Arme de séduction pour les uns, politesse du cœur pour les autres, des hommes et des femmes décodent sans manières les errances de la courtoisie aujourd’hui.

Une porte ouverte sur votre passage, le manteau que l’on vient poser sur vos épaules… Les femmes sont-elles toujours sensibles aux gestes galants ou les considèrent-elles plutôt comme du sexisme déguisé en politesse ? A la question « Que pensez-vous de la galanterie ? » que nous avons posée dans la rue aux hommes et aux femmes, jeunes ou moins jeunes, nous avons reçu des réponses contrastées.

Apparue au XIIe siècle, la galanterie renvoyait à différentes formes de politesse, avant de désigner les attentions spécifiques de l’homme à l’égard de la femme. « Mais les marques de courtoisie sont intemporelles », affirme la psychanalyste Juliette Vieljeux. Car ces attentions tirent leur puissance de leur forte dimension symbolique : « Le respect de la femme lié aux anciennes formes de vénération de la déesse procréatrice se fonde sur la place faite à la mère dans les civilisations méditerranéennes. »

Au moment de la rencontre entre un homme et une femme, elle est un jeu, et permet d’imaginer, de vivre l’attente amoureuse en la sublimant. Plus tard, dans le couple, les deux partenaires peuvent faire durer cette dimension ludique. « Antidote à la routine, elle revitalise le désir », rappelle la psychanalyste. Mais attention à la galanterie artificielle, qui cache sous les couleurs de la politesse la domination de l’un sur l’autre, met en garde l’historienne Florence Montreynaud. « Et si celle-là se perd au profit de la vraie gentillesse, c’est tant mieux. »

La galanterie, pour moi, c'est...

Un automatisme, Guillaume, 24 ans 
« Je laisse toujours la femme passer devant. C’est devenu un automatisme. Quand j’y réfléchis, j’en suis assez fier. Même si ça n’a peut-être pas beaucoup d’importance dans l’absolu, c’est tout de même une preuve de respect à la femme. Il en faut un minimum, non ? »

Une attention, Mehdy, 17 ans :
« Etre galant, c’est être sympathique. Lui tenir la porte, l’aider à porter un sac, c’est le genre de trucs qu’on fait au début, mais après… on oublie. La dernière fois que j’ai été galant, c’est quand j’ai offert une fleur à ma copine. Mais je sais pas si ça compte : c’était son anniversaire… »

Un respect, Stéphane, 38 ans 

« Pour moi, il y a d’abord le respect d’autrui. Je ne crois pas que les hommes aient un devoir de respect plus important vis-à-vis des femmes que l’inverse. Les comportements sont différents, mais les intentions restent les mêmes : c’est toujours respecter l’autre. »

Un jeuEric, 30 ans 
« Quand j’aide une femme, je ne me dis pas : suis-je galant ? Ça vient spontanément. C’est une question de respect. Dans le couple, avec la routine, on a tendance à ne plus faire d’efforts. Mais pour qu’il tienne, c’est important d’entretenir ce jeu de la galanterie. Pas facile, mais je m’y efforce. »

Une attitude, Ali, 11 ans 
« Moi, je trouve qu’un homme est galant quand il ouvre la porte à sa femme et qu’il est gentil avec elle. Je sais que c’est bien d’être comme ça avec tout le monde, mais surtout avec les filles. »

Un effort, Christine, 37 ans 
« La galanterie concerne tout autant l’homme que la femme. Dans la vie de tous les jours, c’est un effort à faire pour que les deux sexes vivent bien ensemble, dans la rue autant que dans le couple. C’est la preuve que l’on fait naturellement attention à l’autre. »

Un calcul, Loubna, 20 ans 

« Je trouve cela beaucoup trop surfait, la galanterie. Je ne pense pas qu’un homme soit naturellement galant. C’est toujours calculé ou intéressé. Moi, je préfère les réactions spontanées de la part d’un homme. Au moins, les choses sont claires entre lui et moi, je sais à quoi m’en tenir. »

Un plaisir, François, 30 ans
« La galanterie se justifie peut-être moins maintenant du fait de l’égalité des sexes, mais moi je continue à la pratiquer parce que j’aime bien. J’aime bien être aimable, me sentir serviable, respectueux. Cela me plaît de faire plaisir aux femmes, à commencer par la mienne ! »

Une habitude, Thomas, 25 ans 

« Je pense que c’est une question d’éducation. Quand je fais preuve de galanterie, je ne réfléchis pas, j’agis spontanément parce que c’est ce que l’on m’a appris. Cela doit être une habitude, comme toutes les règles de bienséance. »

Une valeurMichel, 56 ans 
« C’est délicat de défendre la galanterie à une époque où l’on parle quand même beaucoup de parité. Malgré tout, j’aime la pratiquer parce que je trouve que c’est une belle valeur et qu’il serait dommage de ne pas l’entretenir. »

Un esclavage, Sabine, 58 ans 
« Pour moi, la galanterie a comme corollaire l’esclavage : l’homme porte nos valises, mais il nous faut faire la vaisselle ! Comme j’estime que toutes les tâches doivent être partagées, j’aime autant porter ma valise et ne pas être une boniche à la maison ! »

Une bonne manière, Stéphane, 37 ans 
« Ce que je sais de la galanterie, c’est ma grand-mère qui me l’a appris. Elle tenait à préserver les bonnes manières. Elle a même voulu que j’apprenne le baisemain ! Aujourd’hui, la question serait plutôt : combien de femmes sont prêtes à jouer le jeu ? »

Une qualité, Nathalie, 34 ans 

« La galanterie est une qualité que j’ai envie de retrouver chez un homme, au même titre que la gentillesse ou l’ouverture d’esprit. Mon conjoint n’hésite pas à m’aider en poussant la poussette ou en portant les sacs quand je suis chargée. C’est naturel chez lui. »

