communiquer aux générations suivantes le douloureux fardeau qui l’accable. (p86)

 

Dynamique spontanée de la honte (p98)

Et ses différentes phases et comment agir sur celles-ci !

« La honte de la folie n’est pas la folie mais le dernier rempart contre l’envahissement de l’ensemble de la personnalité par sa partie folle »

 

Les situations génératrices de honte provoquent en même temps que la honte elle-même de nombreux autres sentiments comme la colère, la culpabilité, la haine, le désespoir … 

C’est sur ces sentiments que le sujet honteux est d’abord tenté de s’appuyer pour reconstruire à la fois son identité sociale et subjective (d’où les difficultés des sujets a se souvenirs et de connecter la honte – p101)

Il y a trois réactions face à ce mouvement

1)      La résignation autodestructive

2)    L’attitude de dénégation (le fameux déni)

3)     La toute puissance narcissique ou réparatrice

 

Le propre de la culpabilité, étant en effet, de laisser place à la réparation, elle est ainsi une sorte d intégration sociale.

Alors que la honte est une forme de désintégration sociale, donc de marginalisation sociale. C’est en ce sens que le passage de la honte à la culpabilité représente un aménagement par lequel l’individu honteux tente de reprendre pied à la foi, en lui-même (en rendant droit d existence à son désir) et dans la culpabilité qui laisse entrevoir le champ de la réparation.

Le rituel de la confession permet a tout individu de se soulager du poids de la honte pour se charge d’une culpabilité dont la punition permet aussitôt de se débarrasser (p106)

Une composante générale du psychisme humain est un effet que l’individu, confronté à ce qui le dépasse et qu’il ne peut contrôler, tente de s’en faire fantasmatiquement le responsable.

Plus la détresse est importante, c'est-à-dire plus l’effondrement narcissique et plus le recours à la culpabilité superlative se présente comme une alternative (p 106)

Dans la culpabilité le sujet préserve la conviction que les choses dépendent de lui et qu’il en reste ne quelque sorte le maître.

 

Mécanismes d’adaptation de la honte – l’humour

La honte n’est pas alors la conséquence d’un rejet par la société, elle est la menace de ce rejet. En effet en gardant le silence sur l’évènement, l’individu préserve sa place dans la communauté. S’il disait sa honte, il risquerait d’en être rejeté (problématique de l’acceptation inconditionnelle).

D’où le besoin pour le thérapeute d’établir une bonne symbiose avec le client afin de lever les dénis. Dans ce cas le silence du thérapeute doit parfois laisser place à une attitude chaleureuse et active afin de mettre en mots les expériences traumatisantes qu’a vécues le client.

La reconnaissance des blessures narcissiques et des humiliations  subies est un ancrage indispensable pour que le déni de la violence dont le patient à en général été l’objet de la part de son agresseur puisse être levé (p 130)

 

Valorisation de la honte

Si quelqu’un a honte c’est qu’il peut s’imaginer autrement. C’est sur cette capacité de changement Qu’il faut valoriser chez le client, afin d’encourager son dégagement de la situation vécue avec honte. Mettre la honte à jour devient alors un moment essentiel sur le chemin qui permet au sujet de récupérer la continuité et l’historicité de sa vie.

C’est un tiers qui a rendu honteux et c’est pourquoi il n’appartient qu’à un tiers de pouvoir délivrer le patient de la honte, en reconnaissant d’abord son existence et ensuite, et surtout, son bien fondé. Le sujet honteux a en effet moins besoin d’un objet de transfert, au moins au début, que d’un témoin qui lui permette de retrouver sa place dans la communauté.
Le dépassement de la honte peur s’opérer en dépassant la honte de la honte et de pouvoir verbaliser celle-ci. Dépasser la protection que le sujet met en place en ne parlant pas de sa honte afin de se protéger d’un éventuel nouvel accusateur

 

La reconstruction transgénérationnelle de la honte (p 136)

Qi les périodes d’exploration et de mise en cause de l’imaginaire familial sont acceptés et accompagnés par le thérapeute, il en résulte un renforcement du sentiment de sécurité interne du patient, et à terme, l’enrichissement de ses capacités de symbolisation de sa propre histoire. En effet, que de tels patients puissent penser quelque chose de leur histoire familiale, en dépit et même contre l’interdiction familiale d’en penser quoi que ce soit, est déjà une grande victoire contre les forces de l’oubli et de la mort. Qu’on leur demande pas, en outre, et d’emblée de penser juste. Leur effort d’élaborer est d’abord structurant en soi indépendamment de son contenu.

