SPANDA - Comment je comprends le Tantra

Qu’est ce que le Tantra ? 


Les réponses à cette question sont innombrables et ont été proposées par de nombreuses écoles, Tantra rouge, noir ou blanc, de la main gauche, de la main droite, shivaïsme cachemirien ou vajrayana du bouddhisme tibétain, ou bien encore néo-tantra. Toutes approches sensiblement différentes et en même temps si proches par leurs principes sous-jacents.

L’objet de cet article est de proposer une vision, une approche, de ce que peut être le Tantra, aujourd’hui, en France et en Europe. Je ne chercherai pas ici à définir ni à expliquer, ni surtout à comparer mais plutôt, par petites touches, à faire ressentir ce que je comprends aujourd’hui de manière presque intuitive à force d’explorer. Je ne suis pas thérapeute, je ne cherche à guérir personne de quoi que ce soit, je souhaite tout simplement, grâce aux outils du Tantra, soutenir, et accompagner la recherche des femmes et des hommes, et le développement de leur conscience.

Le Tantra, c’est sans doute d’abord un ensemble de pratiques qui soutiennent le développement de la conscience. C’est une démarche de développement personnel, c’est le choix de partir à la découverte des enseignements que la vie nous propose : chaque événement de notre vie est un enseignement dès lors que nous avons le loisir d’y placer notre conscience.

Qu’est ce que la conscience ?

A un premier niveau de compréhension, la conscience est l’état dans lequel je suis lorsque mon esprit est libre de pensées, lorsque ma compréhension du monde ne se base plus sur l’analyse mais sur la perception, lorsque mes actions ne sont plus des réactions, lorsque je peux me libérer de mes réflexes et conditionnements sociaux, familiaux, voire culturels. C’est la raison pour laquelle nombre de voies, dont le Tantra, proposent la méditation comme outil mais aussi comme fin en soi. La méditation est une distraction de l’égo, au sens étymologique du terme. Lorsque ma pensée suit ma respiration je ne suis plus l’esclave de mon mental ni de mes conditionnements. Je deviens libre de mon choix. C’est ce que les thérapeutes appellent être soi même.

A un niveau de ressenti plus intuitif, la conscience est l’état dans lequel on est lorsque l’idée de séparation disparaît, lorsque l’illusion de la dualité fait place à la perception de la non dualité, de l’absence de forme. A l’origine de l’univers est l’état de conscience non encore manifesté, unique et absolu qui précède l’expansion. C’est comme un noyau. C’est au delà de Dieu. C’est la puissance sans l’action, c’est une énergie potentielle. C’est une conscience sans conscience car non manifestée. C’est un tout. Ce tout va partir en expansion, en division, dans le but de prendre conscience de lui même. C’est la raison de l’expansion de l’univers. L’univers seul, en tant que tout ne peut-être conscient de lui même, alors peut-être pour y parvenir, crée-t-il la dualité et la séparation.

Ainsi, nous sommes le résultat de la séparation du tout, chaque atome est un élément du tout et chaque élément du tout n’a pas nécessairement conscience de son appartenance au tout. Ou bien il en a même une conscience très faible. Et pourtant, c’est lorsque chaque élément du tout aura repris conscience de l’unicité, de la non dualité, de la non séparation, que le tout retrouvera son unité véritable. On pourrait dire ainsi que le développement de la conscience n’est autre que le développement du savoir, que l’on n’est qu’un avec tout ce qui nous entoure. Que l’on n’est rien d’autre qu’un élément constituant le tout. Et dès lors qu’on n’est qu’un avec ce qui nous entoure, pourquoi craindre ce qui nous entoure ? Pourquoi juger ce qui nous entoure ? Si le monde est non-duel, il est sans jugement ni peur possible, puisque la séparation n’existe pas. Comment en effet avoir peur de ce qui est soi ? La mort est autant illusion que la vie. La beauté autant que la laideur, la pauvreté autant que la richesse. Rien n’est bon, rien n’est mauvais, tout est leçon et possibilité de grandir. Notre démarche de développement personnel, notre existence tout simplement, n’est qu’une facette de ce grand mouvement universel  vers le retour à la conscience de l’unicité par chacun des éléments issus de la division puis de l’expansion.

