« La Connaissance n’est pas dans la Connaissance, mais dans le vide créé par la Connaissance ! ». Krishna Murti


Une formule originale pour commencer : « La Connaissance n’est pas dans la Connaissance, mais dans le vide créé par la Connaissance ! ».
Si vous ne possédez pas de récipient, vous ne pourrez rien retenir …
La Connaissance n’est pas l’élixir qui remplit le récipient et qui fait le plein.
Car dès que le récipient est plein, il ne peut plus rien contenir alors que la Connaissance est sans limite.
La Connaissance est le vide créé par le récipient, car le vide peut tout contenir !
La Connaissance est Contenance et non Contenu …

Pour parler d’un Maître comme Krishnamurti, il est important de saisir que ce qu’il énonce n’a pas pour objet de vous remplir, mais de vous vider !
Ce constat est redoutable, car il est l’incarnation même du parcours de cet homme qui nous délivre à travers sa vie ce message incongru : « ce qui est sage, n’est pas de chercher, ni d’être enseigné, ni d’être enseignant, ni d’apprendre, ne de savoir, mais de s’apercevoir que toute quête ne mène à … rien ! ».
Plus je sais, plus je sais que je ne sais rien.
Mon accumulation de savoir ne fait que creuser un abîme de méconnaissance.
Cette appréhension d’un infini composé de Connu et d’Inconnu nous stupéfait, nous sidère et nous indique quel est le vrai chemin : pas de chemin !
Le seul commandement de Krishnamurti est celui-ci : « Contentons-nous de CE QUI EST ».

Remarque pour rire : contenir, contenu, contenance, se contenter sont tous des mots de la même famille. Je suis très « content » d’avoir fait cette remarque !

Ainsi, si quelqu’un appelé Maître se présente devant vous pour vous emplir de Connaissance en vous délivrant ses enseignements, tuez-le !
De même, si quelqu’un appelé Disciple se présente devant vous, faites-lui nettoyer vos toilettes et insultez-le jusqu’à ce qu’il s’enfuit !
Cette mésaventure est arrivée à Arnaud Desjardins …

Que veut dire tout cela ?
Vous n’avez besoin de personne pour vivre, pour faire l’expérience de la vie.
La quête d’un Maître est une mauvaise excuse pour le pas entrer dans la Voie qui est absence de Voie. La découverte d’un disciple est dispersion et perte de temps : il n’y a rien à transmettre qui ne soit déjà là.
La Vie n’est pas autre que celle que vous menez : elle est ici et pas ailleurs, elle est maintenant et ni avant, ni après. Elle n’est ni montée, ni descente ; ni progression, ni dévalorisation. La vie est …

Pourquoi cette introduction aux accents provocateur ?
Vous êtes nombreux à trouver cette Parole et tous les textes de Krishnamurti belle, lumineuse, simple et inspirante.
Mais au-delà de la force et de la pureté de cette Parole, nous devons nous méfier d’une compréhension trop rapide ou trop évidente. Et c’est l’objet de cette communication.
Nous devons approfondir la tonalité de cette Parole et ne pas occulter deux points fondamentaux. :
- Le parcours contradictoire de cet homme qui a été lui-même Maître prêchant l’existence d’une Voie avant de l’abandonner.
- Notre obscurité relative qui disparait lorsque nous approchons d’un tel homme, mais qui revient malheureusement lorsque nous revenons chez nous …

Je vais désormais m’attacher à développer ces deux points.

