La Voie suprême



Dans la vie quotidienne, un être humain vivant dans l’environnement artificiel des ville a-t-il la possibilité de laisser ses énergies fondamentales demeurer, voire revenir à leur
niveau nature, sans agir par lui-même ?


Un homme ordinaire qui n’est pas dans une démarche de connaissance de soi peut se tourner vers les instruments que lui offrent la vie moderne : club de sport,
fitness etc. C’est une façon de décompresser face aux contraintes
générées par la vie moderne. C’est aussi une façon de revenir
au moment présent qui soulage momentanément. En termes de se
ressourcer énergétiquement, ce n’est pas le meilleur moyen. Cela
participe plus du défoulement que d’un retour à une sensibilité
corporelle naturelle. C’est une fuite. En outre, la façon dont on
aborde les activités physiques correspond à celle dont on aborde le
travail professionnel, c’est-à-dire dans une recherche d’objectif,
de nourrir ou défendre une image de soi… c’est avec l’ego. Ce
genre de motivation nous pousse finalement à entretenir les tensions
et les émotions négatives. Le monde émotionnel est très
important : il pompe nos énergies. Le cerveau utilise 40% de
l’énergie corporelle. Si nos pensées sont en permanence tournées
vers l’extérieur –comment faire fructifier mon argent, comment
utiliser l’autre -, cette énergie n’est pas en moi. Si je ferme
les yeux, que je me relâche, si je me vois par exemple empli de
lumière, je peux me sentir rempli de joie et de plénitude. Ceci est
un état imaginatif, au même titre que d’imaginer telle ou telle
personne qui me voudrait du mal, ou bien la façon dont je pourrais
voler les biens du voisin. La pensée peut donc générer des états
émotionnels négatifs ou positif, et pourtant il ne s’agit que de
pensées, qui ne sont pas concrètes. Des pensées, des idées nous
traversent à chaque instant. Mais leur côté impalpable débouche
sur du palpable. Il faut vérifier cela de près car nos décisions,
nos actions découlent de la coloration de nos pensées et de nos
désirs.


Nous sommes dans un monde très intellectualisé, où le corps est devenu une inconnue. Or, le corps est le support de notre vie. Commet renouer avec le courant de la vie, sortir de notre sommeil ?


Le taoïsme est la voie. C’est la voie suprême. C’est la voie de l’univers, de la vie par excellence. Si on suit cette voie, on vit dans le courant de la vie :
je vais dans le même sens que les forces du courant naturel. Un
bateau qui remonte le courant dépense beaucoup d’énergie. S’il
va dans le sens du courant, il est accompagné par le flux. Pour
nous, il ne s’agit pas de l’eau, mais de la vie elle-même !
C’est une autre dimension, et d’une importance capitale, sacrée.
Ceux qui travaillent dans la voie et vivent avec constatent la
présence de cette voie partout autour d’eux, comme par exemple
dans le déroulement des saisons. C’est immuable, et cette voie se
manifeste aussi bien à l’extérieur de nous qu’à l’intérieur.
Le taoïsme conduit, disent les anciens, à l’immortalité. Mais
encore faut-il être en bonne santé, en équilibre, corps, âme,
esprit. Et, pas à pas, développer son corps, son âme et son
esprit, et donc l’énergie puisque celle-ci est la racine de la
vie, du microcosme au macrocosme. Si on vit constamment avec cela, on
ne peut que être renforcé par la vie, être plus vivant en soi. La
lumière du cosmos peut être alors condensée, collectée en nous,
et mener à la création d’un nouveau corps plus subtil, un corps
de lumière.


Il y a donc en moi une possibilité de condenser de l’énergie subtile.


Il y a tout d’abord une collection, une condensation, puis une expansion, puis création de différents corps subtils. Aujourd’hui, l’humanité a tendance à quitter le
rythme essentiel de la vie, c’est-à-dire la voie. Le rythme
essentiel de la vie est celui de l’univers, comme la vitesse du
soleil qui se déplace dans le ciel au cours de la journée. Un
travail en osmose avec la nature est devenu plus compliqué. Mais le
travail méditatif, les arts corporels comme ceux mis au point par
les taoïstes, comme le Chi Kong ou le Taï Chi, permettent de relier
notre microcosme au cosmos. Si l’énergie coule abondamment en moi
par un travail énergétique, l’énergie se collecte. Mais en même
temps, avec d’autres exercices plus profonds, certaines méthodes,
les taoïstes ont constaté qu’il était possible de passer d’une
démarche de santé, de mieux-être, à des niveaux supérieurs de
développement spirituel. Les grands maîtres des arts martiaux
utilisent la puissance interne issue de ce travail. L’homme martial
suprême comprend que les techniques d’art martial ne sont rien, et
devient un homme spirituel. C’est cela, l’art suprême.


