Article d'Anne - épanews2024-03-29T04:54:53ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphorehttps://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1544444843?profile=RESIZE_48X48&width=48&height=48&crop=1%3A1https://epanews.fr/profiles/blog/feed?user=2b5ujw22gsg0o&xn_auth=noLe débat sur l’énergie s’ouvre en oubliant le nucléaire et la baisse de la consommationtag:epanews.fr,2018-03-20:2485226:BlogPost:29438672018-03-20T16:08:48.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
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<div><img alt="Le débat sur l'énergie s'ouvre en oubliant le nucléaire et la baisse de la consommation " class="spip_logo spip_logos" height="405" src="https://reporterre.net/local/cache-vignettes/L720xH405/arton14321-b063b.jpg?1521450589" width="720"></img></div>
<div><div class="chapo"><div><p>Ce lundi 19 mars est lancé le débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (<span class="caps">PPE</span>), qui doit définir la politique énergétique de la France jusqu’en 2023. Mais les <span class="caps">ONG</span> alertent sur un débat biaisé qui escamote la question centrale de la sortie du nucléaire et oublie les scénarios de forte réduction de la consommation…</p>
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<div><img class="spip_logo spip_logos" alt="Le débat sur l'énergie s'ouvre en oubliant le nucléaire et la baisse de la consommation " src="https://reporterre.net/local/cache-vignettes/L720xH405/arton14321-b063b.jpg?1521450589" width="720" height="405"/></div>
<div><div class="chapo"><div><p>Ce lundi 19 mars est lancé le débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (<span class="caps">PPE</span>), qui doit définir la politique énergétique de la France jusqu’en 2023. Mais les <span class="caps">ONG</span> alertent sur un débat biaisé qui escamote la question centrale de la sortie du nucléaire et oublie les scénarios de forte réduction de la consommation énergétique.</p>
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<div class="texte"><div><p>Qu’est-ce que la programmation pluriannuelle de l’énergie<small class="fine"> </small>? Quelles seront les modalités de la consultation<small class="fine"> </small>? Va-t-on enfin se voir dessiner une stratégie de sortie du nucléaire<small class="fine"> </small>? Ce lundi 19 mars, alors que le débat public sur la politique énergétique de la France pour les cinq prochaines années vient d’être lancée, <i>Reporterre</i> fait le point.</p>
<h3 class="spip">Qu’est-ce que la programmation pluriannuelle de l’énergie (<span class="caps">PPE</span>)<small class="fine"> </small>?</h3>
<p>La <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000023983208&idArticle=LEGIARTI000023985882&dateTexte=&categorieLien=cid" class="spip_out" rel="external noopener" target="_blank"><strong>programmation pluriannuelle de l’énergie (<span class="caps">PPE</span>)</strong></a> est la feuille de route de la politique énergétique de la France, qui doit permettre, à terme, d’atteindre les objectifs fixés par la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000031044385&categorieLien=id" class="spip_out" rel="external noopener" target="_blank"><strong>loi sur la transition énergétique (<span class="caps">LTE</span>)</strong></a>. Les principaux objectifs inscrits dans cette loi sont : <br/><img src="https://reporterre.net/squelettes-dist/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-"/> La <strong>réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40<small class="fine"> </small>% en 2030</strong> par rapport à 1990 et la division par quatre les émissions de gaz à effet de serre en 2050 par rapport à 1990<small class="fine"> </small>; <br/><img src="https://reporterre.net/squelettes-dist/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-"/> La <strong>réduction de la consommation énergétique finale de 50<small class="fine"> </small>% en 2050</strong> par rapport à 2012, avec un objectif intermédiaire de 20<small class="fine"> </small>% en 2030<small class="fine"> </small>; <br/><img src="https://reporterre.net/squelettes-dist/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-"/> La <strong>hausse de la part des énergies renouvelables à 23<small class="fine"> </small>% de la consommation énergétique finale en 2020</strong> et à 32<small class="fine"> </small>% de cette consommation en 2030<small class="fine"> </small>; <br/><img src="https://reporterre.net/squelettes-dist/puce.gif" width="8" height="11" class="puce" alt="-"/> Et la <strong>réduction de la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50<small class="fine"> </small>% en 2025</strong>.<br class="autobr"/>La stratégie énergétique et les objectifs intermédiaires définis dans la <span class="caps">PPE</span> doivent être cohérents avec l’autre outil de mise en œuvre de la <span class="caps">LTE</span>, la <a href="https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006074220&idArticle=LEGIARTI000031055392&dateTexte=&categorieLien=cid" class="spip_out" rel="external noopener" target="_blank"><strong>stratégie bas-carbone</strong></a>.</p>
<p>La <span class="caps">PPE</span> actuellement en cours de préparation concernera les périodes 2019-2023 et 2024-2028. Sa version définitive doit être rendue publique fin 2018 sous forme de décret. Mais de nombreuses étapes jalonneront cette année : le débat public du 19 mars au 30 juin, la publication d’une première version du texte en juin, puis sa mise en consultation auprès de différentes organisations : Autorité environnementale, Conseil national de la transition écologique, Conseil supérieur de l’énergie, etc. Une nouvelle consultation publique à cette étape a également été annoncée par le cabinet du ministre de la Transition écologique et solidaire Nicolas Hulot, le 5 mars dernier.</p>
<h3 class="spip">Comment va se dérouler le premier débat public, du 19 mars au 30 juin<small class="fine"> </small>?</h3>
<p><span class="spip_document_20073 spip_documents spip_documents_center"><img src="https://reporterre.net/IMG/jpg/energy-1322816_960_720.jpg" width="1000" height="649" alt=""/></span></p>
<p>Ce débat public est censé aborder de nombreuses questions : l’état des lieux de la production et de la consommation d’énergie en France, la répartition des efforts de production d’énergie sur le territoire, l’évolution des mix énergétique et électrique, le rythme de déploiement des énergies renouvelables, la place du nucléaire, etc.</p>
<p>Plusieurs outils permettront de recueillir l’avis des Français. Au niveau national, une plate-forme contributive a été mise en ligne ce lundi 19 mars. <i>«<small class="fine"> </small>Nous attendons également plusieurs dizaines voire plusieurs centaines de cahiers d’acteurs : associations, entreprises, collectivités territoriales<small class="fine"> </small>»</i>, a indiqué à la presse le vice-président de la Commission nationale du débat public (<span class="caps">CNDP</span>) Jacques Archimbaud le 13 février dernier. Des ateliers d’information et d’autres de controverse, sur des sujets clivants comme la consommation d’énergie et le nucléaire, seront organisés. En plus de ces outils classiques, 400 personnes seront tirées au sort et chargées de suivre le débat à l’aide de lettres d’informations. <i>«<small class="fine"> </small>A son issue, elles s’exprimeront et voteront sur quatre ou cinq questions importantes<small class="fine"> </small>»</i>, a annoncé le vice-président de la <span class="caps">CNDP</span>. Par ailleurs, certains territoires emblématiques – agglomérations, <i>«<small class="fine"> </small>territoires intensifs en énergie<small class="fine"> </small>»</i>et/ou pollués <a href="https://reporterre.net/A-Fos-sur-Mer-la-sante-menacee-par-la-pollution-industrielle" class="spip_in">comme Fos-sur-Mer</a>, <i>«<small class="fine"> </small>territoires à énergie positive<small class="fine"> </small>»</i> comme Loos-en-Gohelle et certains départements ruraux – feront l’objet de consultations particulières. De même que certaines populations-cibles : jeunes, personnes en situation de précarité énergétique, agriculteurs, etc.</p>