D’ailleurs, celui-ci est fréquemment transitoire et remodelé au fur et à mesure des réflexions du patient (p 137).

C’est en effet par leur caractère de « choses imaginaires » que les différentes tentatives de symbolisation du patient dans son milieu d’origine ont été annulées par l’entourage qui n’en voulait rien savoir. (p 138)

 

Honte d’un autre et agressivité dans le transfert (p 139)

La reconnaissance complète de la honte passe par l’identification de l’agresseur qui l’a initialement provoquée. Cela est indispensable pour les patients qui ont vécu une situation traumatique. Mais ça l’est aussi pour ceux qui, soumis à l’influence d’un parent porteur de traumatisme indicible, ont repris à leur compte la honte d’un autre.

En ce qui concerne les patients adultes, il me semble que la reconstruction du traumatisme et l’affirmation du rôle joué par l’agent agresseur doivent être complété par un travail sur la dynamique transférentielle. C’est en effet bien souvent l’analyste lui-même qui, pendant toute une partie de leurs tâtonnements plus ou moins conscients à la recherche de la honte généalogique, est chargé d’endosser le rôle d’agresseur !

Le thérapeute doit subir ce que l’on appelle pratiquement les assauts du transfert négatif. Les occasions ne manquent pas, pour ces patients porteurs de la honte d’un autre, de tenter de faire honte à leur analyste.

La seule réponse possible du thérapeute consisterait en la reconnaissance de sa propre vulnérabilité aux coups que lui porte son patient, par où pourrait être reconnu par celui-ci, le mal fondé de son idéalisation envers son thérapeute et du même coup, de son agressivité.

Finalement, bien souvent, les parents ont fait honte à leurs enfants de ce dont ils avaient eux même eu honte : ce dont on leur avait fait honte dans leur enfance et qu’ils répétaient sans tenir compte du décalage historique et de l’évolution concomitante des mœurs, par une espèce de fidélité figée à leurs propres parents ; mais aussi ce dont on leur a fait honte dans leur vie professionnelle, politique …

 

Une approche thérapeutique de la honte – la médiation des images (p 143)

L’évocation de ces quelques axes thérapeutiques de la honte nous a montré qu’il n’existe pas de thérapie particulière à celle-ci, mais d’abord  une sensibilité du thérapeute à ce qui constitue pour lui quelques difficultés majeures des cures : la gestion de l’agressivité, l’attention aux effets des traumatismes passés et présents, et la prise en compte du domaine encore insuffisamment explorés des inclusions au sein du moi et de leurs effets sur plusieurs générations.

Prise en charge de la honte par l’utilisation d’images psychiques comme médiateur entre les affects indicibles et les représentations mentales.

Le sujet honteux utilise fréquemment, de façon riche, des images pour dire son trouble comme si c’était par l’intermédiaire de ces images que le sujet, qui a temporairement perdu ses repères tentant de ramener le lien avec ses semblables et de retrouver sa place dans la communauté.

Exemples d’images « toucher le fond » - « perdre ou reprendre pied » - « rentrer sous terre » - « se cacher dans un trou » - « les bras m’en sont tombés » …

Trois références pour étudier le rôle des images dans la cure

-          les images du corps (réactions du corps comme les vomissements qui sont l’image d’un dégoût impossible à dire, et qu’ils traduisent sous forme visible à tous).

