Le terme humilité est à rapprocher du mot humus, qui en est la source étymologique, et qui a donné par ailleurs le terme homme. Cela semble signifier que l’humilité consiste, pour l’homme, à se rappeler qu’il est poussière (ou littéralement : « fait de terre », c’est-à-dire de la matière la plus commune). Cela semble indiquer aussi que l’humilité est une attitude proprement humaine : et de fait, si l’homme n’est pas le seul être dont on puisse dire qu’il fut tiré du limon, il paraît bien être le seul à le savoir.
   Mais du coup, il est aussi le seul à pouvoir l’oublier — et pire : à vouloir l’oublier. Au-delà de l’image du matériau (terre, humus), le terme d’humilité renvoie en effet à l’idée d’une provenance étrangère, d’une impuissance à être sa propre origine ; il paraît impliquer aussi, du même coup, l’idée d’une incapacité à s’accomplir par ses seules forces ; en un mot, il s’agirait d’avouer qu’il n’est rien en nous, hormis peut-être nos fautes et nos manquements, que nous puissions nous attribuer à nous-même, à nous seul. Or cette double impuissance n’est pas facile à admettre ; elle semble, à certains, incompatible avec la dignité de l’être humain, et sa reconnaissance constituerait à leurs yeux une intolérable humiliation. 
   Mais justement, est-ce une même chose d’être humble et d’être humilié ? Etre humble, est-ce se rabaisser, se manquer de respect à soi-même ? Cela doit-il conduire, en particulier, à accepter que les autres nous traitent comme « moins que rien » ?
   Humilier quelqu’un consiste à nier sa dignité, ou du moins à manifester uniquement ses pauvretés et ses déficiences ; concrètement, cela revient souvent à le réduire à son animalité, ou à sa dimension purement physique : rien de plus humiliant pour un homme, par exemple, que de voir l’accomplissement de ses fonctions organiques privé du secret ou de l’habillage qui l’humanisent. Mais refuser cette humiliation, serait-ce manquer d’humilité ? Et inversement, faudrait-il refuser d’être humble pour échapper à l’humiliation ? Non pas, si humilité et affirmation de sa dignité sont, en vérité, compatibles, voire indissociables. Telle est du moins la position que l’on s’efforce ici de préciser.
   D’une part, l’humilité ne consiste pas à se croire dépourvu de dignité, mais à se savoir incapable d’en être soi-même la source, et à se reconnaître impuissant à exister « à la hauteur » de celle-ci. En tant qu’être humain, je suis bien plus qu’un peu de boue (ou d’humus), contrairement à ce que suggère l’étymologie prise au pied de la lettre. Mais ce que je suis de plus, je ne me le suis pas donné à moi-même ; en outre, par mon comportement envers moi-même comme envers autrui, sans doute le trahis-je bien plus souvent que je ne l’honore. Ainsi, autant mon refus de ma dignité ne serait pas une vraie humilité (mais quelque chose qui pourrait être une profonde ingratitude), autant l’humilité véritable se manifeste par l’acceptation du fait que l’aide d’autrui m’est absolument indispensable. L’aide dont j’ai eu besoin pour être, tout simplement, en ce sens que je dois ma venue à l’être, et mon statut d’être pourvu de dignité, à autre chose ou à quelqu’un d’autre que moi-même. L’aide dont j’ai besoin, ensuite, pour tenter de ne pas être trop indigne de ma dignité : car précisément, celle-ci a quelque chose d’infini et d’absolu, qui fait de son plein respect une tâche au-dessus de mes forces — voire des forces humaines en général. Ainsi se préciserait la conciliation évoquée plus haut : être humble, ce n’est pas se considérer comme sans valeur, c’est au contraire voir sa propre grandeur et se sentir petit devant elle.
   D’autre part et par conséquent, l’humilité ne saurait conduire à se laisser traiter comme un être sans valeur, et à accepter toutes les humiliations. Nulle incompatibilité entre être humble et exiger le respect : car ce dont j’exige le respect, à savoir ma dignité, c’est aussi ce dont je reconnais ne pouvoir être l’auteur. En ce sens, je demeure effacé et discret (« humble ») lors même que je mets en avant ma dignité d’être humain.
   Concluons : il semble particulièrement important de ne pas se tromper sur le vrai sens de l’humilité, car toute erreur à son sujet irait forcément de pair avec une méprise sur le vrai sens de la dignité, et donc sur la juste attitude à avoir envers soi-même comme envers autrui.

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Commentaire de Clarine Faure le 8 novembre 2012 à 1:03

L'ORGUEIL étant le premier des "pêchés capitaux", L'HUMILITE est la première des "vertus capitales". OUI ! Jésus ("Dieu fait homme") lavait les pieds de ses apôtres, IL était doux et humble. IL est venu pour PARDONNER EN VERITE. Très important l'humilité, très très important l'humilité, pour nous les humains "faits à l'image de Dieu". Je pense, pour moi même, que l'humiliation extrême que j'ai vécue et digérée, m'a appris l'humilité comme la dignité. Merci à vous, chère SIMONE. Clarine

Commentaire de joëlle.17 le 14 Février 2012 à 18:06

je pense que l'humilité est une nature ou un comportement par rapport à son vécu ou à ses blessures on ne choisi pas. est ce bien ou non? cela nous rend ils heureux ou non? nous sommes tous confrontés à nos caractères et nos souffrances qui font de nous des natures différentes. Il faut surtout s'accepter merci pour tous ces partages

Commentaire de PAPAUX SIMONE le 14 Février 2012 à 9:30

Merci pour vos compléments et vos partages enrichissants.

Pensées lumineuses !

Merci Merci Merci

Simone

Commentaire de François le 13 Février 2012 à 17:18

"Etre humble, ce n’est pas se considérer comme sans valeur, c’est au contraire voir sa propre grandeur et se sentir petit devant elle." reprend Nirvan Premdas.

Pour être complet, j'ajouterai qu'être humble c'est aussi reconnaître ses limites du moment. Et en ce sens, avec ces deux pendants, l'humilité est d'une grande valeur car elle permet de faire avec la conscience de notre entière réalité : grandeur et aussi limites. Sans elle, le risque est grand de s'illusionner et de se brûler les ailes.

Merci Simone pour cette précieuse contribution que je découvre grâce à Nirvan Premdas.

Cordialement,

François

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