Boyan Slat : ''D'ici 2050, nous aurons éliminé la pollution plastique des océans''

À 24 ans, Boyan Slat a conçu un système qui permettrait de nettoyer la moitié du Pacifique en seulement dix ans.

RENCONTRE AVEC BOYAN SLAT
Vidéo 3'47 : cliquer ici  National Géographic

Au hasard d'une plongée sous-marine révélatrice, Boyan Slat a constaté le désastre écologique qu'est la pollution plastique des océans. De projets scolaires en rencontres formatrices, le jeune entrepreneur a su s'entourer d'ingénieurs et d'océanographes avec pour ambition de nettoyer les océans à l'horizon 2050. Un projet fou mais ô combien nécessaire pour permettre à l'écosystème marin, déjà soumis au changement climatique, de respirer.

 

Comment vous est venue l'idée du projet Ocean clean-up ?

À l'âge de 16 ans, je faisais de la plongée sous-marine en Grèce et en regardant autour de moi j'ai réalisé qu'il y avait dans l'eau plus de sacs plastiques que de poissons. Et je me souviens m'être dit "Mais pourquoi on ne nettoie pas tout ça ?". Et cette question m'a en quelque sorte hanté. Quelques mois plus tard, on devait travailler sur un projet scientifique au lycée et j'ai décidé de me pencher sur ce problème que tout le monde disait insoluble. Après environ un an à réunir différentes pistes, j'ai compris qu'il ne fallait pas partir à la recherche du plastique, cela prendrait des dizaines de milliers d'années et coûterait des dizaines de milliers de dollars, mais laisser le plastique venir à nous en nous servant des nitrocarbs et en laissant l'océan s'auto-nettoyer.

 

Et comment fonctionne le système que vous avez mis au point ?

Il y a quelques années, j'ai réalisé que les côtes retenaient le plastique de manière efficace. Mais le problème dans les zones dans lesquelles le plastique se trouve en grandes quantités, c'est qu'il n'y a pas de côtes, rien pour intercepter le plastique. J'ai donc imaginé des côtes artificielles. Pourquoi irions-nous chercher le plastique si le plastique peut venir à nous ? Nous avons développé une flotte de système de nettoyage qui forme un fer à cheval agissant comme une barrière et qui concentre le plastique que nous récoltons ensuite.

Plus vous vous enfoncez dans les profondeurs des océans, moins le courant est fort. À la surface en revanche, le courant est plus fort. Nous utilisons ce phénomène naturel à notre avantage en jetant une ancre géante dans les profondeurs des océans. La flotte-fer à cheval est attachée à l'ancre et permet de ralentir le courant juste assez pour que le plastique qui se déplace rapidement rencontre le système de nettoyage et se retrouve bloqué.

 

Vous avez commencé à présenter ce projet quand vous aviez 18 ans. Vous avez bénéficié de soutiens immédiats mais avez aussi été véhément critiqué. À cette époque, aviez-vous le sentiment qu'on ne vous prenait pas au sérieux parce que vous étiez jeune ?

Se lancer dans un tel projet si jeune a ses bons et ses mauvais côtés. Le côté négatif, c'est qu'en effet vous manquez de crédibilité et de connections. Les gens ne vous connaissent pas, ne vous font pas confiance. Le côté positif, c'est qu'à ce moment-là de votre vie, vous n'avez pas de crédit, pas de responsabilités dont votre succès pourrait dépendre. L'échec est une possibilité parce que vos responsabilités ne sont pas immenses. Si vous avez une idée, je pense que le début de votre vingtaine est le moment idéal pour vous lancer.


Le système Ocean Cleanup à l'oeuvre : la flotte de systèmes de nettoyage est disposée en forme de fer à cheval et attachée à une ancre. Elle joue le rôle d'une côte et permet de retenir le plastique.

Vous avez récemment conduit les premiers tests de l'Ocean Cleanup. Les résultats étaient-ils à la hauteur de vos attentes ?

Ces trois dernières années, nous avons fait deux choses. La première, c'était la reconnaissance de la zone pour évaluer la quantité réelle de plastique du vortex de déchets du Pacifique nord. Nous avons quadrillé la zone avec trente bateaux et un avion. Le seconde, c'était effectivement de tester les systèmes de nettoyage. Nous avons déployé un prototype dans la Mer du Nord l'année dernière et en prenant compte des résultats, nous avons déployé il y a quelques jours un nouveau prototype pour un nouveau test. Si tout se déroule comme prévu, nous devrions pouvoir déployer notre première flotte début 2018.

 

Selon une récente étude, seuls 9 % des déchets plastiques sont recyclés. L'immense majorité, soit 79 %, est en train de s'amonceler sur les sites d'enfouissement des déchets ou se répand dans la nature sous forme de détritus. Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs en quoi la propreté des océans est si importante pour l'environnement et la biodiversité ?