-          l’expérience sensorielle (Giséla Pankow a eu l’idée d’introduire la technique « de structure dynamique de l’image du corps » appuyée sur le modelage. Les modelages qu’elle demande de réaliser par ses patients sont destinés à soutenir l’acte d’imagination).

-          l’illusion nécessaire d’un espace psychique partagé (Besoin de favoriser la remémoration d’éprouvé corporels à partir desquels se fixent les images, ou, si l’on préfère, l’ancrage corporel de cette représentation, dans la mesure où ces images soutiennent le mécanisme par lequel les expériences affectivo-motrices fondamentales accèdent à la symbolisation (ex : vous avez bondi – vous étouffez – vous avez envie de vomir …p 150).

L’image peut aussi jouer le rôle d’un autre corps, un corps qui entoure, porte et protège celui du patient.

Il me semble de plus en plus que, toutes les fois où il y a, chez un patient, chez un enfant qui se retient de pleurer ou de hurler, c’est parce qu’il y a un autre enfant assis a coté de lui qui l’empêche en se moquant de lui. Et cet autre enfant, qui correspond à des réactions qui ont peut être été formulées par un adulte, un frère …

 

Je ne veux pas dire que les interprétations portant sur les émotions vécues du patient ne soient pas utiles. Elles sont, à mon avis, indispensables. Mais elles ne sont possibles qu’à la condition qu’un espace de contenu intérieur, une espèce de zone libre protégée des attaques du surmoi sadique oral, ait pu être constitué (p 151)

La limite de cette interprétation est la création d’une relation de pouvoir entre le thérapeute et le client.

Le client peut réagir, comme le nomme Pierre Féria, par une « dépressivité ironique » avec des réflexions comme : « oui, et alors … » - « Si ça vous fait plaisir »

« Et qu’es ce que cela change … ».

D’où l’intérêt de l’image comme substitut à l’interprétation.

Métaphores et comparaisons imaginaires assurent, par l’image, une identité de perception d’o peut se dégager une fonction contenant personnelle.

Les images ont cette réalité susceptible d’être partagées entre tous sans pour autant cesser d’appartenir totalement à chacun.

Le traitement par l’image véhicule trois aspects complémentaires

-          l’usage par le thérapeute, des images privilégiées par le patient

-          L’introduction par le thérapeute, d’images véhiculées par la langue courante même si le patient ne les a pas utilisés lui-même.

-          La création par le thérapeute, dans l’espace du transfert, d’une imagerie  originale orienté autour de ce que le patient ne peut justement pas se représenter et qu’il tend, pour cette raison, à agir.

Il est important de privilégier les images employées par le patient et qui lui restituent sa sensorialité.

Nous avons combien la défaillance des enveloppes psychiques est importante dans la honte, même si elle n’est pas toujours la cause première de celle-ci, et surtout comment cette défaillance contribue à engager la honte dans un cercle vicieux indépassable. C’est pourquoi la restauration d’une fonction contenante s’avère essentielle pour de tels sujets, que les situations douloureuses aient étés vécues par eux même ou par des membres de leur famille.

E c’est pourquoi l’image psychique, par sa double possibilité de créer l’illusion d’un espace psychique partagé et de fonctionner comme médiateur entre l’affect et la représentation, s’y avère un auxiliaire précieux (p 160).

 

Conclusion

Le mot de « honte » recouvre plusieurs notions différentes : l’émotion brute liée à la confusion et à la perte des repères (qui n’est parfois pas reconnue comme telle) ; le jugement sur l’émotion (c’est de la comparaison de soi avec un modèle que le sujet se propose à lui-même, ou qu’il adopte de l’extérieur, que résulte la perception de la honte comme telle) et le jugement portant à la fois sur l’émotion et sur les causes possibles de la honte (ce jugement implique alors des possibilités d’action).
Le caractère commun à toutes ces formes de honte est l’angoisse d’être exclu, c’est  dire non seulement la crainte d’un retrait d’amour, mais même de toute forme d’intérêt. Telle est en effet la différence essentielle qui oppose honte de culpabilité.