Le parcours de Krishnamurti ; mon parcours …

L’itinéraire de cet homme est tout à fait ordinaire dans la mesure où il a été principalement une accumulation d’actes tous orientés par un engagement total dans un système philosophique constant. Ce qui est peu commun est la ligne de rupture dans cette constance. Il a été théosophe jusqu’à en devenir le leader. Et c’est arrivé au sommet de cette société qu’il a décidé de la dissoudre. Créant par là-même un vide immense : c’est comme si vous détruisiez les fondations de votre maison ou vous sciez la branche de l’arbre sur laquelle vous êtes assis.
Pourtant, en rien il ne dénigra les gens qui l’avaient créé. Pourtant, il ne s’effondra pas ; mieux, il resta intègre et égal à lui-même au-dessus de ce vide.
Après réflexion, la formule la plus juste que j’ai trouvée pour caractériser la constance et la Vérité de Krishnamurti est la suivante : « Toute Vérité est un piège qui vous enferme et il faut s’en extraire avant d’en être prisonnier et cela est la seule véritable Vérité qui ne vous enfermera pas ! ».
Ce qui est contradictoire et très intéressant est que jamais Krishnamurti vous déconseillera ou vous interdira de faire l’expérience de telle ou telle Vérité. Il vous demandera de manière sympathique et avec un grand sourire : « Comprenez-vous ce que vous faites ? ». Cette question pour vous suggérer que vous pourriez tomber dans une impasse. Impasse qui vous sera très grandement utile car elle vous guérira d’une illusion et vous mettra peut-être dans une Voie qui est l’absence de Voie et de Vérités !
La question que je vous pose et qui est extrêmement pragmatique : vous devez guérir de combien d’illusions-vérités ? J’en prends trois (pas au hasard !) : vous guérirez quand de ce réconfort/ sécurité que l’argent doit vous fournir, vous guérirez quand de cette dépendance sentimentale que l’amour doit vous apporter, vous guérirez quand de vos talents indispensables pour aider vos semblables qui sont en difficulté … Pouvez-vous vous contentez de laisser le monde être le monde, et de laisser chaque chose vivre ce pourquoi elle est faite, sans intervenir, sans juger, sans commenter, sans penser, sans comparer, sans mesurer ?
A travers cette question, il me parait indispensable de mettre en garde ceux qui veulent prendre des raccourcis intellectuels ou qui font fi des autres en pensant qu’ils sont différents ou pire supérieurs ou meilleurs. Vous ne deviendrez jamais un homme ou une femme hors du commun si vous n’avez pas tenté l’expérience et échoué lourdement. Faire l’économie de l’expérience sous prétexte que d’autres l’ont déjà faite et ont échoué est un déni de réalité. Pour reprendre les trois exemples que j’ai cité : seul un ancien riche peut réellement percevoir que l’argent ne fait pas le bonheur, seul un très grand amoureux éconduit comprend que l’amour est toujours intéressé, seul un être « doué » peut s’apercevoir que ses dons sont le fruit du hasard (il n’y est pour rien) et que par contre, ces prétendus talents l’ont rendu orgueilleux, prétentieux, présomptueux et fasciné.
Faire ces expériences font immensément avancer : nous pouvons être serein et confiant sans argent, nous pouvons aimer tous les êtres sans jamais en aimer un plus que les autres, nous pouvons associer tous ceux qui nous entourent à nos succès sans se préoccuper de savoir s’ils ont ou non besoin de nous …
Vouloir prendre des raccourcis ou une voie soi-disant « royale » est un superbe leurre. Pour avancer, il n’y a pas d’économies à faire, pas de temps à accélérer , pas de dispositions qui vous ferons dire un jour : « je ne suis pas venu au monde pour vivre cela ! ». Vous retrouverez cette « anti-pédagogie » superbement exprimée dans l’enseignement de Krishnamurti consacrée à la créativité du mécontentement. J’aime son discours anticonformiste et remarquable sur la nécessité d’être insatisfait pour toujours se re-motiver et ne jamais abandonner. L’erreur, la souffrance, la non-reconnaissance font naître la lumière.
On retrouve cela chez les bouddhistes dont les enseignements expliquent tout d’abord que les émotions perturbatrices sont qualifiées de POISONS, mais dont on s’aperçoit qu’une fois dominées et bien recyclées elles deviennent des JOYAUX les plus précieux.
Pour résumer la démarche de Krishnamurti et en retenir la leçon pour nous, j’utiliserai bien cette formule : « La fin n’est pas égale aux moyens ! ». Le but, l’aboutissement, la consécration, la conclusion, le résultat, le bénéfice est très très loin d’être égal au chemin, à l’expérience, au vécu qui nous a permis « d’en arriver là ». Le fait d’avancer est mille fois plus important que la mesure de l’avancement. Tout perdre, c’est croire que l’on a déjà gagné et que cela nous autorise à ne plus avancer. Tout perdre, c’est croire aussi que nous ne pourrions plus avancer. La seule Vérité qui nous permettrait de nous arrêter est lorsque nous serons en fusion avec « CE QUI EST », à l’intérieur du vide qui contient tout !
Personne ne peut faire l’économie de la Vie. Personne ne peut aller plus vite que la musique. Aucun maître, aucun livre, aucun enseignement ne remplacera jamais l’épreuve, la pratique et l’entraînement.

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Commentaire de Gerrold Sophrologue Caycédien le 19 Avril 2012 à 12:08

Merci bien pour tes propos et j'aimerai me lancer dans un petit commentaire. Krishnamurti, par des circonstances atypiques, je l’ai rencontré personnellement à la fin de sa vie à Gstaad, sans savoir qui était ce personnage. Rencontre chez un de ses « amis » qui lui logé gracieusement. Cette rencontre était extrêmement riche à plus d’un titre. Pour moi c’était un homme comme tous les autres. Je voyais bien tout le respect que les autres avais pour lui, la prise d’un rendez-vous etc., mais suite à mon regard, mon attitude, mes paroles, Krishnamurti  a eu un déclic et un sourire serein, « Enfin, quelqu’un de normal »… si j’ose dire.

Je pense que le garçon n’est pas pour grand chose dans l’histoire. C’est un rencontre avec Leadbeater qui fait tout basculer. Il prétendit avoir décelé chez le jeune garçon une aura exceptionnelle. Ensuite c’est la Société Théosophique qui s’est  occupée de lui. Krishnamurti était leur instrument et de l’autre côté, Krishnamurti déclara que sans la rencontre avec Leadbeater, il n'aurait pas survécu.

D'abord présenté dès son adolescence par la Société Théosophique de l'époque comme un messie potentiel (lui-même  a donc peu d’influence sur cette affaire), et ensuite Annie Besant considérait que son ordre « ordre de l'Étoile d'Orient » n'était pas lié à la théosophie, mais était l'ébauche d'une future religion universelle avec Krishnamurti en tête. Ce qui dévoile les rapports de forces entre les protagonistes.

Bref, en 1924 les personnes influentes qui gravitent autour de Krishnamurti, reçoivent du Baron de Pallandt le château d’Eerde (Pays-Bas). Et à partir de 1925 Krishnamurti transmet en permanence le message « Celui qui poursuit la Vérité et en arrêt quand il suit un autre ». En clair, il répète en amont qu’il n’était pas l’« instructeur du monde ». Et le jour arrive qu’aux Pays-Bas, devant la presse internationale, il est présenté comme le nouveau messie. Oh malheur, c’est la devant le monde entier qu’il déclare qu’il n’est pas le messie. Pour moi, un puissant signal qu’il est justement très cohérent avec lui-même et largement moins avec ceux qu’ils entourent. Question de pouvoir, argent ?

Bien à toi, Gerrold

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