Vous parlez d’accumuler, de construire une énergie en faisant la distinction entre un niveau horizontal de bonne santé, et un niveau vertical d’ouverture à une autre dimension. Nous touchons
donc à la question d’affinement des énergies. Comment affiner ces
énergies ?


Par du Chi-Kong, de la méditation. Mais la question du terrain de départ se pose aussi : celui-ci peut ne pas être approprié et, en outre, il peut arriver des
accidents de vie. Certaines personnes sont aussi plus aptes que
d’autres, pour un métier, ou dans un domaine précis. Chacun vient
ici pour poursuivre son chemin, le chemin spirituel étant le chemin
essentiel. Mais notre structure dépend de chacun, de son propre
travail intérieur, de la pureté intérieure qui permet de capter
les énergies et leur permettre de circuler. Celui qui a fait un
travail très conséquent, guidé par des maîtres ou par sa propre
voie intérieure, voit apparaître en lui-même une compréhension.
Le maître extérieur conduit l’apprenti à se connecter avec son
propre maître intérieur, qui lui révèle avec le temps et le
travail, quand le moment est venu, tous les secrets de la divinité
de l’homme. C’est un potentiel caché qui nécessite un retour de
l’individu sur lui-même pour que, au travers de l’opacité
intérieure, la lumière puisse filtrer. Et le travail intérieur, de
méditation, de Taï-Chi, de Chi-Kong est une voie d’excellence
pour cela. L’acupuncture, le massage, peuvent aussi aider à une
ouverture plus rapide vers les plans spirituels. L’acupuncture
notamment est un moyen excellent non seulement pour le rétablissement
de la santé, mais aussi sur le développement spirituel. Elle
contribue à l’achèvement de cette œuvre sacrée.


L’acupuncture pourrait donc aider un individu sur une voie à finalité spirituelle si la personne est déjà en chemin, qu’elle se trouve dans une démarche de connaissance de soi.


Oui, le désir est très important. Un désir sincère, authentique. Mais celui qui pratique l’acupuncture dans cette direction doit bien sûr avoir parcouru la voie, et
explorer profondément ce domaine. Là, ayant l’expérience, ayant
vu, ressenti, il peut aider les autres. Sinon, son action reste sur
le plan ordinaire, celui corporel, de la santé. Dans un travail
spirituel, l’éveil de l’instrument est fondamental, c’est-à-dire
l’éveil de son propre corps et de son propre esprit. Le corps est
lié à l’esprit, et l’esprit est le cœur. Comment les pensées
sont-elles orientées ? Comment une personne s’exprime-t-elle
dans la vie ? Dans quel domaine ? Comment se perçoit-elle,
et comment perçoit-elle le monde ? Comment le trésor divin de
l’énergie est-il utilisé ? Maintenant, il arrive que malgré
de belles idées, un cœur lumineux, quelque chose bloque au niveau
énergétique et rende impossible l’éveil. Le travail sur soi peut
être accompli avec une méthode juste et un état d’esprit juste,
qui permettent au moins de dégager quelques blocages au niveau où
l’on se trouve, mais les gros blocages nécessitent d’autres
moyens. Dans ce cas, l’acupuncture peut fortement aider, si l’on
bénéficie de l’aide de quelqu’un qui connaît ce travail. En
effet, la connaissance ne se fait pas à travers des livres, ou des
ouies-dires. La connaissance vient du vécu. Celui qui a vécu sait,
car son maître intérieur lui révèle : c’est la vraie
connaissance. La qualité de massage ou d’acupuncture est alors
différente car l’alchimie interne du praticien est transformée,
affinée. Il peut faire bouger des énergies vibratoires inférieures
à la sienne. C’est pourquoi sa présence peut déjà créer un
effet, comme se sentir bien par exemple. Un tel acupuncteur peut
aider cette personne à désentraver son corps, à le renouveler
énergétiquement par l’ouverture. A ce moment-là, une grande
quantité d’énergie vient, avec en plus la qualité. Les corps
subtils peuvent alors se former, et le moment venu, l’éveil se
produit. Il devient un homme relié : ciel, terre, homme.