<p>Sur le papier, tous les ingrédients semblent être réunis pour une consultation de qualité. Mais les <span class="caps">ONG</span> dénoncent un débat aux dés pipés, avec un dossier du maître d’ouvrage – pièce maîtresse du débat public censée apporter les données nécessaires aux discussions – biaisé et incomplet. Cet épais dossier, rédigé par le ministère de la Transition écologique et solidaire, <i>«<small class="fine"> </small>ne donne pas les éléments sur le nucléaire : acceptabilité pour les Français et les pays voisins des niveaux faramineux d’exportation d’électricité nucléaire prévus dans les scénarios retenus, quantité de déchets radioactifs produits dans ces scénarios, etc.<small class="fine"> </small>»</i>, a accusé Anne Bringault, coordinatrice sur la transition énergétique au Réseau pour la transition énergétique (Cler) et au Réseau Action Climat (Rac), lors d’une conférence de presse vendredi 15 mars. <i>«<small class="fine"> </small>Il manque des trajectoires sur la consommation d’électricité et le scénario de <span class="caps">RTE</span> qui prévoit la plus forte baisse de la consommation électrique a été écarté<small class="fine"> </small>»</i>, a renchéri Jean-David Abel, vice-président de France nature environnement (<span class="caps">FNE</span>).</p>
<dl class="spip_document_20075 spip_documents spip_documents_center">
<dt><a href="https://reporterre.net/IMG/pdf/dossier_du_maitre_d_ouvrage_pour_le_debat_public_sur_la_programmation_pluriannuelle_de_l_energie_ppe-2018_.pdf" title="PDF - 6.3 Mo" type="application/pdf"><img src="https://reporterre.net/plugins-dist/medias/prive/vignettes/pdf.png" width="52" height="52" alt=""/></a></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>Dossier du maître d’ouvrage pour le débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (<span class="caps">PPE</span>-2018)</strong></dt>
</dl>
<p>Pire : le premier jet de la <span class="caps">PPE</span> pourrait être dévoilé dès le mois de juin, avant la fin du débat public prévue le 30 juin. <i>«<small class="fine"> </small>Il serait paradoxal que le ministre de la Transition écologique et solidaire appelle un débat mais n’en attende pas la fin ni le compte-rendu<small class="fine"> </small>»</i>, a pointé M. Archimbaud. Une aberration du calendrier minimisée avec dédain par le cabinet du ministre de la Transition énergétique et solidaire : <i>«<small class="fine"> </small>Ce sera peut-être début juillet. Nous sommes très intéressés par ce débat mais nous ne savons pas si ce qui va se dire les quinze derniers jours sera très différent de ce qui se sera dit pendant un mois et demi.<small class="fine"> </small>»</i></p>
<h3 class="spip">Pourquoi le débat sur la consommation d’énergie s’annonce-t-il houleux<small class="fine"> </small>?</h3>
<p><span class="spip_document_20074 spip_documents spip_documents_center"><img src="https://reporterre.net/IMG/jpg/insulation-978999_960_720-2.jpg" width="1000" height="665" alt=""/></span></p>
<p>La <span class="caps">LTE</span> fixe l’objectif d’une baisse de la consommation énergétique finale de 20<small class="fine"> </small>% en 2030, par rapport à 2012. Pourtant, le dossier du maître d’ouvrage ne présente pas de scénario d’évolution de la consommation d’énergie, alors même qu’il s’agit d’une base indispensable à toute programmation et qu’un scénario de référence sur la consommation d’énergie a déjà été conçu pour la stratégie bas-carbone et la <span class="caps">PPE</span>. Il écarte aussi le scénario le plus ambitieux de <span class="caps">RTE</span> en matière de baisse de la consommation électrique – le scénario Watt, qui prévoit une baisse de 14<small class="fine"> </small>% de la demande d’électricité en 2035 par rapport à 2016. Un scénario de baisse n’a pourtant rien d’utopique : le 7 novembre, à l’occasion de la présentation de son <a href="http://www.rte-france.com/fr/article/bilan-previsionnel" class="spip_out" rel="external noopener" target="_blank">bilan prévisionnel 2017</a>, le président du directoire de <span class="caps">RTE</span>, François Brottes, indiquait que <i>«<small class="fine"> </small>pour la première fois, toutes les trajectoires de consommation stagnaient ou étaient en baisse<small class="fine"> </small>»</i>. Ceci malgré l’hypothèse lourde d’un parc de 5,5 à 15,6 millions de voitures électriques en 2035.</p>
<h3 class="spip">Peut-on attendre de la <span class="caps">PPE</span> une stratégie pour une sortie progressive du nucléaire<small class="fine"> </small>?</h3>
<p><span class="spip_document_20072 spip_documents spip_documents_center"><img src="https://reporterre.net/IMG/jpg/14804935150_35e239fc4a_b.jpg" width="1000" height="667" alt=""/></span></p>
<p>Une certitude : la liste de réacteurs à fermer avant 2025 ou 2028 n’est pas au programme de la <span class="caps">PPE</span>. <i>«<small class="fine"> </small>Il y aura sans doute une liste de critères sur lesquels on va fermer les réacteurs mais c’est difficile à dire pour le moment. Par contre, il n’y aura sans doute pas de noms de réacteurs<small class="fine"> </small>»</i>, a annoncé le cabinet de Nicolas Hulot le 5 mars. En déplacement à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire le 15 mars, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Transition écologique et solidaire Sébastien Lecornu a indiqué que <i>«<small class="fine"> </small>la <span class="caps">PPE</span> devrait cibler</i> a minima <i>un nombre de mégawatts<small class="fine"> </small>»</i>.</p>
<p>Reste à savoir si la <span class="caps">PPE</span> fixera une nouvelle date pour l’objectif de réduction de la part du nucléaire à 50<small class="fine"> </small>% du mix électrique, au lieu des 75<small class="fine"> </small>% actuels. <a href="https://reporterre.net/Le-gouvernement-ecarte-le-scenario-d-une-sortie-rapide-du-nucleaire" class="spip_in">Nicolas Hulot avait annoncé que cet objectif</a>, fixé à 2025 par la <span class="caps">LTE</span>, serait reporté au motif que les scénarios de <span class="caps">RTE</span> le disaient inaccessible à moins d’ouvrir de nouvelles centrales thermiques, et donc d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre. Les deux scénarios de sortie rapide du nucléaire Hertz et Watt ont d’ailleurs été délibérément exclus des discussions en atelier sur la <span class="caps">PPE</span> et du dossier du maître d’ouvrage. Et le cabinet du ministre n’a pas exclu de faire voter une nouvelle loi sur la transition énergétique, qui rendrait obsolète la <span class="caps">LTE</span> et son objectif de réduction de la part de l’énergie nucléaire d’ici 2025.</p>
<p>Pour les <span class="caps">ONG</span>, cette confiscation du débat sur la sortie du nucléaire est inacceptable. <i>«<small class="fine"> </small>Les scénarios de <span class="caps">RTE</span> retenus dans le dossier du maître d’ouvrage impliquent une prolongation de certains réacteurs au-delà de cinquante ans. Les problèmes de sûreté ne sont même pas évoqués, alors que les réacteurs vieillissent et que certains de leurs éléments, comme la cuve ou l’enceinte de confinement, ne sont ni réparables, ni remplaçables. Le problème de la production de nouveaux déchets radioactifs n’est pas évoqué non plus<small class="fine"> </small>»</i>, s’est insurgée Charlotte Mijeon, porte-parole du Réseau Sortir du nucléaire. Pourtant, les volumes de nouveaux déchets produits sont loin d’être négligeables, <a href="https://www.alternatives-economiques.fr/evolution-de-loffre-de-demande-delectricite-impacts-tres-differents-production-de-dechets-nucleaires-1503201883653.html" class="spip_out" rel="external noopener" target="_blank">jusqu’à 18.985 mètres cubes en 2035 si seuls neuf réacteurs étaient fermés</a>.</p>
<p>De plus, ces scénarios de maintien du nucléaire à des niveaux élevés reposent sur l’hypothèse d’une multiplication par 2,5 des exportations d’électricité nucléaire vers les pays voisins – 25 à 30<small class="fine"> </small>% de l’électricité produite seraient envoyée au-delà des frontières. Une hypothèse dénoncée comme hautement irréaliste par plusieurs experts énergétiques, comme Yves Marignac, directeur de <span class="caps">WISE</span>-Paris et porte-parole de l’association NégaWatt : <i>«<small class="fine"> </small>Aucun pays européen ne se projette dans un scénario énergétique dépendant du bon fonctionnement du parc nucléaire français pour son approvisionnement électrique.<small class="fine"> </small>»</i></p>
