Il était une fois un arbre. Au beau milieu d’un verger, il était sorti de terre, petite pousse verte et fragile se confondant avec les herbes alentours. Curieux de tout, il regarda bien vite le monde qui l’entourait, les fleurs qui s’ouvraient le matin et se refermaient le soir, les oiseaux qui sifflaient en sautant de branche en branche, le paysan qui venait tôt le matin cueillir les fruits des arbres, les graminées qui ondulaient sous la caresse des vents ...

Ah ! Il le trouvait beau ce monde autour de lui, il avait envie lui aussi de participer à cette beauté, de trouver sa place dans cette harmonie.

Une année s’écoula et, ayant grandi, il était devenu un petit rameau portant quelques tiges. Il se rendit compte qu’il n’était pas un brin d’herbe comme il l’avait crû tout d’abord, mais un arbre et se mit à observer plus attentivement ses aînés.

Il les trouvait si grands, si beaux recouverts de leurs feuilles et de leurs fleurs ; il fût si émerveillé de voir toutes ces fleurs se transformer en fruits, il fût si attendri des soins attentifs que leur apportait le paysan, mais ...

Mais, se regardant, il s’aperçut que son écorce ne ressemblait à aucune de celles qui les habillaient, que ses branches n’avaient pas la même forme que les leurs. Alors, il eût peur, peur de n’être pas assez grand, peur de n’être pas assez beau, peur de ne pas porter assez de fruits, il eût peur que les autres, pommiers, poiriers, mirabelliers ... n’acceptent pas sa différence et il décida de ne produire ni feuille, ni fleur, ni fruit.

C’est ainsi que les années passèrent, à chaque printemps, son tronc s’épaississait, s’allongeait, de nouvelles branches poussaient, mais ... ni feuille, ni fleur, ni fruit.

Pour ne pas se trouver nu face aux autres, il s’était depuis son jeune âge laissé peu à peu recouvrir par un lierre grimpant, par des liserons et par des bouquets de gui : ne sachant à quoi il pourrait ressembler, il se couvrait d’une beauté qui n’était pas la sienne.

Le jardinier plus d’une fois projeta de le couper pour en faire du bois de chauffage, mais trop occupé par ailleurs, il remit chaque fois cette tâche à plus tard. Un matin pourtant il vint, armé d’une grande hache et commença par couper le lierre qui enserrait l’arbre. Du lierre, il y en avait tellement que cela lui prit toute la journée et qu’une fois de plus, il remit l’abattage à plus tard. Cette nuit là, un petit ver parasite piqua le liseron qui en mourut aussitôt et le lendemain, les oiseaux du ciel apercevant le gui vinrent le picorer.

Il ne restait plus de l’arbre au milieu du verger qu’un tronc et des branches : il ne restait plus que l’arbre au milieu du verger.

S’apercevant soudain de sa nudité et ne sachant par quel artifice la couvrir, il se décida enfin à laisser pousser tout au long de ses branches de belles petites feuilles d’un vert tendre, à laisser éclore au bout de chaque rameau de mignonnes petites fleurs blanches contrastant joliment avec le brun de la ramure et le vert du feuillage

Le paysan sur ces entrefaites revint avec sa hache et découvrant à la place du tronc inutile un magnifique cerisier, ne trouva plus aucune raison de le couper. Il le laissa donc, trop heureux du miracle qui s’était produit.

Depuis ce jour, l’arbre vit heureux au milieu du verger, il n’est pas comme les autres, ni plus beau, ni plus grand, mais tout aussi utile. Il a compris que ni la texture de l’écorce, ni le tracé des branches, ni la forme des feuilles, ni la couleur des fleurs n’ont d’importance : seuls importent les fruits qu’il porte et que nul autre que lui ne peut porter.

Aussi, tous les ans, à la belle saison, les enfants du paysan viennent avec une échelle et, s’éparpillant dans sa ramure, se gavent de ses fruits et le réjouissent par leurs rires.

Antoine LANG

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Commentaire de motdebabel le 4 décembre 2013 à 21:47

Bonjour,

Je te conseille de lire une petite nouvelle de Jean Giono ; l'homme qui plantait des arbres

Bonne lecture

Motdebabel

Commentaire de Lovyves le 21 Janvier 2013 à 22:31

Bonsoir à Tou(te)s
C'est plaisant d'être en phase avec Santorine :
Oui, l'Homme a beaucoup plus de choix que l'arbre.

Même si je trouve ses commentaires un peu timides, l'humilité féminine, sans doute !?
Par exemple :
"Nous revêtons souvent des habits façonnés par d'autres, qui nous conviennent "à peu près", ou sont trop grands ou trop petits..."
Dans notre jeunesse nous sommes toujours revêtus des habits (mentaux) des adultes (éducateurs ou éducastrateurs).
La domestication de l'enfant, l'attention première (voir D.M. Ruiz).

" Il est nécessaire, vital, d'en prendre pleinement conscience, d' être capable parfois de se déshabiller complètement, de se mettre à nu, face à soi..".
Oui, tout à fait, et face aux autres c'est encore plus fort !
Sens propre, sens figuré, toutes les figures sont bonnes !

Comme Nathalie, je souris, je te souris, même avec humour, c'est très sérieux !!!!

Commentaire de New Sophie le 21 Janvier 2013 à 20:03

Une belle histoire qui me fait sourire car j'ai rêvé d'un arbre cette nuit. C'est magique la vie, elle nous apporte des clins d’œil, des histoires qui permettent d'être prise pour chacun d'une manière différente, car ... comme me le disait une Belle Personne chaque être est "un...ique" hi hi hi

Commentaire de Lovyves le 21 Janvier 2013 à 18:15

Hé, hé… ha! ha ! Chère Karen !
Je ne ferais pas face, de crainte que tu t'effaces !
Car je souhaite qu'il reste des traces (écrites) de nos "face à face" !

Donc, peu de différences sur l'analyse de soi même, d'être soi même.
Accepter ce que je suis à l'instant présent, et d'en jouir.
Et pour l'avenir, nous pouvons mettre en place des actions pour changer X ou Y choses ou comportements.
De ne pas "jouer" à l'arbre nu; même si la nudité est le propre de l'Homme !!!

Quant à nos amis Confucius et Lao-Tseu !
Bien sur, je suis, aussi, proche d'eux .. il faut au moins deux pour faire un monde !!!
Et pourtant , ils ont une philosophie qui diverge beaucoup.
Peut être que nous pourrions tous les deux, ou à plus, converger vers l'examen de cette différence.
Laquelle pourrait être très enrichissante.
Peut être, même, surtout, pour ceux qui ne "partage" que les accords, qui sont, souvent superficiels, malgré la profondeur du "cœur" !

Commentaire de Lovyves le 20 Janvier 2013 à 20:53

Bonsoir à Tou(te)s
Toutes les histoires sont belles.. et intéressantes !
Certaines un peu plus sans doute.
Alors Karen !
Plus proche de la morale de Confucius ou de l'éthique de Lao-Tseu !?
Quelle choix fais tu lorsque tu nous racontes que " l'on est à sa place" !?

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