Une différence, Paul, 65 ans 
« La galanterie implique qu’il y ait une différence entre les sexes. Au risque de froisser ces dames, je tiens à rappeler que si la galanterie se perd, c’est parce qu’elles ont voulu établir une égalité parfaite. A la limite, bientôt, ce sera aux femmes d’être galantes ! »

Une séduction, Norbert, 32 ans 

« Sourire ou remercier une inconnue passe pour être un acte galant. Moi, il me semble que ce n’est que de la politesse. La galanterie ajoute la notion de charme. Dans la manière de tenir la porte, par exemple, il y a quelque chose de l’ordre de la séduction. »

Un intérêt, Françoise, 59 ans 
« Je n’accorde aucune valeur à la galanterie. Parce que je remarque que les hommes sont galants quand ils ont affaire à une belle jeune femme. Ce qui prouve bien que la galanterie a à voir avec la séduction et qu’elle est toujours intéressée. »

Une tradition, Jean, 66 ans 
« C’est sans doute une des rares vieilles traditions qui ne se perdra jamais. Parce que tous les hommes ont, naturellement, envie de venir en aide, de protéger la femme. Ça fait partie des règles du jeu entre les deux sexes. »

Une raretéFrancine, 63 ans 
« Mon mari m’apporte mon petit-déjeuner au lit chaque matin. Il trouve cela normal. Mais des hommes aussi attentionnés sont de plus en plus rares. Dommage, c’est tellement bon. Si notre couple tient, c’est sans doute beaucoup grâce à sa galanterie. »

“La galanterie n’a rien de naturel"

Florence Montreynaud, historienne, féministe, auteur de l’encyclopédie “Le XXe Siècle des femmes” (Nathan, 2001) réagit à l’existence d’un code galant entre hommes et femmes.

La galanterie se perd. Comme le respect pour les parents ou le goût des vraies tomates, elle fait partie de ces trésors du passé dont on regrette le déclin… On oublie qu’elle n’a pas toujours existé. Qu’elle peut n’être qu’une tradition vide de sens : les femmes sont-elles plus respectées en Pologne, où le baisemain est quotidien ? La galanterie se perd. Il y aurait de moins en moins d’hommes galants. On oublie qu’un même homme n’est pas galant avec toutes les femmes, ni avec la même femme tout le temps. Celui qui m’aide à enfiler mon manteau peut se montrer méprisant avec la dame du vestiaire ; tel autre qui m’ouvre la portière de la voiture injurie la conductrice qui le double.

La galanterie se perd, et selon certains, ce serait de la faute des femmes qui réclament l’égalité. Elles en veulent trop, expliquent-ils : on ne peut pas avoir le beurre, l’argent du beurre et le baisemain du crémier. Il faut choisir. Moi, j’ai choisi : à travail égal, salaire égal. Si un homme qui s’efface devant moi à la porte du bureau n’est pas gêné de gagner 25 % de plus que moi pour le même travail (c’est la moyenne en France), sa galanterie me coûte trop cher. D’ailleurs, quand il s’agit d’une promotion, le plus galant des hommes dira-t-il : « Après vous, madame, je vous en prie » ?

La galanterie a une histoire. Ce nouveau modèle des relations entre hommes et femmes est né dans le sud de la France au XIIe siècle, avec ce qu’on a appelé ensuite l’amour courtois. Il reposait sur le culte de la dame, l’épouse du seigneur et sur la discipline du désir masculin. Le jeune chevalier apprenait à se distinguer des hommes du peuple et à respecter une seule femme idéalisée, pour mieux servir son seigneur, le véritable maître.

La galanterie n’a rien de naturel : si elle est spontanée chez certains, c’est tout à leur honneur, mais n’est-ce pas le résultat de l’influence des femmes qui les ont « bien élevés », à commencer par leur mère ? Quoi de plus culturel que la « bonne éducation » ? Quoi de plus séduisant aussi, si l’on ne s’en tient qu’aux apparences ? Les dons Juans savent qu’on prend les mouches avec du miel, et les filles avec des flatteries ou des gestes galants : elles ont bien raison de s’en méfier. Elles préfèrent sans doute la vraie gentillesse, celle du cœur, à la fausse politesse. Si cette galanterie artificielle se perd, c’est grâce aux femmes et c’est un progrès.

Dans le métro, un homme qui tient la porte à une femme est galant. Et une femme qui tient la porte à quelqu’un ? Elle est… normale, simplement humaine !


Source : Psychologies.com

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Commentaire de Patrick ONNIS le 6 Avril 2015 à 11:28

Ce peut être aussi la manifestation de l'humilité. Je m'explique :

Dans notre société, il est d’usage, par exemple, de laisser passer en premier son supérieur hiérarchique avant d’entrer dans une pièce ou de tenir compte de son rang pour le placer à table lors d’un repas. Cette façon d’agir constitue la manifestation d’une certaine forme d’humilité. Il s’agit en fait de règles issues d’un protocole.

Le fait d’agir ainsi peut être pratiqué par tout le monde (même par une personne ayant de mauvaises intentions) sans pour autant être en correspondance avec notre véritable pensée.

Pour simplifier mon propos, je dirai que c’est la pratique de l’humilité sur le plan matériel, physique. Il existe de nombreux codes de « bonnes manières » pour faire « bonne figure » en société.

Par contre,  la pratique de l’humilité spirituelle peut être aussi appelée la pratique de l’humilité du cœur.

Commentaire de Patrick ONNIS le 6 Avril 2015 à 11:19

Quant à moi, c'est une expression de l'âme ! Cependant, il peut y avoir de "faux prophètes" !

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