Haidar El Ali: le planteur d'arbres infatigable et ses 70 millions de palétuviers.

Un homme exemplaire qui ne se contente pas que des mots, mais qui passe à l'action:

Dakar. Ville mouvante et changeante où avenues goudronnées et rues ensablées s’entremêlent ; maisons de tôle et villas se côtoient ; poussière, rires et cris se confondent pour faire de cette capitale un mouvement sempiternel, en travaux perpétuels. C’est en son cœur que l’on découvre ce lieu improbable et hybride qu’est l’Oceanium, à la fois association, restaurant, pension, base pour la plongée et la réparation de bateaux… Salariés, pêcheurs, clients, plongeurs, stagiaires se retrouvent autour de la grande table pour partager le tiéboudiène (riz au poisson), fierté culinaire nationale, ou au bar, vue plongeante sur le large, face à Gorée et aux pirogues déjà lointaines. Tous gravitent autour d’un homme surprenant, le visage pâle sous son chapeau de paille, né en 1953 au Sénégal de parents libanais : HaïdarEl Ali. Paisible et simple, le ton est donné par ce militant écologiste, président de la Fédération des partis écologistes et verts d’Afrique de l’Ouest. Dans ses propos, une ligne directrice : l’amour de la vie –des gens, de l’environnement.

« Filmer pour montrer les dégâts »

Plongeur professionnel, Haïdar El Ali commence par découvrir les ravages de la pêche à l’explosif. « J’essayais de conscientiser mes collègues pêcheurs mais je me rendais compte que ce que moi je voyais, eux ne le voyaient pas. Alors, j’ai filmé pour leur montrer les dégâts, et là, j’ai eu des résultats. J’ai donc commencé à tourner sur les plages. Notre relation s’est établie sur la confiance.

 

Après, quand il a fallu agir avec eux, ça a été plus facile. On leur dit ce qu’on fait, et on fait ce qu’on leur dit. La stratégie, naturelle je peux dire, c’est vraiment de baser tout projet sur cette relation de confiance. Toute initiative part de la base, est discutée avec les villageois, qui ensuite s’investissent. » En 1990, il devient président de l’association Oceanium, une association de protection de l’environnement marin dont il était membre depuis 1985 et qui jouera un rôle de premier plan dans la création de deux aires marines protégées.

 

70 millions de palétuviers plantés !

Mais très vite, ses combats se diversifient et ne concernent plus seulement l’univers aquatique. « Je me suis rendu compte que tout était lié, ça forme un tout », dit-il. « Pour sauver les poissons je devais retourner sur terre afin de sensibiliser les pêcheurs. Puis en mettant la tête dans la terre, j’ai vu tous les dégâts.

L’environnement est global, il faut se battre pour l’ensemble. » Après le cymbium, un coquillage très apprécié par les Sénégalais et les Asiatiques, il s’attaque à la protection du dimb, un arbre dont le bois sert à confectionner les djembés. En 1995, lors de sa première campagne de reboisement, un million d’arbres sont replantés. Dix ans plus tard, il réalise que 75 000 hectares – soit 40 % de la mangrove – ont été détruits en Casamance, menaçant la culture du riz et la reproduction des poissons.

 

Il commence à planter progressivement des palétuviers, multiplie les campagnes de sensibilisation… et la mayonnaise prend. Des fondations, des membres du gouvernement, et surtout des milliers de Sénégalais soutiennent son combat. « En 2006 on a mobilisé un village, on a planté 65 000 palétuviers avec 300 jeunes », se souvient le plongeur. « En 2007 on a mobilisé 15 villages, on a planté 700 000 palétuviers ; et en 2010 où on a mobilisé 500 villages, 110 000 personnes ont planté 70 millions de palétuviers ! » Un record et un succès pour Haïdar qui tient à rester « un militant actif.

 

On a beaucoup réfléchi, on a beaucoup discouru, et aujourd’hui pour moi il faut agir. Je me situe là, en tant qu’homme d’action qui veut faire sa part, planter des arbres, protéger les aires marines, lever les populations pour la nature. Mais il faut encore aller plus vite, parce que ceux qui coupent les arbres, ils sont plus rapides que nous ! »

 

 

Une banque verte Pour convaincre la population d’agir, « on travaille énormément sur l’éducation et la sensibilisation. Par les cinéma-débats, par exemple. Quand on arrive dans un village, on attire la population, on discute, puis on projette un film qui très souvent a été tourné dans le milieu même.

 

L’objectif est de dire : « Ok, qu’est ce qu’il faut faire ? » Alors, on développe des actions avec eux, qui sont développables par eux. » L’Oceanium a également mis en place un système original basé sur le microcrédit :

« On est lié à une banque verte, qui a une charte écologique. Pour être membre il faut signer une charte très précise, où des actions concrètes sont déclinées. Après une formation pour assimiler la charte, tu peux demander de l’argent. Le but, c’est d’installer un autre idéal, de partage, d’équité et de justice. Arrêter ce capitalisme sauvage qui est en train de piller la planète. Moi je suis confiant par nature, j’aime la musique, la danse, la fête, l’amitié… Cet amour de la vie amène forcément la confiance en l’avenir. Ensemble nous y arriverons. Il faut simplement que nous continuions à nous battre pour atteindre le cœur des gens des gens et éveiller leur conscience. »

Flore Viennot

 

https://www.youtube.com/watch?v=XyjH5zzgyKg&feature=player_embe...

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