<p>Enfin, ce scénario de maintien du nucléaire à un niveau élevé s’annonce extrêmement coûteux. <i>«<small class="fine"> </small>Si l’on regarde les résultats financiers d’<span class="caps">EDF</span>, tous les voyants sont au rouge,</i> a alerté Alix Mazounie, chargé de campagne climat énergie à Greenpeace France. <i>Or, elle se trouve face à un mur d’investissements si elle veut prolonger ses réacteurs au-delà de leur limite d’âge de 40 ans.<small class="fine"> </small>»</i> Fin 2014, la Cour des comptes évaluait le coût de l’énergie nucléaire à 62,2 euros le mégawattheure (MWh). Les associations, elles, l’évaluent à 67,7 euros en tenant compte des nombreux arrêts de tranches et de la baisse de production d’électricité nucléaire. <i>«<small class="fine"> </small>En face, le coût des énergies renouvelables ne fait que baisser, à 65 euros le mégawattheure pour l’éolien terrestre et 62 euros pour le photovoltaïque<small class="fine"> </small>»</i>, a indiqué M. Abel.</p>
<p>Face à ces dérobades gouvernementales, les associations sont déterminées à relancer le débat. <i>«<small class="fine"> </small>On peut imaginer que le gouvernement n’a pas très envie d’écouter ce débat. Mais si ce dernier prend de l’ampleur, il sera de plus en plus difficile pour le gouvernement de l’ignorer<small class="fine"> </small>»</i>, a conclu M<sup class="typo_exposants">me</sup> Bringault.</p>
<p></p>
<p><a href="https://reporterre.net/Le-debat-sur-l-energie-s-ouvre-en-oubliant-le-nucleaire-et-la-baisse-de-la">https://reporterre.net/Le-debat-sur-l-energie-s-ouvre-en-oubliant-le-nucleaire-et-la-baisse-de-la</a></p>
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</div>Le nucléaire n'est pas une énergie démocratiquetag:epanews.fr,2018-03-16:2485226:BlogPost:29429402018-03-16T15:22:44.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><b>Jusqu’au 18 mars est organisée une votation sur le nucléaire. La porte-parole de cette campagne, la députée Mathilde Panot, explique dans cette tribune pourquoi il faut, selon elle, que les citoyens se mêlent des choix énergétiques.</b></p>
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<dl class="spip_document_20063 spip_documents spip_documents_center">
<dt><img alt="" class="align-center" height="250" src="https://reporterre.net/IMG/jpg/arton12945-b65c6.jpg" width="375"></img></dt>
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<p>L’introduction des technologies énergétiques n’a jamais fait l’objet de débats démocratiques. Ils ont systématiquement été…</p>
<p><b>Jusqu’au 18 mars est organisée une votation sur le nucléaire. La porte-parole de cette campagne, la députée Mathilde Panot, explique dans cette tribune pourquoi il faut, selon elle, que les citoyens se mêlent des choix énergétiques.</b></p>
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<dl class="spip_document_20063 spip_documents spip_documents_center">
<dt><img src="https://reporterre.net/IMG/jpg/arton12945-b65c6.jpg" width="375" height="250" alt="" class="align-center"/></dt>
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<p>L’introduction des technologies énergétiques n’a jamais fait l’objet de débats démocratiques. Ils ont systématiquement été décidés dans des conseils d’administration ou des couloirs ministériels. Pourquoi la machine à vapeur (à base de charbon) a-t-elle remplacé le moulin à eau au <span class="caps">XVIII</span><sup class="typo_exposants">e</sup> siècle<small class="fine"> </small>? Pour s’implanter dans les villes, loin des rivières, et pouvoir bloquer les grèves en déménageant lorsque les ouvriers protestaient contre leurs conditions de vie<small class="fine"> </small>! Les choix d’énergie sont des choix politiques. Lorsqu’ils sont abandonnés à l’oligarchie, ils sont toujours utilisés contre nous.</p>
<p>Les modes de production et de distribution de l’énergie touchent à tous les aspects de notre vie. La démocratie consiste à obtenir les informations, y compris les analyses contradictoires, et à prendre des décisions collectives. Aucune de ces conditions n’est réunie dans le champ énergétique français. Dans la filière nucléaire, le secret est de mise. Ou bien les autorités mentent sciemment aux Français (<i>«<small class="fine"> </small>le nuage qui n’a pas dépassé la frontière<small class="fine"> </small>»</i> au moment de Tchernobyl…), ou bien les informations ne sont pas rendues publiques (l’état de la sécurité des centrales, la santé des sous-traitants, la contamination radioactive des territoires lors des incidents réguliers…). De plus, les engagements politiques sont systématiquement trahis sous le poids du lobby nucléocrate. Déjà en 1981, le Parti socialiste avait promis un référendum sur le nucléaire. En 2012, François Hollande s’était engagé à fermer Fessenheim. À chaque fois, des paroles en l’air. Emmanuel Macron continue à s’entêter dans cette énergie avec la trahison de la baisse de la part du nucléaire pourtant votée à l’Assemblée, la livraison de <a href="https://reporterre.net/La-centrale-indienne-de-tous-les-dangers" class="spip_in">six <span class="caps">EPR</span> à l’Inde à construire sur une zone sismique</a> ou encore <a href="https://reporterre.net/Le-gouvernement-a-evacue-les-antinucleaires-du-bois-Lejus-pres-de-Bure" class="spip_in">la répression des lanceurs d’alerte à Bure</a> ou <a href="https://reporterre.net/Les-lanceurs-d-alerte-de-Greenpeace-severement-condamnes-par-la-justice" class="spip_in">de Greenpeace</a>.</p>
<h3 class="spip">La démocratie énergétique mobilise au premier chef les salariés du secteur </h3>
<p>Face à cette omerta, qui connaît ses droits<small class="fine"> </small>? Combien de citoyens en zone potentielle d’irradiation disposent de l’iode nécessaire et ont été formés à une évacuation<small class="fine"> </small>? Presque personne. Car cela concerne (au moins) les deux tiers de Français qui habitent à moins de 100 kilomètres d’un réacteur<small class="fine"> </small>! Qui sait qu’en cas d’accident, les Conventions de Paris et de Vienne exonèrent les exploitants de toute responsabilité<small class="fine"> </small>? <span class="caps">EDF</span> ne devrait verser que 91 millions d’euros si un de ses réacteurs connaissait un accident grave. Soit 0,4<small class="fine"> </small>% du prix d’une catastrophe comme Fukushima. Le reste, à la charge des contribuables<small class="fine"> </small>! Mais, partout, on nous répète que l’accident est impossible<small class="fine"> </small>!</p>
<p>Alors que le nucléaire devient l’énergie la plus chère, à des prix exorbitants par rapport aux renouvelables, il est urgent d’ouvrir le débat de notre avenir. Des centaines de milliers de Français ne parviennent pas à s’acquitter de leurs factures chaque année. Ils doivent avoir voix au chapitre, pour exiger une baisse du prix de l’énergie et une tarification progressive pour surtaxer les consommations excessives et somptuaires. D’autant plus qu’en France, ce sont les riches qui polluent le plus, et les pauvres ou les classes moyennes qui s’acquittent de la facture.</p>
<p>La démocratie énergétique mobilise au premier chef les salariés du secteur. Aujourd’hui, les 30.000 sous-traitants du nucléaire sont bâillonnés. Ils sont envoyés absorber leurs doses de radioactivité annuelles, avec pour seul droit de se taire… et de se battre en solitaire lorsqu’un cancer est détecté. Il faut lutter pour une seule grande convention collective et des statuts réguliers, qui permettent à un travailleur qui a fait une erreur de la signaler sans risque d’être licencié<small class="fine"> </small>! L’absence de démocratie au travail menace les salariés et toute la population qui dépend de leurs signalements au bon moment.</p>
<h3 class="spip">Conquérir notre indépendance vis-à-vis des gouvernements étrangers et des marchands mondiaux </h3>
<p>Aujourd’hui, nous ne sommes pas libres de nos décisions énergétiques. Nous subissons deux influences. D’abord, la nécessité de protéger des voies d’approvisionnement, sans lesquelles nos industries s’écrouleraient. Dans le cas du nucléaire, il s’agit bien sûr de l’uranium. Il vient du Kazakhstan, où le dictateur sanguinaire est traité avec tous les honneurs du monde par la France, ou bien du Niger, à la frontière duquel nous avons projeté une force militaire, afin de sécuriser les mines régulièrement attaquées. La seconde menace pour notre indépendance prend la forme des cours boursiers. La mise sur le marché des matières premières et des combustibles nous rend dépendants de la moindre crise spéculative. Il faut conquérir notre indépendance vis-à-vis des gouvernements étrangers et des marchands mondiaux. Cela tombe bien : en France, nous avons de l’eau, du soleil et du vent, à prix zéro<small class="fine"> </small>!</p>
