les codes sociaux concernant l'usage du téléphone portable m'interrogent.

La plupart des codes sociaux fixent les lignes d'interdits propres à rendre la vie en société agréable à tous et permettre la compatibilité des activités.Mais parfois dans la liste des interdits s'en glissent subrepticement certains dont la validité n'est en rien aussi justifiée et repose sur des fondements sur lesquels on peut s'interroger

parmi ces codes celui d'éteindre les sonneries pendant les espaces de réunion, ce qui parait de toute évidence utile et courtois

dans la même ligne celui de ne pas pianoter en sms sous les tables durant les mêmes réunions afin de soutenir une écoute et participation attentive à l'objet de sa présence à la dite réunion.

on voit qu'au plus de l'Etat et de la représentativité de la nation cette deuxième part de l'interdit n'est souvent que de façade vu le comportement des députés et sénateurs durant les assemblées sensées conduire les affaires de l'état et démontrer par la représentativité (selon le niveau où on l'interprète) ce qui si ce n'est dirige, montre l'exemple à la nation

Un autre interdit passé comme us et coutumes m'interroge:,celui de devoir s'isoler pour répondre à un appel au prétexte que de converser avec un mobile donc e personne invisible soit inconvenant aux autres personnes alentours.

évidement tout dépend de la hauteur de ton avec laquelle on converse ainsi au téléphone, mais  le nombre de décibel émis n'est pas la seule réalité du dérangement , il y a aussi l'incohérence des propos puisque manque une part de l'échange.

il est ainsi tacitement contenu dans cet interdit que les passagers d'un train n'ont pas à être ennuyé avec les conversations téléphoniques des uns, idem dans d'autres espaces, salles d'attente, lieux publics.

l'autre jour un ami se saisi de son mobile et se détourne en se mettant à part pour téléphoner  et tenir sa conversation discrète sans requérir un instant le fait de me faire poireauter toute seule sur le trottoir pour passer son coup de fil urgent , dont je ressens en sus qu'il ne souhaitait pas partager la teneur. A cet instant je réalise que ce qui est le plus impoli est le fait de faire prévaloir l'urgence d'un coup de fil sur notre destination sans concertation.

hier dans une salle d'attente deux dames discutent pendant que je lis une revue et qu'une jeune fille se déplace dans le couloir pour répondre à son mobile. observant la scène, je me dis que la conversation unilatérale de la jeune fille n'offrait pas plus de gène que celle des dames.

la raison primaire de cette règle tacite serait donc moins la gène que l'on procure à d'autre que celle d'être entendu, et donc de définir une priorité de protection de l'intimité téléphonique sur la vie en société avec les personnes présentes.

le code de conduite des usages du mobile définit ainsi un espace ( la bulle de télécommunication entre le détenteur du mobile et son interlocuteur éloigné) comme un espace privé qui impose son existence par le biais du code et transpose la règle en changeant l'ordre des prévalences.

Normalement un interdit protège une situation ou le groupe , dans ce cas le code offre aussi une protection induite et une valeur induite à l'espace de conversation mobile. Celui qui téléphone a le droit à un espace spécifique du seul fait qu'il téléphone.

et cet espace s'autocrée comme on ouvre une fenêtre sur un écran.

mais la vie en société est-elle un écran média?

Dans la situation de la salle d'attente, quelle différence entre la discussion entre deux dames et la conversation de la jeune fille pour moi lisant une revue? aucune en fait si ce n'est l'absence de l'interlocuteur de la jeune fille et le fait que du coup,les paroles prennent une tournure parfois absurde rigolotte et peuvent prêter à observer la situation avec humour, donc gêne pour celui qui la tient.

ce code nouveau des us et coutumes du portable protège de quoi et qui en fait?

de la curiosité? , de l'impact de paroles lancées en l'air sans cohérence apparente? du trouble apporté au silence?

en reprenant l'espace du train nous avons donc un rassemblement de gens dans un espace public qui affirme par ses codes que l'isolement est la norme.

les uns dans un espace dévolu à l'usage du mobile les autres chacun sur leur siège, parfois avec des écouteurs sur les oreilles, et  parfois même les yeux fermés, parce que le voyage serait propice plutôt à dormir qu'à se rencontrer et que ce sommeil même serait à respecter en priorité.

S'institue ainsi un univers codé où la conversation libre, le fait d'engager la conversation avec un inconnu commence par le franchissement d'une ligne rouge invisible.

l'implantation des bancs publics dans les parcs suit la même logique: des bancs fixes propices au repos et à la contemplation  avec deux bouts pour s'asseoir aux extrémités, mais jamais aucun vis à vis propre à engager à se regarder et communiquer.

le nombre des cafés au coin de la rue diminue. le nombre d'espace où les liens se sont pas soumis au péage d'une redevance ( club, association, abonnement ) pour avoir " droit de cité" comme l'entendait les grecs est en nette régression.

parler à un inconnu dans la rue est immédiatement suspecté d'une sorte de racolage ou mendicité

celui des forums internet augmente. chacun de son coté.

la multiplication des moyens de communication va de pair avec un appauvrissement relationnel.

on calcule le niveau d'isolement des individus entre le temps par semaine passé à avoir une conversation avec une personne réelle, et le nombre de ces conversations: de plus en plus de gens ne disposent pas d'1 heure de réelle conversation( autre que bonjour bonsoir et des échanges formels), ni de plus de 5 contacts par semaines ( autres que ceux liés au travail). ceci même au sein des familles où les repas se partagent de moins en moins et l'usage d'un média privatif amène chacun à regarder son programme à part des autres.

la notion d' "ensemble" évolue