Il y a trois raisons principales pour lesquelles nous devrions empêcher le plastique d'atteindre les océans. La première, c'est qu'aujourd'hui 200 espèces sont menacées d'extinction à cause de la pollution plastique. Par ailleurs nettoyer les plages coûte extrêmement cher. La perte de revenus liés à la pêche est évaluée par les Nations Unies à plus de 30 milliards de dollars par an. Cela coûte donc bien moins cher de nettoyer les océans que d'y laisser le plastique qui s'y accumule. Enfin, les particules de micro-plastique ont intégré la chaîne alimentaire. Les poissons avalent le micro-plastique et les produits chimiques qui y sont attachés. C'est donc une menace sanitaire potentielle.

 

Votre projet est essentiel mais très coûteux. Avez-vous accès à des subventions ou à de généreux mécènes ?

Ce n'est pas si coûteux si vous pensez au prix du traitement des déchets d'une grande ville. Par exemple la ville de New York dépense chaque année 2 milliards de dollars pour collecter ses déchets. Donc nettoyer les océans qui représentent 70 % de la surface de la Terre est en fait moins onéreux. J'ajouterais que le nettoyage est moins coûteux que la pollution plastique elle-même. Mais vous avez raison, c'est aussi une question d'argent. Jusqu'à présent, les dons que nous avons reçus venaient de particuliers. Les 2 premiers millions de dollars que nous avons levés ont été récoltés via une plateforme de crowdfunding. Ensuite ce sont les particuliers d'Europe et de la Sillicon Valley qui ont soutenu le projet. Les gens savaient qu'il s'agissait d'un placement à risque, mais l'envie de prendre part au nettoyage des océans était plus forte.

Depuis quelques mois, des entreprises commencent à nous soutenir. L'année prochaine nous passerons à l'étape supérieure avec le déploiement de 50 ou 60 systèmes de nettoyage. Des particuliers et des entreprises pourront sponsoriser un système, les suivre à distance, mettre leur logo dessus s'ils le souhaitent. C'est comme cela que nous envisageons la suite du financement. Comme toute entreprise, nous avons toujours besoin de deux choses : des gens brillants pour rejoindre notre équipe, et nous encourageons les particuliers et les entreprises à soutenir financièrement notre projet.



VOICI LA QUANTITÉ DE PLASTIQUE QUI RECOUVRE LE FOND DES OCÉANS.

Recevez-vous l'aide d'un ou de plusieurs gouvernements ? En un sens, l'océan est à tout le monde et à personne à la fois, mais le problème de la pollution des océans est très politique. Avez-vous besoin d'autorisations pour mener à bien votre projet ?

Ici nous parlons des eaux internationales, c'est un no-man's land et ce n'est la responsabilité de personne. Le bon côté de cette situation c'est que nous n'avons pas besoin de nombreux permis pour mener bien notre projet. Nous devons juste nous soumettre aux lois en vigueur. Le mauvais côté, c'est qu'on peut se retrouver dans des zones comme la Mer de Chine où les problèmes de juridictions sont complexes et nombreux. Les politiciens nous soutiennent, principalement par le réseau qu'ils nous offrent. Le gouvernement hollandais a été le seul à financer un prototype [Boyan Slat est Hollandais, ndlr] mais nous aurions besoin d'être davantage soutenus par les instances publiques parce que le problème de la pollution des océans concerne l'humanité toute entière.

 

Les pailles se placent en dernière position d'une longue liste de produits en plastique prohibés, taxés ou boycottés établie afin d'endiguer la pollution par déchets plastiques des océans. Pour vous, est-ce un signe d'une prise de conscience politique et citoyenne ?

Oui, complètement. La prise de conscience est globale et commence à porter ses fruits. En fait, je crois que nous ne manquons pas de volonté pour nettoyer les océans. Le problème est technologique. Si vous voulez nettoyer les océans et que vous n'avez pas d'outils pour le faire, vous ne pourrez rien faire. C'est pour ça que j'ai fait de notre société une entreprise technologique parce que c'est à mon sens le chaînon manquant.

 

Quelles sont les prochaines étapes sur lesquelles votre équipe et vous-même travaillez ?

En 2018, nous commencerons par le nettoyage du vortex de déchets du Pacifique nord, qui est la plus grande concentration de plastique au monde. Si tout se passe bien, nous étendrons notre flotte à 50 ou 60 systèmes de nettoyage en 2020. Puis nous passerons au niveau supérieur et nettoierons les quatre autres vortex de déchets - il y en a cinq dans le monde. Dans quelques temps, nous développerons également un système de nettoyage rotatif que nous placerons à l'embouchure des rivières pour arrêter le plastique avant qu'il ne se retrouve dans l'océan. Je pense que ces deux solutions combinées permettrons une réduction drastique de déchets plastiques dans l'océan entre 2040 et 2050. Je suis persuadé que les océans seront à nouveau propres à cet horizon.

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