Dans le travail sur soi, la dimension du sentir et du ressentir est fondamentale. La démarche de se sentir consciemment peut-elle se limiter à quelques instants d’exercices spécifiques dans un
jardin ou chez soi ?


Pour quelqu’un qui débute, oui. Mais pour celui qui est engagé dans la voie et souhaite développer sa vie spirituelle, non. Mais cela dépend encore une fois du désir et
de l’engagement dans cette voie. C’est très proportionnel. Mais
une fois goûté l’élixir, nous avons envie d’être servi à
nouveau, de prolonger la durée du bonheur intérieur. On passe d’un
durée de dix minutes pendant des exercices, à vingt minutes, puis
cela envahit la journée et tous nos actes, partout et en tout temps,
jusque dans les toilettes. C’est une conscience qui habite son
corps, et se développe au fil du temps, pas à pas. La qualité de
l’énergie se fait avec le temps. La quantité peut être donnée
dès le départ. Si l’homme utilise son instrument corporel
correctement, sans abus, sans accident, sa structure corporelle
permet la captation énergétique et le travail permet l’affinement.
Les énergies retrouvent leur place juste, et les corps subtils se
forment, depuis les énergies grossières aux plus subtiles. A chaque
instant, l’énergie primordiale de l’univers, l’onde cosmique,
dans son esprit et dans son corps, devient une réalité ressentie.
Notre intérieur profond et notre extérieur baignent dans la même
énergie. Ce n’est plus une idée, c’est une réalité ressentie.


Il était question précédemment de voix intérieure. Encore faut-il être disponible à l’entendre. Il peut y avoir confusion entre la voix intérieure et celle de sa propre vanité. Comment
arriver à discriminer voix intérieure et vois de l’ego ?


C’est cela le travail. Quelque part, nous savons. Le désir peut être égotique, ou au contraire révélé naturellement. Le désir naturel, non égotique, « bouge »
tout seul, c’est comme un double. Nous avons tous la capacité
d’entendre la voie intérieure. Par exemple, dans un moment de
danger, une voie intérieure nous arrête et, penchant la tête, nous
voyons un précipice. C’est souvent dans de tels moments que la
vraie voix sort. Les deux natures que tous nous portons en nous
commencent à devenir plus claires, à se séparer, à être
discriminées. Nous voyons alors plus clairement la dimension du
travail intérieur, qui est recherche du non-être, celle de
retourner à l’origine de la vie, sans verbe, sans pensée. Dans
la recherche de vivre dans cette compréhension, par un travail
continu et constant, nous nous épurons pas à pas.


Beaucoup de chercheurs comprennent que le travail sur soi peut leur permettre de discriminer leurs deux natures, mais dans le concret, cela reste au niveau conceptuel.


Certains sont venus sur terre avec cette disponibilité, d’autres moins. Nous revenons au terrain de départ. Mais rien n’est définitif. On peut avoir des facilités
en ce domaine, mais les brouiller par des désirs de vie tournée
vers le monde des sens. Celui qui au départ a peu de disponibilité
intérieure peut aussi, du fait d’une rencontre ou de certaines
circonstances, découvrir le sens de sa vie et marcher dans la voie.
Rien n’est définitif, les jeux ne sont pas faits d’avance sur le
destin de chacun. Il y a seulement pour chacun à construire, avec le
désir de continuer. Mais ce désir non plus n’est pas scellé, il
peut bouger selon les circonstances. Il peut devenir flottant. Voilà
les moments difficiles ! Et c’est en même temps le meilleur
moment de travailler sur soi. C’est à la personne de vérifier la
démarche qu’il a entreprise : lui a-t-elle vraiment apporté
des instants de joie, un mieux-être, ou n’était-ce que du vent ?
Le chemin se dessine toujours sous nos pas, et c’est le chemin
lui-même qui fait quitter le plan conceptuel.


Pour revenir à la question de quantité et de qualité, on peut voir dans des lieux de développement personnel, que les énergies mises en jeu servent à se gonfler. Cette énergie est récupérée
par l’ego, elle vient renforcer la confusion intérieure. Au lieu
d’aller comme le sabre dans le sens de la discrimination entre le
vrai et le faux, cette énergie sert plutôt à renforcer une image
de soi. Comment éviter ce piège ?


