On a longtemps pensé que les émotions étaient censées être le propre de l’homme. Celui-ci étant considéré comme le seul être vivant à pouvoir éprouver ce qui parfois se présente comme une tempête et d’autres fois comme une douce circulation d’émois et de ressentis agréables. Cette croyance à survécu dans notre culture alors qu’elle n’est pas du tout présente dans d’autres. En Occident, cela nous a arrangé de penser, durant des millénaires, que les animaux et les plantes, la faune et la flore qui peuplaient notre planète n’avaient pas d’émotions et encore moins de langages, que nous étions seuls à pouvoir disposer de ces qualités, de ce pouvoir ou de cet inconvénient (quand celles ci nous submergent et nous entraînent à des comportements parfois excessifs).
Puis nous avons découvert (avec quelques résistances et difficultés) que les animaux ont eux aussi des langages très élaborés (à base de phéromones, de cris audibles ou non audibles, de vibrations) et qui à travers cela se transmettent des intentions, des refus ou des émois particuliers à chaque espèces. Nous pressentons, depuis quelques années, que les plantes peuvent communiquer entre elles, qu’elles savent envoyer des messages et s’organiser pour d’une certaine façon lier “relation” et en particulier pour se faire féconder et ainsi pouvoir se reproduire. Ou encore pour se détruire ou s’exterminer quand une espèce ne peut cohabiter avec une autre sur un même espace.
Les spécialistes des sciences du comportement nous ont appris que le nombre de nos émotions, à nous les humains, est relativement limité et stable. On peut les nommer : la peur, la colère, la tristesse, la joie, le dégoût, la surprise et le mépris. Je ne sais si on pourrait y ajouter la capacité à s’enthousiasmer, semblable au réveil d’une petite flamme en nous qui ensuite va nous dynamiser et nous porter, sinon nous transporter. Je crois aussi que l’on pourrait compter au nombre de nos émotions l’aptitude à s’émerveiller quand nous sentons un plaisir, une joie devant le beau, devant l’harmonie, quand nous sommes plongés au cœur d’une musique qui nous pénètre et vibre profond en nous. Puis-je appeler émotion cette capacité de certains d’entre nous à s’auto – violenter, ne se privant, en restant réactionnellement dans le tout ou rien ? Mais peut-être est-ce là des variantes de l’une ou l’autre des sept émotions de base.
Ce qu’il faut savoir, c’est que pas plus que les sentiments, les émotions ne se contrôlent pas. Mais contrairement aux sentiments, qui se construisent à partir de notre passé, à l’intérieur de notre imaginaire et non du cœur comme on l’imagine, les émotions sont semblables à des croyances actives qui explosent ou implosent dans notre corps. Si les sentiments peuvent se manifester avec le corps à travers des comportements intimes, les émotions vont s’afficher, se montrer et parfois déborder indépendamment de notre volonté. Même masquées elles apparaissent par de nombreux signes sur notre visage, dans nos gestes ou nos attitudes et par là même elles vont être perçues par les autres.
Les émotions semblent innées, indépendantes de la culture reçue, ainsi l’une ou l’autre des sept émotions affichées sur un visage, ont pour Antonio Damasio, un anthropologue et neurologue américain, une valeur universelle pour toute l’espèce humaine, en ce sens que chacune de ces émotions s’expriment pratiquement avec les mêmes signes.
Ce qui peut nous interroger, c’est le sens à donner à nos émotions. Je serais tenté pour ma part de penser que l’émotion est un langage. Un des langages les plus anciens dans notre développement, celui qui tente de dire, de montrer l’indicible, d’exprimer parfois l’insupportable ou l’inacceptable. Ainsi quand nous ne pouvons mettre de mots sur le retentissement qui nous habite par rapport à l’impact d’un fait, d’une parole, d’une conduite sur nos blessures anciennes, les situations inachevées de notre histoire infantile. Sur ce qui est touché en nous par un mot, un comportement, l’irruption d’une situation et qui va nous rendre peureux, nous paralyser ou au contraire irascible, violent et qui peut encore nous apprivoiser, nous faire fondre de plaisir ou nous entraîner dans une tristesse infinie.
Les émotions doivent être entendues comme le langage du retentissement. Comme la voix de ce qui résonne, fait écho en nous et qui s’exprime avec une spontanéité étonnante et parfois détonante.
Accepter d’entendre nos émotions, de les respecter (et non de les maîtriser ou réprimer comme il était conseillé autrefois dans certaines familles ou milieux) est un des moyens, des chemins possible pour être en accord avec soi même. Ainsi par exemple si je suis triste parce que ce grand-père que j’aimais vient de mourir, peut-être que ma tristesse tente de cacher l’énorme colère qu’il y a en moi, si j’ai ressenti sa mort comme une trahison et que je n’ai pu dire « – Je t’en veux grand-père d’être mort, car moi j’avais encore besoin de toi, tu étais la seule personne avec qui je pouvais échanger… »
Si j’ai envie de sauter de joie, de rire, de dire à tous ceux que je rencontre l’allégresse et la joyeuseté qui m’habitent, en recevant la réponse d’un éditeur qui accepte de publier mon premier roman ou mon premier recueil de poèmes, je ne dois pas hésiter à partager toutes les émotions qui gravitent autour de cet événement.
Est-il plus facile de montrer les émotions positives, enthousiasmantes que celles qui sont plus négatives ou plus grises ? Je ne le sais. Si nous acceptons que les émotions sont des langages, cela suppose qu’elles doivent être reçues, entendues, accueillies, sans que l’autre cherche à la minimiser, les tempérer ou nous rassurer en nous invitant à y renoncer.
Puis-je terminer (provisoirement) en disant « osez vos émotions ». Elles sont la part intouchable de votre vitalité. Osez accueillir les émotions de l’autre, de vos proches, c’est un cadeau que vous allez lui faire ainsi qu’à vous même !
par Jacques Salomé – psychosociologue et écrivain
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