9 h, à l’école Germaine-Tillion, au cœur du quartier populaire des Pommeraies, à Laval. Le groupe scolaire est multiracial, multiconfessionnel aussi. La directrice Valérie Gérolami prend en charge, comme tous les lundis matins, son demi-groupe de CE2 (ils ont 8 ans) pour l’atelier de parole « Comment chat va ? »

« Plutôt qu’une minute de silence, nous avons opté pour discussion spécifique dans chaque classe, entre les enfants et leur enseignant. Cela permet d’adapter la parole au niveau d’âge », cadre l’enseignante, militante de la Médiation par ses pairs, un courant pédagogique qui travaille sur les émotions et le respect de la parole de l’autre. Sa tâche aujourd’hui n’en sera que facilitée. « Malgré tout, je redoute la séance. C’est surtout mes émotions que je ne suis pas sûre de pouvoir maîtriser », confie-t-elle.



Les tables, rassemblées, forment un grand cercle. Valérie annonce la consigne : « Réfléchissez quelques minutes, puis exprimez avec quelques mots ou des dessins comment vous vous sentez, ce que vous ressentez. Puis avec deux ou trois phrases essayez d’expliquer pourquoi » Et rappelle les règles : lever le doigt pour prendre la parole, écouter l’autre et respecter sa parole. Enfin, la liberté pour chacun de s’exprimer ou non.

Malys se lance : « Je suis triste car vendredi il y a des personnes qui étaient à un concert et qui ont été tuées. Ravie aussi car je suis à l’école et je retrouve mes copines. » Anatole, lui, montre son dessin intitulé « J’ai peur » en même temps qu’il s’exprime : « Je suis soulagé car il n’y a pas d’attentat à Laval. Inquiet aussi car ma tata habite à Paris où il y a des gens de l’association (sic) Daech. » Ce week-end, ses parents lui ont interdit de regarder la télévision mais il adore écouter la radio. Assia (de confession musulmane) veut exprimer son désarroi : « Je vais peut-être vivre dans un autre pays car ma maman a peur des musulmans. Moi aussi, j’ai un peu peur. »


Son voisin Noam, ne veut pas parler : « Hier soir, je me suis couché à minuit. Ensuite je n’ai pas dormi. » Et Malys d’ajouter : « Moi, ça m’a refait penser à mon papi qui est mort, il y a longtemps déjà. »

C’est le moment choisi par la maîtresse pour recadrer l’échange.« Moi aussi, je suis déçue car je croyais vivre dans un pays où on savait vivre ensemble. J’éprouve un mélange de colère, de tristesse et de peur. Vous avez aussi le droit de pleurer », dit-elle, les yeux remplis de larmes.

« Ici, on se met tous au même niveau. C’est bien aussi que les enfants comprennent que les adultes ne sont pas des machines. Ils peuvent être bouleversés », explique-t-elle en aparté.



Une heure pour exprimer ce qu’ils avaient sur le cœur, ce lundi pas comme les autres. Avant d’observer une minute de silence sous le drapeau tricolore fixé au fronton de l’école. Avant, leur maîtresse a pris soin de leur expliquer pourquoi il était attaché par un ruban noir.

Sources : Ecole Germaine Tillon à Laval via Ouest France