Comment atteindre l’état de conscience ?

Il n’y a pas de voie, il y a la vie qui est une recherche personnelle permanente. Il n’y a pas de vérité. Chacun suit sa route, à son rythme qui est le mouvement naturel du développement vers la conscience. Que vient faire le Tantra dans tout ça et à quoi sert-il si ce grand dessein est la réalité. On peut dire que le Tantra est un accélérateur de vie. Un accélérateur de vie qui ne cherche à convaincre personne de son bien fondé. Seuls ceux qui le souhaitent prennent ce chemin. Aucune forme de Tantra, à ma connaissance, n’est prosélyte. En proposant des pratiques, le Tantra confronte celui qui recherche, à des concentrés de situation de vie. Pour soutenir le Tantrika dans son chemin vers la conscience, la méthode accélère son processus de confrontation à l’existence, approfondit sa connaissance de soi et accélère ainsi le développement de sa conscience. L’accélération est puissante et exponentielle. C’est pour cela que certains appellent le Tantra « the bullet path » (la voie de la balle).

Pourtant, chacun d’entre nous, Tantrika ou pas, peut rencontrer des limitations à sa propre expansion, des blocages, des croyances, sur lesquels nous buttons et revenons sans cesse. A chaque pas de la recherche, nous nous confrontons à nos peurs. Le changement en soi peut être source de peur. Et chaque peur peut nous paralyser ou bien nous enseigner comment grandir. Là encore, c’est le niveau de conscience qui en décide. Résister à sa peur, ne pas la rencontrer, c’est maintenir le blocage, la limitation. Aller dans sa peur, l’accepter, c’est s’offrir la possibilité de la transcender. Accepter l’inconfort est le point de départ de la transformation.

La résistance à la peur s’exprime quelquefois par le stress, l’irritation ou la colère. Ne sont-ce pas des artifices qui permettent d’échapper au sentiment de la peur ? 

Etat de conscience, continuité de l’état d’amour, état de joie !

Je suis de plus en plus persuadé que la vie peut ne pas être souffrance, que nous pouvons faire le choix de la neutralité, de la fluidité vis à vis des propositions qu’elle nous fait. 

Et pourtant la vie est un paradoxe : c’est d’abord la souffrance puisque la naissance même est la fin de la conscience de l’appartenance à un tout. En même temps, la petite enfance est peut-être ce moment de la vie durant lequel l’individu est le plus connecté avec son état de joie naturel. C’est de l’ordre de l’innocence, de la curiosité de découvrir, de l’énergie de la vie qui pousse. Bien sûr, l’enfant est sujet à des émotions comme la tristesse, la peur, la colère, mais il est touchant de constater à quel point cet enfant peut en sortir facilement et rapidement lorsque son attention se concentre ailleurs. L’enfant reste peu attaché à ses émotions car il les vit plus pleinement qu’un adulte, sans souci du regard de l’autre s’il n’est pas encore trop programmé par les consignes du type « un garçon, ça ne pleure pas ».

Quand je parle d’état de joie, il ne s’agit pas d’état d’excitation qui consiste à sauter partout en riant (encore que ....) mais plutôt d’un état de  paix et de neutralité intérieures propre à nous permettre de jouir des expériences de la vie et de nous construire à partir d’elles.

Et du coup, la question qui se pose pour chacun d’entre nous, en tant qu’adulte : qu’est ce qui peut nous faire sortir un seul instant de l’état de joie, de paix intérieure, sans même que nous nous en rendions compte. Y a-t-il une seule raison valable pour que nous sortions de ce sentiment que la vie est parfaite telle qu’elle est ? Pourquoi lutter ? Pourquoi sortir de la joie qui est simple et facile pour se laisser entrainer vers la misère ? Quels sont les mécanismes, les conditionnements sociaux, familiaux ou culturels qui nous ramènent à la souffrance. Et quel confort y trouvons nous ? Parce que l’état de misère et de souffrance a une raison bien sûr ! La quête personnelle dans la voie du Tantra passe probablement par une déprogrammation. Il s’agit de nous dépouiller peu à peu de tous ces conditionnements sociaux familiaux ou culturels, ces programmes, ces concepts qui sont les références de nos comportements et de nos jugements.

