Christophe André, médecin psychiatre à l'hôpital Sainte-Anne àParis, a le goût du voyage intérieur et du bonheur. Spécialisé dans le traitement des troubles émotionnels anxio-dépressifs, il a appris à écouter et à accepter sans les juger les états d'âme et compris l'importance d'en parler de manière authentique et de coeur à coeur avec ses patients et ses lecteurs. D'où un succès immense en librairie en France et à l'étranger, qui fait de chacun de ses livres un best-seller. Ses propos, loin d'être lénifiants, sont vrais, pragmatiques et inspirés par les émotions et les situations quotidiennes. Ils évoquent avec bonté et tendresse la réalité de nos manques, de nos doutes et de nos souffrances. Non pour les masquer, mais pour nous inciter à les apprivoiser. Modestement, il nous montre comment lui-même avance sur ce chemin de vie, et les étapes incontournables pour devenir heureux et serein. Et son humilité fait que nous pouvons, à notre tour, nous approprier avec jubilation les clés qu'il nous donne.
Le Point.fr : Jusqu'à présent, vous avez beaucoup parlé du bonheur dans vos ouvrages. Votre dernier livre prône la sérénité. Est-ce une nouvelle étape ?
Christophe André : Le bonheur, la sérénité, la joie... Tous ces sentiments appartiennent à la grande famille des émotions positives. Relativement proches, elles présentent cependant des nuances. Après une grande tristesse, une souffrance affective ou physique, au bout d'un certain temps, on note le retour d'une forme de bien-être. C'est un phénomène naturel. Cette détente intérieure diffère de celle, plus intense, qui découle de la joie et du bonheur. La joie est une émotion plus ponctuelle, plus vive et plus brève que le bonheur. Le bonheur est un état plus pacifié, plus stable, mais qui s'avère toujours trop court à notre goût. Quant à la sérénité, elle correspond à ces instants indicibles où l'on se sent apaisé intérieurement et en connexion tranquille avec notre environnement. Dans ces moments-là, souvent très simples, nous ressentons une communion pacifiée entre notre monde intérieur et le monde extérieur. Il existe une sorte de résonance harmonieuse entre eux. Cela peut être au crépuscule quand on observe le soleil se coucher sur une montagne ou sur la mer ; en forêt, lorsqu'on écoute les oiseaux, les bruits du vent... Dans ce livre, je voulais attirer l'attention des lecteurs sur ces instants, pour qu'ils les savourent, ne les laissent pas passer, les aspirent de toutes leurs forces...
Aller vers cette plénitude de la sérénité intérieure dont vous parlez suppose-t-il de cesser de vouloir "consommer" du bonheur à tout prix ?
D'une certaine manière, oui. Attention cependant à ne pas prendre de positions extrêmes. Acheter un nouveau pull, des chaussures, des livres peut aussi rendre heureux. On sait très bien cependant, les études scientifiques le montrent, que lorsqu'on se retourne sur notre passé, nous ne nous souvenons pas particulièrement des bonheurs dits consuméristes. Ceux qui nous marquent profondément et durablement ont à voir, en général, avec des états rassérénés, pacifiés. Ils expriment notre cohérence intérieure, notre adhésion sereine à nos besoins fondamentaux. Ils témoignent de nos liens apaisés avec nous-mêmes, avec les autres, avec la nature. Ces instants participent à construire notre santé, notre équilibre intérieur, notre intégrité et notre dignité d'être humain. C'est pourquoi ils sont si importants dans nos vies.
Quelles sont vos clés pour nous aider à progresser vers cette réalisation ?
La principale est de faire un travail sur soi permanent. Notre position d'être humain nous impose de concevoir que rien n'est jamais acquis en matière de bien-être et de sérénité. Il est nécessaire de le comprendre intellectuellement et humblement pour pouvoir passer à l'étape suivante, apprendre à accepter émotionnellement pleinement tout ce que nous vivons. Savoir que nos efforts sont éphémères et qu'ils doivent être répétés sans cesse, que nous devons chaque jour construire encore et encore notre sérénité. Quand nous l'acceptons intellectuellement et émotionnellement, pleinement, nous avons passé un cap, fondamental. Certaines choses peuvent nous y aider : tenir un journal intime, éprouver de l'autocompassion, ne pas se rudoyer, ne pas se violenter.
