Rire, joie de vivre et sourire obligatoires, voilà qui a de quoi ravir ! Une récente loi argentine, entérinée ce 19 août 2015, oblige les hôpitaux de la province de Buenos Aires à engager des clowns dédiés à leurs services de pédiatrie. Objectif : fournir « une médecine complémentaire visant à apporter de la gaieté aux enfants hospitalisés, à leur famille et au personnel » selon le Journal officiel cité par l’AFP. Cette province de quelque 15 millions d’habitants compte plus de 70 hôpitaux publics.
Cette loi, votée avant l’été (lien en anglais), est ici la première du genre. Selon Andres Kogan, un pédiatre qui supervise des programmes de clowns, cité par l’Associated press, les clowns n’aident pas seulement les enfants et leurs proches à aller mieux, mais ils aident aussi les médecins à communiquer avec des enfants timides, ceux qui ont été maltraités ou qui n’ont pas la possibilité de communiquer. Ils leur permettent, par exemple, de sourire, alors que leur pathologie les empêche de parler et donc, a priori, de s’exprimer. Les modalités pratiques d’application de la loi sont laissées à l'appréciation des hôpitaux.
Dans le monde, de plus en plus d’associations de comédiens s’inscrivent dans le cadre hospitalier. Une fédération regroupant des associations d’une dizaine de pays existe en Europe (EFHCO) depuis 2011. Des compagnies réputées existent aussi hors d’Europe. Comme Clown Care, aux États-Unis, ou encore Doutores da Alegria au Brésil.
Technique et discrétion : les indispensables du clown à l'hôpital
Entretien avec Caroline Simonds, directrice et fondatrice du Rire médecin
Le Rire médecin est la première structure au monde à avoir obtenu une certification de l’État (en l'occurrence la France), permettant de délivrer un « diplôme d’État ». Selon Caroline Simonds, le nombre de clowns en milieu hospitalier en France est passé de deux en 1991, à une centaine aujourd’hui.
L’auteur de la loi, Dario Golia, dit que « le rire est le meilleur des remèdes »… vous confirmez ?
Je ne suis pas médecin ! Je suis une comédienne et une clown qui pratique depuis 28 ans. Mais je constate que le jeu et le rire sont l’une des meilleurs choses ! Ils redonnent aux personnes malades du courage, et leur permet de croire en leur capacité de vivre. Surtout dans le cas des enfants qui, avec la maladie, sont déprimés, angoissés et perdent l’habitude de jouer et de rire.
Quel est l’impact de ces retrouvailles de l’enfant et du rire pour son entourage et le personnel soignant ?
Pour tout l’entourage, lorsque l’enfant est très affaibli ou malade, et qu’il se remet à jouer, on se sent bien et on croit en lui. Cela ne signifie pas que la guérison sera immédiate, mais guérir l’âme de l’enfant est très important pour l’entourage. Et ce même s’il est en fin de vie : le voir encore capable de rigoler, de sourire et de faire des bêtises, de dire des gros mots, est un véritable soulagement.
Quelles spécificités présente le milieu hospitalier pour les clowns ?
Il faut un haut niveau de technicité des comédiens pour réaliser du sur-mesure pour les enfants malades et hospitalisés.
Nous sommes soumis à un code de déontologie qui offre un cadre à notre travail. Par exemple, si nous visitons un enfant souffrant d’anorexie, nous n’allons pas faire de psychodrame sur la bouffe… Ce sont des choses banales pour nous, mais il est important de prendre en compte tout le contexte social et psychologique de l’enfant, et pas simplement les aspects médicaux.
La discrétion est quelque chose de très important à l’hôpital. Le secret médical doit être honoré à 300% : il nous faut comprendre la douleur pour l’enfant, afin de ne pas le stresser, physiquement ou psychologiquement, là où c’est douloureux pour lui. Par exemple, dans le cas d’enfants ou d’adolescents ayant fait une tentative de suicide, il ne s’agit pas de marcher sur des œufs. Ils adorent blaguer, ils sont sur la falaise de la vraie vie. Souvent, les gestes terribles sont liés à une rage de vivre, pas de mourir.
Une fois nos comédiens éduqués sur les adolescents, les bébés ou encore la psychologie des mamans et des papas, ils ne vont pas faire d’erreur maladroite et, en même temps, ils sont libres de vraiment jouer et d’aller à fond dans la créativité et la fantaisie. Car ce qui fait rire, c’est l’inattendu et l’incongru.
Nous travaillons toujours en duo. Sur le plan éthique, cela permet de toujours avoir un témoin de "bientraitance". Nous nous situons toujours dans le jeu théâtral, jamais dans le relationnel ni dans le spectaculaire. Nous sommes des gens de l’extérieur, nous ne sommes pas des soignants. Quand nous sommes deux, l’enfant peut être passif ou, au contraire, très actif.
Le fait de légiférer sur la présence des clowns à l’hôpital, comme cela a été fait en Argentine, est plutôt rare. Qu’en attendez-vous ?
« Wait and see » (« attendre et voir »), comme l’on dit en anglais. Il faut attendre de voir comment la mesure est appliquée, et s’il y a des comédiens compétents pour le faire. Être clown, ce n’est pas enfiler un costume et rentrer dans un hôpital pour « faire du bien ». Je ne suis pas méfiante, mais patiente, c’est-à-dire que j’attends de voir quels sont les critères pour laisser entrer un clown en hôpital en Argentine.
Nous nous avons une certification, mais on est loin de ça dans le monde entier. Il y a de tout, y compris des amateurs bénévoles, de bon coeur, mais qui ne sont pas du tout comédiens, qui n’ont donc pas les mêmes outils.
Il faut faire très attention, dans l’excitation - je suis aussi très excitée, bien entendu -, à faire attention à la qualité. Si mon enfant souffrait de problèmes cardiaques, je souhaiterais qu’il bénéficie du meilleur cardiologue et du meilleur chirurgien du monde. S’il était hospitalisé, je voudrais le meilleur clown aussi. Il faut placer la barre haut. Il ne faut pas stresser les comédiens, mais les aider à fournir une vraie qualité, avec authenticité et enthousiasme.
Source : Information TV 5 Monde
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