Une amie (merci Sonia !) nous a partagé lors d’un stage, ce texte, qui m’a beaucoup touchée :

« Dans cette tribu africaine, la date de naissance d’un enfant ne dépend ni de son jour de naissance ni de sa date de conception, mais du jour où l’enfant se manifeste en pensée dans l’esprit de sa mère.
Dès l’instant où la femme décide d’avoir un enfant, elle s’isole en allant s’asseoir sous un arbre et elle écoute, patiemment, jusqu’à ce qu’elle puisse entendre la chanson de l’enfant qui souhaite s’incarner en elle.
Après avoir écouté sa chanson, elle revient vers l’homme qui sera le père de l’enfant, pour la lui enseigner. Ensuite, quand ils font l’amour, ils chantent pendant sa conception la chanson de l’enfant en guise d’invitation.
Quand la femme est enceinte, elle enseigne la chanson de l’enfant aux sages-femmes et aux vieilles femmes du village pour que, quand l’enfant vient au monde, les vieilles femmes et les gens autour d’elle chantent la chanson de l’enfant afin de lui souhaiter la bienvenue.
L’enfant grandissant, on enseigne sa chanson aux villageois.
Si l’enfant tombe, ou se fait mal au genou, lorsque quelqu’un s’occupe de lui, il lui chante sa chanson. Lorsque l’enfant fait quelque chose de magnifique ou passe par les rites de puberté, une des façons pour les gens du village de l’honorer est de lui chanter sa chanson.
Dans cette tribu africaine il y a une autre occasion pour laquelle les villageois chantent pour l’enfant. Si à un moment de son existence, il commet un crime ou un acte social aberrant, on le convoque au centre du village et les gens dans la communauté forment un cercle autour de lui, et lui chantent sa chanson. En effet, cette tribu sait que la correction pour une conduite asociale n’est pas la solution : c’est l’amour et le souvenir de son identité.
Quand vous reconnaissez la chanson de votre être, la chanson de votre nature originelle, vous ne pouvez plus choisir la stratégie de nuire à autrui pour nourrir l’un de vos besoins insatisfaits. Et il en va ainsi, tout au long de votre existence, tant que vous entendez la chanson de votre être. Lors des cérémonies de mariage, les chansons sont également chantées.
Quand une personne se trouve allongée sur son lit de mort, tous les villageois connaissent sa chanson et la lui chantent une dernière fois. »

Pour pouvoir écouter la « chanson de l’être », il faut savoir qu’elle existe…
Cette tribu africaine incarne cette sagesse antique : la racine de la souffrance d’un être est l’oubli de sa nature véritable, de son identité originelle, avant l’oubli de qui il est réellement.
Chanter la « chanson de l’être », c’est se souvenir qu’aucun être n’est né « mauvais » ou avec de « mauvaises intentions », mais que, s’il pose des paroles ou des actions qui ne contribuent pas au bien-être d’autrui, c’est uniquement parce que, ayant oublié qui il est (de par ses blessures d’enfance, de par le conditionnement familial, culturel, social) il n’a plus les moyens d’agir à partir de la beauté de sa nature véritable : lui chanter alors la « chanson de l’être » plutôt que la « litanie des jugements », c’est faire le choix de soutenir sa nature originelle, l’aider à s’en souvenir et à la faire émerger, plutôt que de juger les apparences sous lesquelles la beauté de cette nature est à présent cachée…

Je n’ai pas eu la chance de naitre dans une tribu africaine dans laquelle on me chante ma « chanson de l’être » aux moments cruciaux de ma vie…
Mais j’ai eu la chance de croiser la route de Marshall Rosenberg (père de la Communication NonViolente), qui avait été dans l’une de ces tribus africaines où, lorsqu’un être fait un acte nuisant au bien-être de la tribu, on convoque toute la tribu, on invite la personne concernée à se mettre au centre du cercle ainsi formé et on lui chante sa « chanson de l’être », quelle qu’en soit la forme. Dans la tribu qu’a rencontrée Marshall, la façon de rappeler à un être sa nature véritable était que chaque membre de la tribu lui remémore un moment où celui-ci avait contribué à embellir sa vie, que ce soit en l’aidant à rattraper des animaux en brousse, à s’occuper d’un enfant malade, à construire une case. Plutôt que de juger un membre de leur tribu à partir de ses actions néfastes, la tribu, ayant conservé cette antique sagesse, faisait pour lui un « remembering » : elle l’aidait à se souvenir de sa nature véritable, avant qu’il ne perde momentanément la capacité d’accéder à sa bonté, à sa bienveillance naturelles, à son élan à prendre soin d’autrui autant que de lui-même. Et cette tribu savait comment l’aider à se souvenir de cela : en lui chantant, à leur façon, sa « chanson de l’être », composée de toutes les actions qu’il avait posées à chaque fois qu’il était relié à sa nature véritable.
C’est en voyant cette façon de procéder que Marshall a cherché comment il pourrait être possible à chaque être humain de se relier à la beauté originelle de chaque être, même si ses actions, dans l’instant, nous la rendent invisibles : de là est né le processus de la Communication NonViolente (http://bit.ly/CNV99).
J’ai une gratitude infinie pour Marshall d’avoir offert avec ce processus la possibilité d’entendre la « chanson de l’être », en se mettant à l’écoute des besoins et des aspirations profondes sous-tendant les actions d’un être, plutôt que de les juger.

En ce jour, lorsqu’un proche, un ami, un collègue, une connaissance ou un inconnu fera quelque chose qui ne contribue pas à votre bien-être, je vous invite à vous souvenir de cette tribu africaine, à vous souvenir que vous avez le choix, à chaque instant, de la façon dont vous souhaitez vous relier aux autres : en les jugeant sur les apparences, ou en cherchant un moyen d’accéder à leur nature véritable.
Si vous choisissez cette dernière option, peut-être trouverez-vous une façon de les aider à se souvenir de leur « chanson de l’être »…

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