« Nous attribuons plus de crédit à la façon dont les autres nous voient qu’à celle dont nous nous voyons nous-mêmes. C’est nous voir comme un objet et perdre le cœur de ce que nous sommes réellement » - Jean-Paul Sartre.


Ce qui est rare et en demande vaut plus que ce qui est abondant et peu réclamé. Donc, pour s’assurer d’obtenir la plus grande offre il faut raréfier une personne ou un objet.  De cette manière nous pouvons décider du prix qu’il faudra payer pour en jouir. Dans le patriarcat actuel, les parents valent plus que tout l’or du monde. Une place de choix si il en est une. Être parent peut servir de valorisation extrême. Au moins jusqu’à l’adolescence nous pouvons compter sur nos jeunes et leur dépendance pour se donner une raison d’être apprécié.

Notre rareté en tant que mère ou père nous élève dans un statut unique. La demande des enfants est constante, permanente, essoufflante et seulement deux personnes, officiellement, peuvent  y répondre. À l’inverse, ce sont nos seuls enfants, qu’il y en est un ou plusieurs. Nos relations réciproques liées par la tendresse, l’affection, l’intimité contribuent à augmenter l’attachement que nous éprouvons les uns pour les autres créant un effet de besoin et de nécessité.



Cette bulle monogame structure dès le jeune âge un comportement visant à conserver un intérêt aux yeux des parents, gage d’une sécurité physique, émotionnelle, mentale. Les déceptions, le chantage, les menaces, les punitions sont là pour nous rappeler à quel point nous pourrions perdre beaucoup de ce que nous croyions valoir aux yeux de celles et ceux qui nous en donne. Dès lors, que nous ayons eu des parents attentionnés ou non, si nous n’avons pas appris à se déprogrammer du regard d’autrui pour se valoriser soi-même, nous chercherons toujours à l’extérieur de soi ce fameux scintillement chez quelqu’un d’autre.

L’enfant alimente le narcissisme parental. Le parent fait tout pour propulser le jeune dans une quête l’amenant à le dépasser. Il souhaite pouvoir lui offrir mieux, que sa vie soit plus facile et plus harmonieuse que la sienne. Ses principes d’éducation seront sa fierté. Je souhaite, par exemple, que mes enfants puissent se connecter rapidement à eux-mêmes pour que j’évite de les voir souffrir, que par ricochet j’évite d’en souffrir également.



Peu importe l’âge, l’ombre du parent nous suivra constamment dans nos actions. Si nous avons eu sa bénédiction depuis toujours, nous tâcherons de veiller à la maintenir, évitant les possibles contrariétés et déboires. Sinon, ou possiblement, nous ferons en sorte d’avoir par tous les moyens une reconnaissance qui nous redonnerait un peu de valeur, un peu d’estime personnelle à ses yeux. La difficulté de se voir autrement qu’un objet de considération est navrante. Le plus étonnant c’est que même si nous réussissions à être apprécié par des millions de personnes cela serait encore insuffisant. Nous viserions probablement les milliards.

Une fois les milliards dépassés, il y aurait une course sans fin à travers système solaire, galaxie, univers et ainsi de suite jusqu’à la prochaine vie. Puisque notre sentiment d’être unique résonne fort en chacun de nous, j’imagine aussi que nous nous considérons toutes et tous comme un trésor à découvrir. Et plus ce trésor sera convoité plus il prendra valeur d’importance. Constamment évalué dans la famille, à l’école, en couple, cela représente l’un des plus grands stress à supporter. Une rutilante prison.



Tout le monde sur cette planète est pourvu d’un ou plusieurs talents. En théorie, ce qui nous motive à continuer de vivre ce sont ces talents ou passions qui ne devraient avoir comme but que la réalisation de soi. Que nous soyons reconnus ou pas n’a aucune espèce d’importance. Bon, une certaine reconnaissance si on souhaite payer nos dettes par celle-ci sans jamais qu’ils soient le moteur premier de ce que nous valons. Encore là, ce serait le meilleur moyen d’être déçu en raison des attentes projetées. Tout ça est franchement déprimant et donne l’impression de ne pouvoir en sortir.

Nous savons que nous avons besoin d’un miroir, l’autre, pour jauger où nous en sommes avec nous-mêmes. Le miroir a sa place sans aucun doute. Comme il n’est que reflet, pas la réalité, il reflète donc l’état dans lequel nous sommes avec nous-même. En gros, les autres nous renvoient la situation exacte que nous vivons intérieurement. Leurs réactions indiquent non pas que nos torts ou notre raison, notre bonté ou notre nullité, elles sont le cadeau qui nous montrent par nos propres réactions ce qui est à améliorer ou à guérir chez soi.



Je réagis pour prouver le contraire de ce qu’elles disent ou je suis dans un état d’observation qui ne m’affecte à aucun niveau? Dans ce petit jeu il pourrait être facile aussi de s’enfermer dans une tour, une carapace afin de se prémunir contre toutes remises en question. Passer de l’un à l’autre est courant et ne se juge pas. Plus ça va aller plus il sera aisé de ne plus tomber dans le panneau de la preuve ou du déni. Jamais personne ne sera simplement ce qu’une ou plusieurs personnes pensent d’elle.

La seule chose que nous puissions penser des autres c’est qu’elles sont des êtres infini, illimités, immortels. Et parce que nous ne l’avons ni conscientisé ni intégrés de part et d’autre, nous ne pouvons l’accepter en totalité. Les étiquettes, les jugements, les mises en boîte, les limites rassurent plus que d’entrevoir des possibilités sans fin. La peur de l’inconnu, au propre comme au figuré, freine les ardeurs de l’ouverture de soi à soi et aux autres.

Trop de fois nous nous dévaluons. Nous en amenons d’autres avec nous afin de ne pas être seul à ne pas valoir grand chose. Le conditionnement à être homogène, semblable, sans trop de différence. Acceptons ce fait et demandons-nous pourquoi, tant qu’à être homogène, ne pourrions-nous pas l’envisager dans une perspective sans limites? Nous pourrions tous cessez d’avoir peur de l’inconnu en même temps dans le respect de chacun. Nous pourrions avancer dans la même direction, nous offrir la plus haute valeur qui soit, celle de la liberté d’être soi. L’Être est la plus grande valeur, égal pour tous.



L’Avoir n’a de valeur que celle qu’on lui accorde, relative, instable, illusoire. Le talent ou son absence ne définit pas ce que nous sommes. Ce qui n’empêche pas d’admirer des gens pour ce qu’ils font, ce qu’ils font n’est pas ce qu’ils sont. L’évolution n’a que faire de l’offre et la demande d’appréciation. Elle n’impose qu’un choix, celui de se savoir créatrice/créateur  au potentiel incommensurable, absolus que nous sommes. C’est la déférence ultime que chaque être humain a l’obligation de manifester pour lui-même.

Par crainte, nous acceptons d’être coté par autrui. Plutôt que de décider notre propre valeur sur le marché de l’emploi parce que l’estime de soi est un tabou, une plaie jamais fermée, se taire est la norme. La peur épouvantable de se « vendre ».  Pour le travail que vous effectuer chaque jour et dans toutes les relations qui vous sont chères, êtes-vous satisfait, honnête en ce qui concerne ce que vous croyez valoir en regard de ce que l’on vous offre en retour?  Investir dans sa propre personne et partager cet investissement sera ce qui demeure de plus rentable. 

* L’emploi du « nous » dans le texte ne se veut pas une généralisation.

ÉDITIONS 180 DEGRÉS/Patrice Berthiaume

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