<p>Le passage aux énergies renouvelables est donc un gage démocratique. Il permet en effet de se réapproprier les moyens de production avec des coopératives locales de production. C’est pourquoi la France insoumise a décidé de mener une campagne de conviction pour demander une décision politique immédiate pour planifier la sortie du nucléaire qui empêche le développement des énergies renouvelables et invite jusqu’au 18 mars les Français et Françaises à s’exprimer sur leur avenir énergétique sur le site <a href="http://nucleaire.vote/" class="spip_out" rel="external noopener" target="_blank">dédié</a>. L’énergie est un sujet politique. Il est temps de tourner la page du passé de l’atome et de construire le futur du 100<small class="fine"> </small>% renouvelable.</p>
<p></p>
<p><i>Mathilde Panot est députée de la France insoumise du Val-de-Marne. Elle est porte-parole de <a href="http://nucleaire.vote/" class="spip_out" rel="external noopener" target="_blank">la campagne pour la sortie du nucléaire</a> lancée par son parti.</i></p>
<p></p>
<p><i><a href="https://reporterre.net/Le-nucleaire-n-est-pas-une-energie-democratique">https://reporterre.net/Le-nucleaire-n-est-pas-une-energie-democratique</a></i></p>Fukushima, triste anniversairetag:epanews.fr,2018-03-15:2485226:BlogPost:29423722018-03-15T15:34:50.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
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<p><img alt="" class="topimage" src="https://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH380/danger_nucleaire_en_30_ans-c28d3.jpg" width="300"></img></p>
<p align="center"><strong>Voilà déjà 7 longues années que la pire des catastrophes nucléaire s’est produite, le 11 mars 2011, à Fukushima, au Japon... Tepco tentant tout d’abord, pendant de longues semaines, de cacher la triste vérité.</strong></p>
<p>Sans doute porté par une prémonition, j’écrivais, dans un article intitulé « <a href="https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/tchernobyl-drole-d-anniversaire-90438">Tchernobyl, drôle d’anniversaire</a>, :…</p>
<p></p>
<p><img class="topimage" src="https://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH380/danger_nucleaire_en_30_ans-c28d3.jpg" width="300" alt=""/></p>
<p align="center"><strong>Voilà déjà 7 longues années que la pire des catastrophes nucléaire s’est produite, le 11 mars 2011, à Fukushima, au Japon... Tepco tentant tout d’abord, pendant de longues semaines, de cacher la triste vérité.</strong></p>
<p>Sans doute porté par une prémonition, j’écrivais, dans un article intitulé « <a href="https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/tchernobyl-drole-d-anniversaire-90438">Tchernobyl, drôle d’anniversaire</a>, : « <strong><em>Si les manœuvres désespérées pour refroidir le réacteur échouent, on aura comme à Tchernobyl fusion du cœur, explosion, et dissémination dans l’atmosphère de particules radioactives, qui, portées par les vents, viendront polluer nos poumons et le sol, au gré des pluies </em></strong> »... une demi-heure après avoir écrit ces lignes, la fusion des réacteurs était devenue réalité.</p>
<p>Il est intéressant de relire les commentaires de quelques nucléocrates, qui, jusqu’au bout, tenteront de minimiser la situation, et j’attends encore leurs plus plates excuses...</p>
<p>Mais où en sommes-nous aujourd’hui ?</p>
<p>De multiples problèmes ne sont toujours pas résolus... l’eau contaminée s’accumule, une partie à rejoint l’océan, avec les dommages que l’on peut imaginer, car, selon la règle du plus gros mangeant le plus petit, les premiers ont accumulé des doses radioactives posant un vrai problème de santé à ceux qui vont s’aventurer à les consommer.</p>
<p><span class="spip_document_209719 spip_documents spip_documents_center"><a href="https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2017/07/30/carte-nucleaire-fukushima.jpg?width=426&height=212&width_format=pixel&height_format=pixel" rel="nofollow" class="noborder"><img src="https://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L620xH308/carte_deversements_fukushima-b2e20.jpg" width="620" height="308" alt=""/></a></span></p>
<p>Cette image montre la quantité de déversements déjà effectués.</p>
<p>La contamination de la chaine alimentaire ne cesse de causer des dommages, et on trouve <u>40% d’espèces impropres à la consommation</u>, selon les normes japonaises qui ont déjà été baissées. <a href="https://blogs.mediapart.fr/danivance/blog/300717/la-catastrophe-de-fukushima-n-est-toujours-pas-terminee" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Le consommateur a pris conscience du danger, et malgré les propos rassurant des laboratoires japonais, lesquels affirment que la contamination des poissons ne dépasse pas les normes, les poissons ne se vendent pas très bien, c’est le moins qu’on puisse dire. <a href="https://www.lesechos.fr/industrie-services/conso-distribution/0301420832597-dans-les-ports-de-fukushima-la-malediction-de-la-rumeur-2160071.php" rel="nofollow">lien</a></p>
<p><span class="spip_document_209718 spip_documents spip_documents_center"><a href="http://www.sortirdunucleaire.org/IMG/jpg/chaine_alimentaire_contaminee-58706.jpg" rel="nofollow" class="noborder"><img src="https://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L580xH187/chaine_alimentaire_contaminee_fukushima-ef978.jpg" width="580" height="187" alt=""/></a></span></p>
<p>D’ailleurs d’autres constats sont encore moins rassurants.</p>
<p>Ainsi, des scientifiques ont constaté, dès le mois de <strong>juin 2015</strong>, une élévation de la radioactivité sur la <strong>Côte Ouest</strong> des <strong>Etats-Unis</strong>, notamment en <strong>Césium 137</strong>, et en <strong>Strontium 90</strong>, ce dernier capable de provoquer des cancers des os, et du sang.</p>
<p>Extrait : « <strong><em>les radiations dans le poisson sont si terribles que le poisson sauvage pêché en Alaska, le Hareng du Pacifique, et le poisson blanc Canadien ont été trouvé en sang, avec des tumeurs cancéreuses tout au long du corps </em></strong> ». <a href="http://www.finalscape.com/alimentation-vous-mangez-des-radiations-de-fukushima-tumeurs-cancereuses-sanglantes-dans-les-poissons-et-les-crustaces/" rel="nofollow">lien</a></p>
<p><span class="spip_document_209720 spip_documents spip_documents_center"><a href="http://www.finalscape.com/wp-content/uploads/2017/03/fukushima.jpg" rel="nofollow" class="noborder"><img src="https://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L560xH292/poisson_contamine-e25c5.jpg" width="560" height="292" alt=""/></a></span></p>
<p>Un groupe d’étude s’est occupé de la question, et <strong>Nicolas Fisher</strong>, de l’Université <strong>Stony Brooks</strong> (état de New York) confirme la présence de césium <strong>134</strong> et de césium <strong>137</strong>.</p>
<p><strong>Daniel Madigan</strong>, l’écologiste qui a dirigé l’étude affirme : « <strong><em>le thon emmagasine le maximum de radiation et l’apporte à travers le plus grand océan du monde. Nous étions vraiment surpris de voir cela dans son ensemble et encore plus surpris de voir le taux mesuré dans chacun des poissons</em></strong> ».</p>
<p>Pas étonnant dès lors que les japonais, et pas seulement eux, éprouvent quelque appréhension à consommer du thon, ce qui on s’en doute est dommageable au commerce japonais, et la situation ne risque pas de s’améliorer, vu que le césium <strong>137</strong> à une période (demi-vie) de <strong>30 ans</strong>, c’est dire qu’il va poser un problème pendant au moins un siècle... <a href="https://resistanceauthentique.net/2014/01/23/alerte-fukushima-les-thons-rouges-peches-en-californie-sont-radioactifs-ces-poissons-etranges-au-bout-de-lhamecon/" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Or les techniciens de <strong>Fukushima</strong>, au-delà de ce qui déjà été rejeté dans l’<strong>Océan</strong>, se trouvent devant un stock <u>d’un million de tonnes d’eau radioactive</u>, et ils ont le projet de le rejeter progressivement dans l’<strong>Océan</strong>, en assurant qu’ils pouvaient traiter cette eau, à part le <strong>Tritium</strong>. <a href="http://www.cnewsmatin.fr/monde/2018-03-02/le-japon-ne-sait-pas-quoi-faire-dun-million-de-tonnes-deau-radioactive-775796" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Encore faut-il que ce soit possible, car jusqu’à présent les tentatives de traitement de cette eau ont toutes échoué...</p>
