Ce rhumatologue a contribué à faire entrer la méditation dans le champ des soins et de la recherche scientifique en France. Il constate l’aspiration au ralentissement de notre société.
Jean-Gérard Bloch a entrepris ses études de médecine « pour (se) mettre au service des autres et mieux comprendre la nature humaine ». Il reconnaît cependant avoir été « un peu déçu ».
« Si nous avions une compréhension très fine des aspects biologiques du corps, je restais frustré en ce qui concernait le fonctionnement de l’esprit. L’idée – c’était alors un dogme – selon laquelle le corps et l’esprit sont séparés m’a toujours parue étrange. » Il se tourne ainsi vers des approches complémentaires et, il y a vingt ans, découvre la méditation.
« C’est un champ de connaissances théoriques et une pratique qui développent des capacités d’attention, dans le but de percevoir les choses en étant moins influencé par nos conditionnements et nos automatismes, explique-t-il. La méditation rappelle qu’il existe toujours une relation entre l’observateur et la chose observée. Or la science, en Occident, s’est développée jusqu’à une époque récente dans l’idée que la chose observée est indépendante de l’observateur. »
Inspiré par d’autres scientifiques intéressés par la méditation (voir encadré) et soutenu par le professeur Jean Sibilia, chef de service de rhumatologie du CHU de Strasbourg et doyen de la faculté de médecine, Jean-Gérard Bloch propose à partir de 2010 un programme de « réduction du stress basé sur la pleine conscience » (MBSR) aux patients et aux soignants.
« Il y a d’abord eu une réticence de la part des médecins. Celle-ci venait de fausses idées et de peurs bien compréhensibles. Cette méditation n’était-elle pas une forme de captation spirituelle ou de prise de contrôle sur l’esprit d’autrui ? Au contraire, cette exploration ne s’inscrit pas dans un système de croyances et laisse la personne libre. »
Il y a un phénomène de société à l’égard de la méditation »
Il observe que ces peurs sont presque totalement dissipées. « Beaucoup de chemin a été fait vers la validation scientifique de la méditation, même si cette approche est bien plus vaste que ses seules applications médicales. » Le diplôme d’université (DU) de médecine, méditation et neurosciences, qu’il a créé avec le professeur de psychiatrie Gilles Bertschy en 2012, compte parmi ces étapes. Seuls des psychologues, médecins et chercheurs en neurosciences peuvent s’y inscrire.
« Nous avons reçu 450 demandes pour 60 places. Le DU met les gens en réseau. Plusieurs programmes de recherches se sont mis en place à sa suite. » Parmi eux, une importante initiative européenne dirigée par Gaël Chételat, directrice de recherches à l’Inserm de Caen, et menée en partenariat avec dix pays. Elle étudie les effets de la méditation sur le vieillissement cérébral.
« Depuis six ans, les choses ont beaucoup évolué. Il y a un phénomène de société à l’égard de la méditation. Ce mouvement est l’équivalent, sur le plan mental, de la ruée vers les activités physiques, comme le jogging, pour compenser l’urbanisation de nos modes de vie. » Le quotidien, observe le rhumatologue, encourage notre attirance naturelle pour la distraction. « Laquelle est normalement précieuse, car elle nous permet d’interrompre notre activité pour repérer une agression et survivre. Mais cette capacité est détournée par la suractivité et la pollution digitale. S’asseoir, ne rien faire, ne rien penser nous est presque devenu pénible. Entraîner la stabilité de l’attention est devenu un besoin de notre société. »
Il le constate à l’hôpital où, dans une démarche de bien-être au travail, cette fois, il propose, avec une équipe, un temps de méditation hebdomadaire d’une heure, le midi, ouvert à toutes les catégories de personnel : soignants, agents administratifs et techniques. « N’oublions pas que l’hôpital est la plus grande entreprise du département. Les risques psychosociaux, l’épuisement émotionnel y existent. » L’hôpital met une salle à disposition.
Jean-Gérard Bloch a aussi lancé cette année avec le professeur Jacques Kopferschmitt un module de méditation de 28 heures en troisième année de médecine à la faculté de Strasbourg. Une initiative inédite qu’il souhaite utile aux futurs professionnels. « On ne médite pas pour s’isoler du monde, mais au contraire pour se stabiliser et aller à sa rencontre. Cela suppose de la lenteur, du silence et de l’intériorité. »
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Jean-Gérard Bloch s’est intéressé aux travaux du biologiste américain Jon Kabat-Zinn qui a élaboré des méthodes de méditation dites « de pleine conscience » dans les années 1970. Elles sont aujourd’hui utilisées dans de nombreux hôpitaux et facultés de médecines aux États-Unis.
Jon Kabat-Zinn, professeur émérite à la faculté de médecine de l’université du Massachusetts, a fondé la première clinique de réduction du stress en 1979, puis le Centre pour la pleine conscience en médecine. En France, Christophe André, psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne de Paris et auteur du livre à succès Méditer, jour après jour (éd. L’Iconoclaste, 2011) compte également parmi les précurseurs.
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