Ecoute, c’est un instant où mon amour pour toi grandit pour un peu nous séparer ; et n’en sois pas alarmée. Parfois j’habite seul le secret de ce qui nous unit et, pour quelques moments, je t’oublie mais je t’oublie en toi. Je m’enfonce dans le souvenir d’une heure qui fut l’oubli du temps. J’épuise la volupté d’approfondir dans notre amour un vertige de solitude, une sorte d’exil rayonnant, pur comme une étoile. J’ai fait de mon désir une lumière pour m’aventurer dans les plus épaisses ténèbres de mon être intérieur. Mon amour conduit mon corps à travers mon âme : il m’éclaire dans ma nature une profondeur où je peux m’abîmer. Mon amour qui a commencé dans la vie et qui est né dans le monde des faits, je le vois se poursuivre dans un pôle inconnu de mon âme, se lever comme une auréole boréale sur un domaine spirituel et dont il m’est la révélation. C’est dans mon cœur que mon amour a puisé pour te donner des vêtements de lumière. Il n’avait dans la réalité que trouvé des prétextes pour éveiller ma vie à sa nature la plus secrète. Et, comme un rêve qui marcherait devant moi, je le vois jeter dans l’ombre tout ce qui garderait un lien avec la vie. Le temps qui m’a donné mon amour ne peut pas me le reprendre, car mon âme a dû lui servir d’interprète et elle me regarde pour toujours dans le rayonnement des songes où s’est interrompue son absence ? Ce n’est pas le désir d’opposer ma passion à la tienne qui m’engage dans la voie de ces confidences. Ce que notre amour est également pour nous deux n’empêche pas que, de surcroît, il soit pour moi le don de mon cœur à moi-même, et tandis que tu en goûtes, toi, la lumière, je m’absorbe tout entier dans l’enchantement d’en incarner le mystère. Tu vis, avec ta vie, une aventure qui me fait parcourir toutes les étapes spirituelles de la révélation. »