<p>Areva avait en <strong>2014</strong> proposé un dispositif de décontamination, que <strong>Tepco</strong> a finalement décidé d’abandonner, vu le peu de résultats. <a href="https://blogs.mediapart.fr/edition/japon-un-seisme-mondial/article/130814/fukushima-tepco-abandonne-le-systeme-de-decontamination-dareva-sur-fond-de-c" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Quant aux robots divers et variés qui ont tenté d’intervenir pour au moins savoir l’état des fonds de cuve dévastés, le taux de radiation est si élevé qu’il empêche toute mission de longue durée, et a part les quelques images glanées récemment par l’un d’eux, avant de tomber en panne, on ne peut pas dire que les opérations aient été couronnées de succès. <a href="https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/nucleaire/fukushima-le-robot-sous-marin-mini-mambo-explore-le-3e-reacteur-noye-de-la-centrale_114925" rel="nofollow">lien</a></p>
<p><span class="spip_document_209721 spip_documents spip_documents_center"><a href="https://www.sciencesetavenir.fr/assets/img/2017/07/20/cover-r4x3w1000-5970aaf98fef1-170719-06.jpg" rel="nofollow" class="noborder"><img src="https://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L620xH464/image_prise_par_les_robots_fukushima-a40d9.jpg" width="620" height="464" alt=""/></a></span></p>
<p>Sur le chapitre des finances et des milliards déjà dépensés, tout comme ceux à venir, on atteint des sommets.</p>
<p>En octobre <strong>2016</strong>, une estimation très optimiste du démantèlement faite par les autorités japonaises dépassait <strong>17 milliards d’euros</strong>, contredisant celle de <strong>2014</strong>. <a href="http://www.leparisien.fr/tsunami-pacifique/fukushima-le-demantelement-coutera-plus-de-17-milliards-d-euros-25-10-2016-6249858.php" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>En effet, le gouvernement japonais l’avait déjà estimé à <strong>42 milliards d’euros</strong>, alors que <strong>Kenichi Oshima</strong>, professeur d’économie environnementale à l’<strong>Université Ritsumeikan</strong>avait multiplié par <strong>2</strong> le chiffre initial, soit <strong>80 milliards d’euros</strong>. <a href="https://www.latribune.fr/actualites/economie/international/20140827tribb735a0b20/la-catastrophe-de-fukushima-coutera-deux-fois-plus-cher-au-japon-que-prevu.html" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Depuis, les milliards ont fait des petits, car en ajoutant au prix du démantèlement celui du dédommagement des riverains et de la décontamination de l’environnement, la facture grimpe à <strong>170 milliards</strong>. <a href="https://www.20minutes.fr/monde/1972115-20161201-fukushima-cout-catastrophe-devrait-depasser-170-milliards-euros" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Et encore faudrait-il que la décontamination soit possible...</p>
<p>Pas étonnant dès lors que, contre l’avis du premier ministre japonais, la très grande majorité des citoyens nippons ne veulent plus entendre parler du nucléaire.</p>
<p>La sortie du nucléaire n’est pas seulement demandée par le peuple, mais aussi par le prince <strong>Akishino</strong>, son épouse <strong>Kiko</strong>, appelant à manifester pour s’opposer à l’atome, soutenus par les anciens premiers ministres <strong>Junichiro Koizumi, Mohiriro Hosokawa</strong>, et même <strong>Naoto Kan</strong>, celui-là même qui dirigeait le pays au moment de la catastrophe. <a href="http://www.lemonde.fr/energies/article/2018/03/10/l-opposition-japonaise-se-mobilise-pour-la-sortie-du-nucleaire_5268778_1653054.html" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Et où en sommes-nous en <strong>France</strong> ?...</p>
<p>Les promesses du grenelle de l’environnement censées promouvoir le remplacement du nucléaire par les énergies propres ont fait long feu... <a href="https://www.infochretienne.com/cop-21-comment-remplacer-les-energies-fossiles-par-les-energies-renouvelables/" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Des <strong>EPR</strong> sont prévus pour remplacer les vieilles centrales, alors qu’ils ont couté au moins <strong>3 fois</strong> plus cher que prévu... celui de <strong>Flamanville</strong> est doté d’une cuve dont l’acier pose quelques problèmes, ce qui n’a pas empêché l’autorité de sécurité de le valider. <a href="https://www.asn.fr/Informer/Dossiers-pedagogiques/Anomalies-de-la-cuve-de-l-EPR-et-irregularites-usine-Creusot-Forge-de-Framatome" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Récemment, l’<strong>ASN</strong> (autorité de sureté nucléaire) a validé un générateur de vapeur défectueux à <strong>Fessenheim</strong>... alors que la centrale doit être bientôt fermée. <a href="http://www.sortirdunucleaire.org/Feu-vert-pour-le-generateur-de-vapeur-defectueux" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Ne parlons pas des autres vieilles centrales qui subissent des pannes à répétition, des fuites, équipées de tuyauteries rouillées... <a href="http://www.leparisien.fr/economie/nucleaire-des-reacteurs-menaces-par-la-rouille-17-10-2017-7336641.php" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>A <strong>Bugey</strong>, à <strong>30 km</strong> de <strong>Lyon</strong>, Une nouvelle fuite a été signalée le <strong>7 mars</strong><a href="http://www.leparisien.fr/societe/ain-la-centrale-nucleaire-du-bugey-accusee-de-fuites-de-tritium-07-03-2018-7595502.php" rel="nofollow">. lien</a></p>
<p>Ce qui fait dire à d’honorables responsables, qu’<u>un accident nucléaire grave n’est plus à écarter en <strong>France</strong></u>, le président de l’<strong>ANCCLI</strong> (association nationales des comités et commission locales d’information), <strong>Jean Claude Delalonde</strong> en l’occurrence, ayant déclaré : <strong><em>« en France, les conséquences d’un accident nucléaire pourraient être pires qu’à Tchernobyl ou Fukushima</em></strong> ». <a href="https://www.letemps.ch/monde/france-consequences-dun-accident-nucleaire-pourraient-pires-qua-tchernobyl-fukushima" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Alors que <strong>Hulot</strong> a reculé sur l’objectif de la transition énergétique (<a href="https://www.capital.fr/economie-politique/transition-energetique-pourquoi-nicolas-hulot-ne-pourra-pas-tenir-son-objectif-1236689" rel="nofollow">lien</a>), <strong>Macron</strong> va aux <strong>Indes</strong> pour vendre des <strong>EPR</strong>... mais il ne communique que sur le photovoltaïque. <a href="https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/energie-environnement/nucleaire-edf-pourrait-signer-la-vente-de-6-epr-a-l-inde-d-ici-a-la-fin-de-l-annee-elysee-771342.html" rel="nofollow">lien</a></p>
<p>Comme dit mon vieil ami africain : « <strong><em>le feu qui te brûlera c’est celui qui te chauffe </em></strong> ».</p>
<p></p>
<p>Olivier Cabanel</p>
<p><a href="https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/fukushima-triste-anniversaire-202308?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+agoravox%2FgEOF+%28AgoraVox+-+le+journal+citoyen%29">https://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/fukushima-triste-anniversaire-202308?utm_source=feedburner&utm_medium=feed&utm_campaign=Feed%3A+agoravox%2FgEOF+%28AgoraVox+-+le+journal+citoyen%29</a></p>Faisons de l’antiproductivisme arc en ciel un instrument d’émancipation !tag:epanews.fr,2018-03-14:2485226:BlogPost:29423452018-03-14T17:30:00.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p class="left"><span><b>Dix ans déjà, coucou, nous revoilà !<br></br></b></span> <i><span><b>P</b></span><span><b>ar Paul Ariès* </b></span></i></p>
<p>Ce slogan post-soixante-huitard pourrait illustrer parfaitement le renouveau des courants antiproductivistes après une éclipse médiatique de quelques années qui a permis à tant de nos idées d’infuser dans la société. Non seulement je n’ai pas le fétichisme duvocabulaire (décroissance, antiproductivisme, écosocialisme) mais je suis beaucoup plus…</p>
<p class="left"><span><b>Dix ans déjà, coucou, nous revoilà !<br/></b></span> <i><span><b>P</b></span><span><b>ar Paul Ariès* </b></span></i></p>
