love me !
S’aimer soi-même ne va pas forcément de soi. Notre image est pourtant fondamentale pour structurer notre comportement. Et, à travers lui, notre rapport aux autres.
Isabelle Yuhel
Si Dieu devait dicter ses commandements à Moïse aujourd’hui, il ajouterait certainement aux dix existants : « Tu t’aimeras toi-même, autant sinon plus que ton prochain, tu prendras soin de toi, tu veilleras à ton bien-être, etc. » !
A l’ère de l’individualisme triomphant, de la valorisation tous azimuts du "moi" et de ses formidables potentialités, l’amour de soi prend figure de devoir. Il apparaît même, pour 69 % des Français, comme la condition sine qua non de l’amour d’autrui (in “Francoscopie”, G. Mermet, Larousse 1999).
A première vue pourtant, l’idée de s’aimer soi-même paraît futile, ridicule comme s’il n’y avait rien de plus important dans l’existence ! – ou très prétentieuse. Traditionnellement et culturellement, c’est sur la capacité d’aimer autrui qu’est mis l’accent. Mais la psychologie moderne nous tient un discours très différent. Elle pose que s’aimer un minimum est indispensable pour éprouver du plaisir et trouver du charme à la vie. Il suffit d’ailleurs d’imaginer les journées de quelqu’un qui se lèverait tous les matins en se trouvant bête et laid, persuadé de son infériorité et de son indignité à être aimé. Il est facile d’en déduire que sa vie affective et professionnelle tiendrait du calvaire.
Pour le psychologue William James (1842-1910), auteur notamment de “Précis de psychologie” (Bibliothèque de l’homme, 1999), l’amour de soi est le produit d’un écart suffisamment mince entre nos ambitions et nos réussites effectives. Les recherches les plus récentes récusent toutefois ce réalisme, montrant qu’il est préférable de ne pas avoir une vision trop lucide de soi-même et de ses véritables aptitudes.
Les psychiatres américains Robert Ornstein et David Sobel, qui ont livré le fruit de leurs recherches en matière d’image de soi dans “Les Vertus du plaisir” (Laffont, 1992) affirment que « le bonheur est le privilège de ceux qui savent cultiver les illusions positives, et sont capables de s’estimer plus intelligents et plus compétents qu’ils ne le sont ». Vous pensez fermement que votre patron vous apprécie tout particulièrement quand, pour lui, vous n’êtes qu’un salarié moyen ? Tant mieux ! Quelqu’un vous fait part de son opinion à votre sujet, vous trouvant avare mais charmant, dominateur, brillant et un peu agressif. Si vous êtes une personne équilibrée, vous vous souviendrez de "charmant", "brillant" et, éventuellement, d’"agressif".
« La surévaluation de soi et l’oubli immédiat des qualificatifs dérangeants sont salutaires, insistent Robert Ornstein et David Sobel. Notre vision de nous-même n’est qu’une construction de notre esprit. Il nous appartient donc de la rendre aussi plaisante que possible, tout en évitant, naturellement, de sombrer dans la mégalomanie. Les individus parfaitement réalistes sont toujours légèrement déprimés. »
Les dictionnaires de psychologie définissent l’amour de soi par un ensemble d’attitudes : se reconnaître une certaine valeur, se ménager, protéger son territoire intime, sa santé physique et psychique, connaître ses intérêts réels. Il s’agit d’être une « bonne mère » pour soi-même.
Mais si l’amour de soi se manifeste dans les actes que nous posons, il est d’abord une affaire de vécu intérieur, de ressenti personnel. Je peux m’estimer intellectuellement, avoir confiance en moi, tout en supportant difficilement mon apparence physique. Une vision relativement positive de soi n’exclut en rien que l’on se reproche un ou plusieurs traits de caractère particuliers ou certaines failles intellectuelles – manque de courage, d’ambition ou de ténacité par exemple.
Une étude américaine, réalisée en 1993 sur la base d’un questionnaire adressée à plusieurs centaines de personnes entre 20 et 30 ans et dirigée par le chercheur James Overholser, a confirmé qu’hommes et femmes ont des critères d’appréciation d’eux-mêmes différents – ce dont on se doutait un peu. Les premiers s’aiment à travers leurs réussites, professionnellement ou dans une activité physique, tandis que les secondes ont viscéralement besoin de voir leur entourage reconnaître leurs qualités personnelles.
Il est exceptionnel de s’accepter totalement, la vie quotidienne le démontre. Cette insatisfaction, inhérente à la nature humaine, permet de croire que la plénitude existentielle n’est pas un mythe. Et qu’il eût suffit d’un rien pour que nous puissions en jouir – des yeux bleus et non bruns, cinq centimètres de plus, ou une culture générale légèrement plus vaste par exemple.
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