Ce qui implique d'accepter sa fragilité et sa vulnérabilité...
En effet, nous n'avons d'autre choix que de nous défaire de l'illusion qu'un jour nous ne souffrirons plus, que nous cesserons d'être vulnérables, que les conditions extérieures ne nous atteindront plus. Là encore, le comprendre, l'admettre, à un niveau intellectuel et émotionnel, est un pas décisif vers la sérénité. En psychothérapie, certains patients acceptent difficilement que nous ne puissions pas les guérir, mais simplement les accompagner pour que leur maladie ne prenne pas toute la place dans leur existence. En réalité, le problème n'est pas leur fragilité à la souffrance. La question est plutôt de se demander comment ils peuvent vivre, le mieux possible, de manière plus tranquille, plus sereine avec cette souffrance quand elle se manifeste. Quand ils parviennent à coexister avec elle, les résultats de leurs traitements sont beaucoup plus efficaces.
Nos états d'âme sont donc, d'une certaine manière, une porte vers l'éveil et la sérénité ?
Oui, car percevoir ce que nous ressentons, y compris quand c'est difficile, nous instruit profondément sur nos rapports avec nous-mêmes, avec les autres et peut-être aussi sur ce qu'est la nature réelle de notre passage dans ce monde. Percevoir, entendre nos états d'âme est passionnant. Pas pour leur laisser prendre les commandes de notre être, mais pour comprendre ce qu'ils nous disent sur nous-mêmes. L'écoute de notre introspection est riche en enseignements. C'est pourquoi, d'une certaine façon, ce livre est un manifeste pour une vie intérieure, un plaidoyer pour l'intériorité.
Après tant d'années de travail sur vous-même, comment définiriez-vous l'être humain que vous devenez ?
Mon ami le philosophe Alexandre Jollien utilise un mot latin qui résume ce que je ressens,progredientes. Cela signifie quelqu'un qui travaille à progresser, à avancer. Au fond, j'adore sentir que plus les années passent, plus j'avance au plan intérieur. J'aime cette sensation, car j'avais beaucoup de progrès à faire pour être en paix avec mon micmac émotionnel et mes fragilités. Grâce à mes efforts, à la vie, à mes rencontres, mes patients, mes lectures, avec le recul, je me rends compte que j'ai progressé et que cela se passe mieux pour moi qu'il y a quelques années. Et je suis certain que malgré le boulot qu'il me reste j'arriverai encore à progresser. C'est enthousiasmant et intéressant. J'aime ça.
Sérénité : 25 histoires d'équilibre intérieur (éditions Odile Jacob)
À lire aussi : De l'art du bonheur (éditions de l'Iconoclaste)
Le bonheur en pratique pour Christophe André c’est :
- Apprendre à observer et à accepter tranquillement ses états d’âmes, positifs et négatifs
- Ecouter les messages de nos émotions intérieures, ce qu’elles disent de nous, de notre rapport aux autres et à l’existence.
- Entendre les enseignements donnés par la joie, la tristesse, le chagrin, l’enthousiasme. Ils témoignent de nos besoins fondamentaux et indiquent les bonnes directions à prendre et les chemins de traverse à éviter.
- Accepter ses fragilités et sa vulnérabilité car elles sont une force intérieure
- Apprendre à aimer, à profiter, et à se réjouir des moments simples : ils sont riches en émotions apaisantes
- Accepter simplement que la vie soit faite d’alternances de bonheur et de malheur
- Prendre du recul vis-à-vis de ce que nous expérimentons
- Vivre le moment présent en conscience
- Comprendre que la sérénité et le bonheur ne sont pas acquis une fois pour toutes mais sont à reconstruire sans cesse
- Savoir regarder en arrière pour apprécier nos évolutions et transformations intérieures et nous en féliciter
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