<p>Ce slogan post-soixante-huitard pourrait illustrer parfaitement le renouveau des courants antiproductivistes après une éclipse médiatique de quelques années qui a permis à tant de nos idées d’infuser dans la société. Non seulement je n’ai pas le fétichisme duvocabulaire (décroissance, antiproductivisme, écosocialisme) mais je suis beaucoup plus proche de nombreux antiproductivistes ou éco-socialistes qui refusent le terme de décroissance que de certains décroissants austéritaires et autoritaires, idiots utiles du système capitaliste/productiviste. Le revenu médian a baissé aux Etats-Unis de 7 % en dix ans ! Est-ce cela la décroissance, l’antiproductivisme ? Faut-il aller plus loin dans la même direction en opposant une austérité subie et une austérité choisie ? La série des taux moyens de croissance du PIB par décennie a été, depuis 1960, en France, de 6,9 % ; 3,7 % ; 2,2 % ; 1,9 % ; 1,5 % ; 0,7 %... Est-ce cela la décroissance et l’antiproductivisme dont nous rêvons ? Non, la décroissance comme l’antiproductivisme, c’est tout sauf de vouloir faire la même chose en moins ! C’est miser sur d’autres styles de vie, certes respectueux des limites, mais tellement plus jouissifs et émancipateurs ! L’éco-socialisme que j’aime est celui qui va permettre de construire une société des usagers maîtres de leurs usages, une société conviviale et non une société des durs-à-jouir et des pères et mères la rigueur. Faisons de la politique et non du moralisme bidon ! Faisons de l’antiproductivisme arc en ciel un instrument d’émancipation !</p>
<p><span>En ce début d’année 2018, <a href="http://initiatives-decroissantes.net/" class="external" target="_blank" rel="noopener">les décroissants et autres objecteurs de croissance ont initié un Appel</a> pour dire que nous avons entendu le cri d’alarme de plus de 15000 scientifiques de 184 pays paru le 13 novembre 2017, dans lequel ils alertent sur l’état désastreux de notre planète. Nous avons compris qu’il s’agit de la dernière mise en garde, car si nous ne prenons pas les mesures adaptées « </span><span><i>bientôt il sera trop tard</i></span><span>».</span></p>
<p><span>Cet Appel est déjà une réponse à la volonté de Macron d’inviter, à Versailles, les patrons des principales firmes économiques responsables de la destruction des écosystèmes, de l’enrichissement des riches et de l’appauvrissement des pauvres, de la montée des extrêmes-droite et des intégrismes politiques, religieux et économiques. Cet Appel est aussi une façon de dire que l’antiproductivisme et la décroissance se veulent les héritiers de l'an 01 né aux lendemains de 1968.Nous devons nous en souvenir alors que l’air du temps est à cracher sur ce formidable espoir que fut dans le monde entier l’année 1968 et ses rêves d'égalité. La décroissance, l’antiproductivisme, l’écosocialisme que j’aime sont autant d’enfants de Mai 68, du Mai étudiant et du Mai ouvrier.</span></p>
<p><span>Cet Appel a rencontré, dès la phase de recherche de ses « premiers signataires», un succès inespéré tant auprès des personnalités représentatives de la mouvance de l’écologie politique qu’au sein des autres mouvements sociaux, politiques, syndicalistes, français ou étrangers. Ce succès n’est pas le signe du ralliement de tant d’intellectuels et militants aux idées de la décroissance mais le symptôme que ces idées, que les décroissants contribuent à porter, sont d’ores et déjà partagées par de nombreuses personnes, parce qu’elles sont en phase avec une partie du réel qui s’invente dans les luttes, dans les alternatives, dans les rêves. D'autre courants portent en revanche bien mieux que nous d'autres combats tout aussi essentiels comme un féminisme antimachiste, antipatriarcal, égalitaire et émancipateur contre un pseudo féminisme réac. </span></p>
<p><span>J’aimerai donc tirer quelques enseignements de cette expérience pour comprendre à quoi peut servir aujourd’hui la décroissance au sein de l’écologie politique et globalement des forces émancipatrices. </span></p>
<p><span>Nous réussissons chaque fois que nous admettons que la décroissance ne constitue en rien une nouvelle avant-garde éclairée mais bien davantage un symptôme de ce</span><span> </span><span>qui se cherche, de ce qui s’invente, sans avoir toujours les mots pour le penser et le dire. Nous ne sommes donc pas la petite grenouille qui aurait vocation à devenir aussi grosse que le bœuf, mais un trait d’union entre divers courants antiproductivistes et écosocialistes. La décroissance surfe sur ce que notre ami Juan Martinez-Alier nomme l’écologisme des pauvres mais un écologisme des pauvres qui ne concerne pas seulement les pays du Sud mais aussi ceux du Nord. Les signatures de nombreux animateurs de mouvements tiers-mondistes prouvent que ce constat est </span><span>partagé, bien au-delà des objecteurs de croissance, bien au-delà des cercles de l’antiproductivisme militant. L’existence de ce déjà-là est, certes, une bonne nouvelle car elle prouve que nous ne partons pas de rien, mais notamment des styles de vie pré et post-capitalistes qui subsistent ou émergent au quotidien. La relocalisation, le ralentissement, l’idée coopérative, le partage, le sens des limites, le choix de la simplicité, la gratuité sont donc indispensables au changement mais on ne fait pas de révolution sans projet, c’est-à-dire sans le savoir et sans le vouloir. Ce déjà-là serait insuffisant s’il ne prenait pas conscience de lui-même, s’il ne nous permettait pas de passer de ces fragments de vie postcroissance à un antiproductivisme conséquent, de cette décroissance en soi à une décroissance pour soi, d’un écosocialisme et d’un convivialisme pour demain à un écosocialisme et à un convivialisme qui campent de plus en plus sur le versant positif de la critique.</span></p>
<p><span>C’est à ce niveau que la décroissance peut jouer un rôle que personne d’autres ne semble aujourd’hui tenir, car la force de son paradigme est de permettre de trouver non seulement les mots mais les fronts de mobilisation qui fassent sens, dans une direction radicalement antiproductiviste, anticonsumériste, écosocialiste, convivialiste. C’est pourquoi une fois ces mots prononcés, ils acquièrent la force de l’évidence pour beaucoup de personnes. Rôle modeste certes mais qui nous donne la responsabilité historique de prendre des initiatives clivantes mais ouvertes pour participer à la guerre idéologique. Nous camperons, par exemple, sur le front de la critique sociale, écologique et politique du sport, <a href="https://www.partipourladecroissance.net/?p=9412" class="external" target="_blank" rel="noopener">comme nous l’avons fait contre le Dakar</a> et comme nous le ferons en lançant, en mai, le mois pour l’interdiction des sports mécaniques. Nous camperons aussi sur le front de la critique du nucléaire civil et militaire en proposant de relancer l’idée d’un tribunal de type Russell contre les crimes du nucléaire tant militaire que civil. Nous proposerons de ranimer en septembre prochain le Mouvement pour une rentrée sans marques dans les écoles et son slogan "Ni voiles, ni marques, ni blouse grise"… Nous sommes preneurs de tous les thèmes de mobilisations qui permettent de faire de la pédagogie montrant la nécessité de rompre avec les logiques dominantes… Nous sommes preneurs de tous les types de mobilisations montrant que la révolution c’est pas triste !</span></p>
<p><span>Cet Appel à la convergence n’a pu fonctionner que parce qu’il est à la fois clivant et ouvert, parce qu’il a permis à des personnalités aussi différentes que Christophe Aguiton, Gérard Filoche, Noel Mamère, à des dirigeants de la France Insoumise, d’EELV, de Génération.s, d’Ensemble!, d’ATTAC, du CADTM, à des personnalités issues des collectifs anti-GPII de se reconnaître dans un langage novateur et positif. Cette longue opération de cristallisation des idées fonctionne à la façon d’un révélateur et d’un fixateur en photographie en faisant apparaître progressivement les pans d’un nouveau continent qui émerge déjà dans la société.</span></p>
<p><span>C’est pourquoi notre combat se doit d’être d’abord métaculturel et métapolitique avant d’être culturel et politique, nous devons assumer ce détour nécessaire pour changer certains « invariants » caractéristiques d’une longue époque historique, comme a su le faire la contre-révolution conservatrice mondiale qui, constatant, au lendemain de la seconde guerre mondiale, que ses idées étaient minoritaires et décriées, est partie à la conquête des esprits avant de triompher dans les faits, comme ont su le faire les indépendantistes catalans ou corses, ayant d’abord investi le terrain métaculturel et métapolitique avant de traduire ce double succès au niveau institutionnel.</span></p>
