« Ce sentiment qui accable l'âme s'appelle le sentiment d'exil. Et il est tout à fait indépendant des conditions extérieures, familiales, matérielles [...] Les êtres spirituels ressentent profondément qu'ils sont « étrangers et voyageurs sur la terre ». Le sentiment poignant d'être en exil ici-bas, beaucoup de philosophes de l'Antiquité grecque en témoignent. Par exemple, Pythagore au Vie siècle avant l'ère chrétienne, puis Empédocle d'Agrigente qui, au VIe siècle avant Jésus-Christ, se disait « un vagabond exilé des dieux », condamné à errer sur terre et contraint d'endosser « un vêtement de chair ». Précipité dans ce lieu terrestre où règnent la haine, la maladie et la mort, Empédocle confie :
... "Devant cette demeure inconnue à mon âme,
J'ai pleuré et j'ai sangloté."
Tous les platoniciens qui suivirent - à Alexandrie tel Plotin, en Perse tels Sohravardî et Rûzbehân, en Angleterre avec Shakespeare... - tous éprouvent le désir d'échapper à un monde trompeur et ressentent une incompatibilité entre une chair périssable et une âme immortelle. L'existence terrestre où beaucoup d'hommes se sentent à l'aise, les platoniciens la vivent comme une restriction, une attente, voire une maladie.
"Souvenez-vous que vous êtes en ce monde comme dans un exil ; il ne faut donc pas vouloir être comme dans sa patrie. "
Depuis l'avènement de la civilisation industrielle, avec le règne de l'argent qui s'étend à tous les pays occidentalisé, et face aux seules réalités physiques et sociales prises en compte, certains êtres se sentent encore plus inadaptés à ce monde que leurs prédécesseurs médiévaux où la dimension spirituelle était reconnue. »
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| Jacqueline KELEN, « La faim de l'âme », Ed. Presse de la Renaissance, Paris, 2002 ; 2011 pour l'avant-propos, p. 130, 131
trebolverde
Effectivement, je me reconnais très bien dans cette description et cette impression de ne rien avoir en commun avec ces humains sans sensibilité aucune et qui paraissent sans âme. Merci Sabine pour ce bel article...
21 avr. 2013