C’est cela, ma démarche de développement, je me déshabille peu à peu, je pèle l’oignon que je suis et je m’allège à chaque peau retirée (et qu’y a-t-il lorsque toutes les peaux ont été retirées ? Je vous laisse le découvrir car je ne le sais pas encore). Développer ma conscience pour tâcher d’observer sans cesse les moments pendant lesquels je me déconnecte de l’état de joie, qui est mon état naturel, pour me réfugier dans la souffrance, la culpabilité ou la misère. Quels sont les moments où je me mets dans une position de victime et quel est mon intérêt à y rester. Dès lors que cette conscience est possible, alors c’est tout simplement en respirant, c’est à dire en prenant le prana qui est l’énergie de vie, que je peux traverser l’émotion et non pas la fuir pour revenir à la joie intérieure. 

Pour moi, être Tantrika, c’est décider d’instaurer, par la conscience, la permanence, la continuité de l’état de joie, la paix intérieure. Dès lors que cette paix est installée, que cette connexion intérieure, ce centrage sont réalisés, alors l’amour est inconditionnel et accepte toute chose. Alors, le seul état possible est la joie. Cette joie existe, elle est possible, mais elle ne veut pas dire que les émotions ne sont pas là. Elles sont présentes, elles vous tournent autour, vous les vivez même, mais vous ne vous y attachez pas. 

L’amour, c’est donc probablement cette paix intérieure, cette acceptation de toute chose, cet état de joie. Faites en l’expérience et dites moi. L’amour n’est ni une action, ni une passion, c’est être. Etre soi, s’accepter dans l’état où l’on est de notre développement  et accepter l’autre et la vie qui ne sont qu’une part de nous même et du tout. L’amour, c’est accepter la séparation tout en réalisant que la séparation est une illusion. C’est même d’ailleurs la principale raison valable pour l’accepter.

Dès lors que cet état d’amour est installé, cette quiétude intérieure, c’est la sagesse du cœur qui guide nos actes et non plus notre mental et sa cohorte de peurs et de jugements. 

Aimer, c’est aussi accepter la mort, non pas comme la fin de la vie, mais comme une transition vers la suite, peut-être un retour au tout avant la séparation suivante si elle est nécessaire. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme » disait Lavoisier. Je crois que tout Tantrika peut faire sienne la formule de notre célèbre et révolutionnaire chimiste-philosophe car c’est une grande compréhension et une grande sagesse qu’il nous propose.

Le Tantra : Anarchie de la spiritualité ?

Pourquoi dit-on que le Tantra est l’anarchie de la spiritualité ? Je crois que la raison en est que le Tantra fait fi de tous les concepts sociaux, moraux, culturels ou familiaux traditionnels, demeure imperméable à la dualité, à la dialectique et au cartésianisme qui sont les piliers de notre monde. Le tantra n’est pas une science, n’analyse pas, ne dissèque pas pour comprendre. Le tantra propose à chacun une lecture du monde par l’expérimentation et non par le savoir reçu. Ce n’est pas une science, ce sont des techniques, des pratiques, qui concourent au développement de notre conscience, de notre compréhension.

Conclusion

Je connais une traduction du Vijnana Bhairava Tantra (texte tantrique ancien qui est pour moi une référence sur le sujet) que j’aime particulièrement, dont le sous-titre (ou bien peut-être est-ce la traduction du titre, le sanscrit n’étant pas ma langue maternelle) est : « Exposé technique pour la connaissance expérimentale de la réalité absolue ». Pour moi, dans ce sous-titre est l’essence du Tantra. Il s’agit de « connaissance expérimentale ». Il s’agit de techniques par lesquelles le Tantra propose à chacun d’entre nous d’approfondir sa compréhension, sa connaissance et de développer sa conscience. C’est aussi simple que cela.

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