Comme un arbre...
j'ai besoin de lumière... 
si je suis fermement attachée à mon sol 
toujours mariée à la terre 
je grandis néanmoins vers le ciel ...
et je croîs... je mûris en noblesse et en beauté.
Par certains jours noirs et sombres de l'hiver 
ou certaines heures d'automne noyées de pluie 
je travaille à l'intérieur et j'attends… 
Nulle protection ni secours 
incertitude maillée d’espérance 
je ne commande pas à la nature 
je collabore avec elle.
Comme un arbre 
j'ai mes saisons 
mes forces, mes failles.
Continuer... 
comme un arbre 
ce n'est peut-être pas 
maudire les intempéries 
mais les accueillir 
dormir une courte nuit 
pour recommencer le lendemain 
apprendre à mourir 
pour renaître 
continuer... 
comme un arbre 
c'est peut-être me lever chaque jour 
avant le jour 
prête à affronter les coups du sort 
prête à faire alliance avec ma vie.
Je connais misère et grandeur... 
le passage de la nuit au jour 
la fraîcheur des rivières à mes pieds 
et le fruit du labeur de mes bras.
Que sais-je encore ? 
J'ai appris à m'incliner 
à me redresser 
à écouter la beauté dans le murmure du vent...
parfois ma parure 
cache mon écorce fragile 
parfois encore je me dépouille 
pour mieux me révéler.
J'ai le juste orgueil 
de donner l'ombre au passant 
comme j'ai la fierté 
de mes racines profondes.
Les marques de mon passé 
trahissent mon âge, mes peurs et mes pensées 
voyez mes noeuds d'anxiété 
mes blessures, branches cassées.
Pourtant je m'élève malgré tout 
je parfume l'air à ma façon... 
le temps me couronne de fleurs 
à l'occasion.
En vieillissant 
je me souviens avec émotion 
de l'oisillon que j'ai bercé 
et du refuge que j'ai offert 
aux jeunes de mon quartier.
Mes prières deviennent contemplation 
j’apprécie 
l'horizon du lendemain… je chante l’oraison.
Si l'arbre est fort 
il craint toujours le feu et le bûcheron 
de même 
je frémis devant le mal, la guerre 
et plus que tout... 
devant l'indifférence, l’insouciance.
Je porte toujours en moi l’arbre de la croix !
Certains arbres 
deviennent bois de chauffage 
paniers de bois 
feuilles de papier 
bois d'ébénisterie 
copeaux, gîtes, balai neuf ou lambris.
Je parie que la Vie fera de moi 
une petite feuille de papier fleuri... 
j'espère qu'on y écrira 
un vers ou deux de poésie... 
D’ailleurs, je connais un homme vous savez… 
qui pour avoir vécu pleinement un temps de mort et d’agonie 
est à jamais ressuscité !
Lysette Brochu, Regard de foi, août 1988, dans Savoir accueillir, Montréal, Vo. 84, no 4
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