Dans la seconde, le sujet soumis aux rigueurs du surmoi se trouve par là encore assuré de l’attention de cette instance psychique. Par ailleurs il peut « expier » sa faute et retrouver ainsi sa place au sein de la communauté. Dans la honte, au contraire, le sujet perd tout soutien : il est coupé de ses propres instances psychiques, y compris de son propre inconscient ; et coupé irrémédiablement du groupe social auquel il était rattaché et qui avait pris pour lui le rôle de la mère primitive. Autrement dit, l’angoisse de honte a toujours deux versants : l’un du coté des relations avec le groupe – c’est l’angoisse d’exclusion - et de l’autre coté du fonctionnement psychique – c’est le risque de désagrégation mentale – enfin, l’angoisse de honte ne concerne pas seulement la crainte d’être exclu, elle peut aussi être induite par l’exclusion. Cet aspect de la honte nous a obligé à envisager le rôle joué par les défenses intersubjectives à coté des défenses subjectives. En effet, classiquement, les mécanismes psychiques sont situés dans la perspective du modèle intra psychique : des compromis s’établissent à l’intérieur du moi entre les pulsions d’un coté et les injonctions du surmoi de l’autre. Or nous avons vu que la honte intervient tout autant comme une défense interpersonnelle que personnelle.

L’environnement est co-organisateur de l’organisation mentale de chacun, et pas seulement à travers le rôle joué dans l’enfance par les premières figures d’attachement et d’investissement.

Nous avons vu en effet que le risque d’exclusion dans la honte est considérable. L’angoisse de se trouver rejeté de sa communauté, et à plus forte raison si c’est pour une cause inconnue, peut ébranler les personnalités les mieux constituées. Il en résulte en particulier que la culpabilité est toujours préférée à la honte. Quel que soit le prix à payer, jusqu’à sa vie même, la culpabilité protège du risque de destruction psychique. La menace majeure que la honte fait peser sur le fonctionnement psychique explique également que lorsqu’une honte grave a été éprouvée, on ait plus souvent affaire aux effets de la destruction psychique qu’elle a provoqué qu’à son souvenir proprement dit. La honte est dissimulée, même à soi  même. Et ce sont les effets de cette dissimulation qui doivent mettre le psychanalyste sur sa voie …

Cette dissimilation n’est d’ailleurs pas seulement guidée par la nécessité de se cacher sa honte à soi même. Montrer sa honte à autrui est suffisamment grave pour que le sujet honteux cherche, de ce coté aussi, à se protéger des retombées possibles de sa honte. Les manifestations explicites de honte ont en effet des incidences sociales également graves pour le sujet honteux. Le sentiment vécu de la honte, parce qu’il s’accompagne e postures corporelles, de mimiques ou d’intonations particulières, informe l’environnement ; et l’attitude de celui-ci agit en retour sur le sujet honteux, parfois dans le sens d’un apaisement, le plus souvent dans le sens d’une aggravation du fait de caractère contagieux de la honte.

Pourtant le vécu de la honte participe également de la traduction mentale d’une crise identitaire qu’il tente de surmonter. Et l’acceptation du sentiment de la honte et des images qui l’accompagnent, même pénibles, est le premier point d’appui à partir duquel le sujet puisse tenter de sortir durablement de la confusion.

Si le lecteur ne devait retenir de tout ce qui précède qu’une seule idée, je préférerais donc que ce soit celle-ci : la nécessité, face à une honte éprouvée tant par soi même que par un autre, de ne jamais la prendre pour ce qu’elle donne à voir, à l’aveu muet qu’il y aurait quelque raison de mettre celui qui l’éprouve au ban de la communauté. Il s’agir au contraire de toujours donner à la honte valeur d’aspiration à la reconstruction d’une identité originale qui trouve sa place dans la communauté. En quelque sorte, valoriser la honte » (p 166).

 

 

 

 

 

Finalisé le premier septembre 2011 à la bibliothèque Buffon – Paris 13ème

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