Si j’acquière de l’énergie, je constate que mon imagination utilise cette énergie. La vanité me pousse aussi à aller plus loin dans ce travail. Comment percer
l’image qui gonfle en soi et à laquelle on adhère ? Lorsque
l’on s’entraîne de façon juste, la puissance énergétique que
l’on ressent est inévitable. Nous pouvons nous complaire
dedans, nous flatter nous-même, et attendre la considération des
autres. C’est sûrement inévitable. Mais, si l’on est sincère,
ceci ne dure qu’un temps. En outre, nous travaillons car, à chaque
fois, nous nous connectons à quelque chose de plaisant dans notre
corps qui dépasse les flatteries, et motive à travailler encore. La
recherche est celle d’être avec soi-même. C’est donc encore une
fois la question de la sincérité, de l’authenticité. Quelle est
ma motivation de départ pour faire ce travail, pour collecter les
énergies ? Pour les collecter, il faut transpirer. Quel est
donc mon état d’esprit initial ? Est-ce constituer une image,
que les gens m’adorent et tombent sous mon pouvoir ? Est-ce
pour adorer ma propre image ? C’est la construction d’un
personnage. Se tromper et tromper les autres. Dans un travail
spirituel constructif, ce gente de motivation et d’état d’esprit
pour capter les énergies s’effondre de lui-même.


L’état plaisant qui vient de la connection avec une énergie qui nous dépasse n’est-il pas un des pièges de l’ego, un attachement à la forme ? En effet, sans y prendre garde, je
m’attache à cet état plaisant, qui est une forme pensée. Un
« je » apprécie cet état.


Tout à fait. Mais ce genre de motivation est déjà plus pure. Qu’y a-t-il de nuisible de se sentir bien dans son corps, et retrouver certaines sensations de
bien-être. Mais rechercher le vide total tel que le mot le prétend
est un degré avancé de travail spirituel. Réellement être là,
dans le vide, sans désir. C’est en effet vers quoi l’on doit
tendre, et alors rentrer dans le non-attachement. Mais, me
semble-t-il, l’homme de base a forcément une motivation pour tous
ses actes. Je ne peux blâmer quelqu’un qui, par son travail sur
lui-même, recherche à être bien avec lui-même. Il faut de toute
façon passer par là. C’est une étape à laquelle nul n’échappe.
La vacuité est une étape ultérieure du travail.


Dans un travail corporel, basé sur le ressenti, on constate que la conscience du corps fait ressortir la mécanicité de la pensée, qui pense toute seule.


Les pensées sont autonomes, mais sur le fond nous n’y sommes pas attachés. Les pensées nous traversent. Je continue mes actions avec le corps, ramenant sans
cesse mon esprit dans le présent, dans l’acte. Et petit à petit,
il y aune canalisation, avec le temps, avec le travail. Petit à
petit, le mental se vide. Corps, âme, esprit, rentrent dans une
dimension de vacuité. C’est la direction dans laquelle travailler.
Laisser les phénomènes. Si je suis agité en pensées, en émotions,
il y a une raison. Pendant l’exercice, il ne fait pas chercher la
raison, il faut vivre, laisser se détacher ces émotions, ces
visions. Si je vois apparaître des visages pendant l’exercice, je
crois à ces images qui ne sont que des illusions. Pourquoi leur
accorder une émotion, donc une énergie ? Je leur permets ainsi
de se concrétiser. Mais non, je laisse les choses se faire. Ce qui
compte, c’est ce que je suis en train de vivre, pourquoi je suis
ici. De tout mon être, avec ma sincérité, je vis le moment
présent. Le reste est secondaire. Rester dans l’essentiel. Petit à
petit, les perturbations diminuent et finissent par disparaître, et
la compréhension de la voie descend en nous.


Paru dans la Revue 3e millénaire numéro 82 : « L’énergie, du corps à la conscience », www.revue3emillenaire.com


Man Yan Hor est moine taoiste formes aux techniques de Qi Gong et Taï Chi Chuan depuis 20 ans . Il est également praticien en acupuncture et massage taoiste (chi nei tsang).

Site internet : http://www.tiindeyan.com




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