L'amour.
Jiddu Krishnamurti (1895 - 1986)

Question : Il y a l'objet vers lequel l'amour est orienté. Y a-t-il dualité dans l'amour?

...

Krishnamurti :

L'amour n'est orienté vers rien, monsieur ; les rayons du soleil ne sont pas orientés vers vous ou moi: ils sont là, c'est tout.

L'observateur et l'objet observé, l'idée et l'action, « ce qui est » et « ce qui devrait être » - il y a bien là une dualité, les deux pôles contraires de la dualité, le désir de faire coïncider ces pôles: nous sommes là dans le cadre du conflit opposant les deux pôles.

Là s'étend tout le périmètre du temps. Ce n'est pas dans cet esprit-là que l'on peut parvenir à savoir ou à découvrir si le temps existe ou s'il n'existe pas.

Comment faire pour écarter tous ces obstacles? Il ne s'agit pas de demander « comment », de chercher un système, une méthode, car dès lors qu'on applique une méthode, on se retrouve de nouveau dans le périmètre du temps.

Le problème est donc le suivant: est-il possible d'échapper à tout cela, d'un seul bond?

On ne peut pas y arriver progressivement, parce que, là encore, cela implique le temps.

L'esprit peut-il donc effacer son conditionnement, sans faire intervenir du temps, mais en passant par la perception directe? Ce qui signifie que l'esprit doive forcément percevoir aussi bien le faux que le vrai.

Lorsque l'esprit dit: « Je dois découvrir cette chose qui est éternelle », cette question ne peut que rester sans réponse pour l'esprit qui est impliqué dans le temps. Mais l'esprit, bien qu'il découle du temps, peut-il s'effacer lui-même - pas grâce à l'effort, ni à la discipline?

L'esprit peut-il tout effacer, sans aucun motif? S'il a un mobile, alors on se retrouve une fois de plus dans le cadre du temps.

Il vous faut donc commencer par vous enquérir de ce qu'est l'amour, par la « négative », ainsi que je l'ai déjà expliqué. Il va de soi que l'amour, s'il a un mobile, n'est pas l'amour.

Lorsque j'offre une grosse guirlande de fleurs à un homme important parce que j'attends quelque chose de lui, par exemple un emploi, est-ce du respect, ou en réalité de l'irrespect?

Celui qui ignore l'irrespect est spontanément respectueux. Son esprit est en état de « négation » - une négation qui n'est pas le contraire du positif, mais qui consiste à voir le faux pour ce qu'il est, et à l'éliminer en tant que tel -, cet esprit-là est apte à s'enquérir.

Lorsque l'esprit a pleinement compris que, quoi qu'il fasse, jamais le temps ne lui fera découvrir cet insondable ultime, le « tout autre », c'est alors qu'advient le « tout autre ».

C'est quelque chose de bien plus vaste que tout, sans limites, incommensurable ; c'est une énergie qui n'a ni commencement ni fin.

On ne peut pas l'atteindre, nul esprit ne peut l'atteindre, il n'a qu'à « être », et c'est tout. Nous devons nous préoccuper uniquement d'effacer le contenu de l'esprit - si possible complètement - mais pas progressivement. C'est cela, l'innocence.

Seul l'esprit innocent est en mesure de voir cette chose, cette chose extraordinaire, semblable à un fleuve.

Vous savez ce qu'est un fleuve? Avez-vous jamais observé un fleuve, l'avez-vous jamais descendu, remonté en bateau, traversé à la nage? C'est tellement magnifique! Le fleuve commence sans doute quelque part, et il finit sans doute quelque part, mais sa source, son commencement, ce n'est pas le fleuve, et son embouchure, sa fin, ce n'est pas non plus le fleuve. Le fleuve, c'est ce qui se trouve entre les deux ; il traverse des villages ; il attire tout à lui ; il traverse des villes, toutes polluées par des produits chimiques nocifs ; les ordures et l'eau des égouts s'y déversent ; et quelques kilomètres plus loin, i l s'est purifié: tel est le fleuve où tout vit - les poissons au fond de l'eau et, à la surface, l'homme qui s'abreuve de son eau. Tel est le fleuve ; mais derrière tout cela, il y a l'énorme pression de l'eau, et c'est ce processus d'auto-purification qui constitue le fleuve.

L'esprit innocent est semblable à cette énergie. Il n'a ni commencement ni fin. Il est Dieu - mais pas le Dieu des temples. Il n'y a ni commencement ni fin, donc le temps et l'éternité sont abolis. Et l'esprit ne peut pas y accéder.

L'esprit qui mesure en termes de temps doit s'effacer complètement et pénétrer au sein de cette chose sans la connaître ; car on ne peut pas la connaître, on ne peut pas la goûter: elle n'a ni couleur, ni espace, ni forme.

En tout cas pour celui qui vous parle, pas pour vous, car vous n'avez pas encore quitté l'autre état. Ne dites donc pas qu'un tel état existe - il ne peut s'agir que d'un faux état lorsque cette affirmation vient d'une personne sous influence.

Il n'y a qu'une seule chose à faire: sortir de votre état d'un seul coup, d'un bond, et alors vous saurez. Vous n'aurez même plus à savoir: vous ferez partie de cet état extraordinaire.

Extrait du compte rendu de la huitième causerie publique à Bombay, le 8 mars 1961, in Collected Works of J. Krishnamurti, vol. XII, Krishnamurti Foundation of America, 1992

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