<p><span>Cet Appel à la convergence ne peut réussir que dans la clarté, que s’il se souvient que faire de la politique c’est d’abord définir qui sont nos véritables amis et ennemis, que l’antiproductivisme pas plus que la décroissance ne s’écrivent avec une majuscule, car ces courants sont eux-mêmes divisés de façon irréconciliable, entre ceux qui se souviennent que l’antiproductivisme fut d’abord une idéologie d’extrême-droite et ceux qui prônent l’égalité, entre une décroissance austéritaire, celle des pères-la-rigueur qui prennent pour argent comptant ce que la société de consommation dit d’elle-même sur son rapport à la jouissance, et toutes les autres sensibilités de la décroissance qui prônent une décroissance émancipatoire qui se trouve du côté du « plus à jouir», comme le clame Raoul Vaneigem, car nous sommes convaincus que le capitalisme</span><span> </span><span>(productivisme et consumérisme) repose non pas sur la satisfaction des besoins humains mais sur le sacrifice du vivant et du désir. Serge Latouche rappelle, sans cesse, que le vrai concept serait davantage celui d’acroissance, ce qui signifie qu’il faut chercher les solutions en dehors du mythe de la croissance, ce qui nous rapproche aussi de Jean Gadrey. </span></p>
<p><span>Le succès de notre Appel n’a été possible que parce que refusons de faire de l’existence des limites une machine à brider l’émancipation humaine (sociale, écologique, culturelle, psychique, sexuelle, politique) au nom d’une guerre fantasmée entre un principe de plaisir et un principe d’ascétisme. Parce que tout antiproductivisme, toute décroissance, tout écosocialisme, qui rimeraient avec un sacrifice serait voués à l’échec et donc à la tyrannie, comme l’a prouvé la tragédie du stalinisme au XXe siècle, parce que, surtout, la seule façon sérieuse d’intégrer les limites (tant physiques que psychiques), c’est d’avancer vers toujours plus d’émancipation. </span></p>
<p><span>C’est bien pourquoi nous tenons avec cet Appel les deux termes de l’alternative en pensant, à la fois, les contraintes d’une société post-croissance et les potentialités d’une société libérée de l’accumulation de richesses économiques et de pouvoir. Cette décroissance-là, cet antiproductvisme-là, cet écosocialisme-là, ce convivialisme-là, ce Bien-vivre-là sont capables de féconder la société. Un exemple : toutes les expériences de gratuité prouvent que, loin de conduire au gaspillage, elles permettent, au contraire, de réduire les consommations, que lorsque les bibliothèques sont payantes, les consommateurs en veulent pour leur argent et empruntent le maximum de livres ou DVD possibles, mais lorsque la gratuité est instaurée, si le nombre d’usagers augmente, les emprunts diminuent, signe que nous passons d’une logique à une autre. </span></p>
<p><span>Cet Appel se veut un instrument capable d’aider à rapprocher les différentes familles antiproductivistes, écologistes, antilibérales, objectrices de croissance... mais toutes amoureuses du bien vivre (buen vivir). Nous le ferons sur le plan théorique à travers des contributions, des colloques, nous le ferons aussi dans des mobilisations, en prenant, au maximum, la main sur l’agenda politique plutôt que de nous le laisser imposer par Macron. Faire de la politique du point de vue des dominés et/ou de l’antiproductivisme et de la décroissance, ce n’est pas, d’abord, répondre autrement aux questions dominantes mais imposer d’autres questions.</span></p>
<p><span>*Paul Ariès est rédacteur en chef de la revue Les Zindigné(e)s, Directeur de l’Observatoire Internationalde la Gratuité (OIG), auteur notamment de « Écologie et cultures populaires, les modes de vie populaires au secours de la planète » (Éditions Utopia, 2015) et de « Une histoire politique de l’alimentation de la préhistoire à nosjours » (Max Milo,Paris, 2016), « Désobéir et grandir, vers une société de la décroissance », Ecosociété, Québec, 2018)</span></p>
<p><span>____________</span></p>
<p><a href="http://initiatives-decroissantes.net/" class="external" target="_blank" rel="noopener"><b>Appel Bientôt il sera trop tard… Que faire à court et long terme ?</b></a></p>
<p><span>Nous avons entendu l’appel de plus de 15000 scientifiques de 184 pays paru le 13 novembre 2017 dans lequel ils tirent la sonnette d’alarme sur l’état désastreux de notre planète. Nous avons compris qu’il s’agit de la dernière mise en garde, car si nous ne prenons pas les mesures adaptées « </span><i>bientôt il sera trop tard </i><span>». </span></p>
<p></p>
<p><span><a href="https://blogs.mediapart.fr/initiatives-decroissantes/blog/290118/paul-aries-faire-de-la-politique-cest-imposer-les-bonnes-questions">https://blogs.mediapart.fr/initiatives-decroissantes/blog/290118/paul-aries-faire-de-la-politique-cest-imposer-les-bonnes-questions</a></span></p>La question du temps conduit à se demander ce que nous cherchons. Quoi ? De l’harmonie.tag:epanews.fr,2018-03-12:2485226:BlogPost:29416612018-03-12T16:05:47.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><strong>Quel rapport Jean-Luc Mélenchon entretient-il avec l’écologie ? Quel est son parcours intellectuel vers elle ? Comment voit-il l’avenir de la civilisation ? Il n’avait jamais parlé ainsi. Entretien.<br></br></strong><br></br><em>Jean-Luc Mélenchon est député des Bouches-du-Rhône et président du groupe de la France insoumise à l’Assemblée nationale.<br></br></em><br></br><strong>Reporterre —</strong> Vous définiriez-vous comme écologiste ?<br></br><br></br><strong>Jean-Luc Mélenchon —</strong> Volontiers.…</p>
<p><strong>Quel rapport Jean-Luc Mélenchon entretient-il avec l’écologie ? Quel est son parcours intellectuel vers elle ? Comment voit-il l’avenir de la civilisation ? Il n’avait jamais parlé ainsi. Entretien.<br/></strong><br/><em>Jean-Luc Mélenchon est député des Bouches-du-Rhône et président du groupe de la France insoumise à l’Assemblée nationale.<br/></em><br/><strong>Reporterre —</strong> Vous définiriez-vous comme écologiste ?<br/><br/><strong>Jean-Luc Mélenchon —</strong> Volontiers. Même si la notion peut être décrite dans un spectre extrêmement large de définition.<br/><br/><br/><strong>Quelle serait votre définition ?<br/></strong><br/>D’abord un mot sur mon parcours. Je viens de la gauche la plus traditionnelle, productiviste. J’étais persuadé que le développement des forces productives était le préalable au progrès social parce qu’il augmentait la quantité de richesses à distribuer. On s’interrogeait peu sur le contenu des besoins à satisfaire. Je me rappelle avoir entendu des argumentaires du type : <em>« Les capitalistes proposent des Mercedes pour les riches et des 2 CV pour les pauvres ; nous, c’est Mercedes pour tout le monde ».</em> On parlait de la société de consommation pour dénoncer l’aliénation qu’elle provoquait plutôt que la destruction qu’elle engendrait. J’ai fait partie de ceux qui trouvaient insupportables les travaux du Club de Rome. Nous les considérions comme des suppôts des capitalistes, qui étaient là pour endoctriner les gens et leur faire aimer leur misère. La première entaille pour moi a été la fréquentation d’Alain Bombard [1 <<a href="https://reporterre.net/Jean-Luc-Melenchon-L-ecologie-doit-etre-un-stimulant-d-enthousiasme#nb1">https://reporterre.net/Jean-Luc-Melenchon-L-ecologie-doit-etre-un-stimulant-d-enthousiasme#nb1</a>> ], qui soulevait nombre de questions sur l’environnement.<br/><br/><br/><strong>Quand était-ce ?<br/></strong><br/>La première fois que j’ai commencé à parler avec Bombard, c’était vers 1977. Après, il y a eu la contestation du nucléaire. Je suis dans l’Essonne, où se trouve le plateau de Saclay, sur lequel est implanté le CEA (Commissariat à l’énergie atomique). On y trouvait beaucoup d’opposants au nucléaire conventionnel.<br/><br/><br/><strong>Au sein du CEA ?<br/></strong><br/>Oui. Ainsi j’ai travaillé intellectuellement avec un homme qui était partisan des centrales à sels fondus. Des personnages comme lui remettaient en cause une évidence pour un intellectuel tel que moi spécialisé dans les lettres et la philosophie. Je nageais dans l’illusion que la technique pouvait atteindre des perfections ultimes. Eh bien non, d’autres solutions que celles affichées étaient possibles. D’autres discutaient aussi de la fusion nucléaire. Cela ouvrait d’autres perspectives. Et tous avaient en commun de dénoncer les dangers du nucléaire tel qu’on le connaissait. Mais, être de la première gauche et contre le nucléaire, c’était à l’époque une contradiction.<br/><strong>« Mai 68 m’a amené à Marx, et Tchernobyl m’a amené au nucléaire. »</strong> <br/><br/>Et puis, il ne faut pas croire que les gens sont touchés par la grâce, ou qu’un jour surgit le concept qui illumine et transforme votre vie. Cela ne m’est arrivé dans aucun domaine, même pas avec le marxisme, qui pour moi a pris la suite des textes de Teilhard de Chardin <<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Teilhard_de_Chardin">https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Teilhard_de_Chardin</a>> .<br/><br/><br/><strong>Vous aviez lu Teilhard de Chardin ?<br/></strong><br/>Oui. Avec passion.<br/><br/><br/><strong>À quel âge ?<br/></strong><br/>Je n’ose pas le dire. Vous allez vous foutre de moi.<br/><br/><br/><strong>Non, pas du tout.<br/></strong><br/>14-15 ans.<br/><br/><br/><strong>Et Marx, vous l’avez découvert après ?<br/></strong><br/>Oui, c’était plus facile de rentrer dans Marx. Je viens d’un milieu catholique. Je lis toutes les encycliques parce que cela m’intéresse. Mais passons sur cela. Teilhard de Chardin introduit l’histoire dans la foi. Ensuite, quand vous trouvez avec Marx l’histoire moins la foi comme cause de mécanismes spontanés, il est moins difficile de passer de l’un à l’autre. Donc, en ce qui concerne l’écologie, c’est pareil, je n’ai pas été touché par la grâce, j’ai été ébranlé par des situations. Mai 68 m’a amené à Marx, et Tchernobyl m’a amené au nucléaire.<br/><br/><br/><strong>Le nucléaire vous a bousculé, ce n’est pas l’évolution d’une démarche intellectuelle ?<br/></strong><br/>Il y a eu l’affaire Tchernobyl. Michèle Rivasi et la Criirad Commission de recherche et d’information indépendantes sur la radioactivité <<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_de_recherche_et_d%27information_ind%C3%A9pendantes_sur_la_radioactivit%C3%A9">https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_de_recherche_et_d%27information_ind%C3%A9pendantes_sur_la_radioactivit%C3%A9</a>> ont diffusé des informations qui m’ont perturbé. J’ai écrit aux autorités pour savoir. On m’a fait une réponse qui était une offense à l’intelligence : les mêmes réponses stéréotypées qui avaient été faites deux ou trois ans auparavant à d’autres collègues.<br/><br/>Pour avoir une idée plus précise, je suis allé visiter la centrale de Nogent-sur-Seine. C’est la seule centrale nucléaire au monde installée en amont du fleuve qui abreuve la capitale d’un pays ! Après avoir fait la visite, on s’est retrouvé sur les toits, et pour être aimable avec les gens qui étaient là, dont je voyais bien qu’ils étaient mal à l’aise, je leur dis : <em>« Oh, vous avez une jolie forêt, elle doit être giboyeuse ! »</em> Et un gars me dit : <em>« Oui, oui, mais nous notre problème, ce ne sont pas les cerfs et les biches, mais les lapins. Parce qu’ils rongent les câbles. »</em> Je le regarde. Il change de couleur. Tout le monde change de couleur. Le gars s‘aperçoit qu’il a dit une bêtise. <em>« Non, non, on a mis des grillages en profondeur, et tout est net. »</em> On est reparti avec, outre le malaise qu’on ressentait déjà, de la peur. J’ai compris que ces gens ne contrôlaient pas les choses autant qu’ils le disaient.<br/><br/></p>
<dl class="spip_document_19996 spip_documents spip_documents_center">
<dt><img src="https://reporterre.net/IMG/jpg/centrale_de_nogent-sur-seine-wikipedia_v_1.jpg" width="700" height="525" alt=""/></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>«<small class="fine"> </small>La centrale de Nogent-sur-Seine est la seule centrale nucléaire au monde installée en amont du fleuve qui abreuve la capitale d’un pays<small class="fine"> </small>!<small class="fine"> </small>»</strong></dt>
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<p><br/><br/><br/><strong>Les lapins pourraient mettre à bas une centrale située à 50 km de Paris.<br/></strong><br/>C’est ce qui est apparu ce jour-là. Je ne sais pas si c’est toujours le cas ou si on a enterré plus en profondeur les grillages pour empêcher les lapins de passer. Mais, c’est ce que m’a dit cet homme. À partir de ce moment a commencé un cheminement pour me demander ce qu’on pourrait faire à la place du nucléaire. Et j’ai commencé à m’intéresser aux énergies alternatives. Et des énergies alternatives, vous passez à d’autres idées. Là dessus, deuxième rencontre intellectuelle, ma propre fille, qui, bien dans sa génération, est écolo-républicaine. Elle a commencé ma formation.<br/><br/><br/><strong>Elle milite dans une association ?<br/></strong><br/>Non, elle était écolo au collège et ensuite au lycée. Elle s’intéresse, elle lit, elle soulève des problèmes. Elle me montrait le caractère archaïque de ce que je racontais. Comme souvent dans les relations entre les parents et les enfants, on n’est pas dans la polémique, mais dans l’attention bienveillante, l’échange. L’amour, quoi. Et pour échanger, il faut avoir de bons arguments, et quand on ne les trouve pas, on a tort. Ma fille a joué un rôle déclencheur sur moi en me poussant à lire sur des sujets sur lesquels je n’avais jamais été. Notamment sur les énergies alternatives et l’alimentation.<br/><br/><br/><strong>À quel rythme lisez-vous ?<br/></strong><br/>Je lisais jusqu’à il y a peu, c’est-à-dire jusqu’à l’entrée par effraction du <em>smartphone,</em> qui a provoqué chez moi une phase d’addiction et d’abaissement du niveau de l’attention. Je suis en phase de reconstruction. Je lisais à la cadence d’un livre par semaine. Avec une règle : je ne lis que ce qui me fait plaisir. Et je lis sans méthode et sans ordre. Si cela ne me fait pas plaisir, je pose le livre. Je lis avec des critères variés, selon l’intérêt pour un sujet, ou à l’occasion d’un cadeau, ou attiré par une belle couverture. Par exemple, j’ai découvert la littérature américaine en achetant des bouquins au bistrot en face de la gare de Lons-le-Saunier. C’est comme cela que j’ai commencé une collection d’un millier de bouquins de science-fiction… Ou un auteur comme Kurt Vonnegut <<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Kurt_Vonnegut">https://fr.wikipedia.org/wiki/Kurt_Vonnegut</a>> , qui fait des entrées sur l’écologie par l’absurde du quotidien — j’ai beaucoup aimé <em>Le Berceau du chat,</em> qui traite d’une invention scientifique qui transforme la flotte en glace, très drôle. J’ai commencé aussi comme ça à lire Erskine Caldwell <<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Erskine_Caldwell">https://fr.wikipedia.org/wiki/Erskine_Caldwell</a>> .<br/><br/><br/><strong>Quels sont les penseurs de l’écologie qui vous ont marqué ?<br/></strong><br/>Aucun. Des articles, des papiers, oui. Je ne peux pas me réclamer d’une lecture méthodique et je ne saurai pas vous citer des auteurs sur le sujet. J’ai beaucoup lu, beaucoup discuté.<br/><br/><br/><strong>Illich, Gorz, Ellul, Jonas ?<br/></strong><br/>Gorz, oui, mais mal, Ellul de loin, Virilio davantage. Mais Alain Lipietz, qui a théorisé sur le paradigme écologiste et sa substitution au paradigme du mouvement socialiste, m’a profondément ébranlé.<br/><br/><br/><strong>Avez-vous lu l’encyclique <em>Laudato si</em> ?<br/></strong><br/>Ah oui, bien sûr.<br/><strong>« Il y a le mot provocant, dont je raffole, de “planification” . »</strong> <br/><br/><br/><strong>Votre théoricien de l’écologie, c’est le pape François ?<br/></strong><br/>Il ne m’a plus rien appris mais j’ai été intéressé. Cette encyclique sent le soufre. Elle comporte des aspects qui pourraient être qualifiés d’hérétiques si Ratzinger <em>[le précédent pape, Benoît XVI]</em> était toujours le préfet pour la Congrégation de la doctrine de la foi. Parce que mettre Teilhard de Chardin, auteur à l’index, dans une encyclique…<br/><br/>Donc finalement, j’ai été de papier en papier. Et, à un moment donné, ça a été la bascule. La première fois que j’ai écrit sur l’écologie, c’était pour le congrès du PS en 2008. J’introduisais le concept de <em>« planification écologique »</em>. Parce qu’entretemps, j’avais compris de quoi on parlait — y compris comme homme qui vient de la tradition socialiste et qui avait fait le tour par Marx. Marx parle de la nature comme <em>« du corps inorganique de l’homme »</em>. Il ne sépare pas l’homme de la nature.<br/><br/>Donc, je suis passé par Marx et j’ai compris ce qu’est réellement l’écologie politique. Ce n’est pas de l’environnementalisme, ce n’est pas la nature qu’on défend. C’est considérer qu’il y a un seul écosystème compatible avec la vie humaine. Et cela a été la phrase clé pour moi. Nous parlons des biens communs. Sont des biens communs ceux qui rendent possible la survie du seul écosystème compatible avec la vie humaine. À partir de là, les choses se sont mises en ordre dans ma tête.<br/><br/><br/><strong>Vous pouviez articuler ce Marx-là avec Teilhard de Chardin ?<br/></strong><br/>Teilhard change la perception du temps circulaire de la foi. La foi basique qu’on enseigne à un gamin de huit ou neuf ans, comme c’était mon cas, est circulaire : chacun fait son salut, point. Avec des bonnes actions. Dieu pèse le bien et le mal. Mais Teilhard de Chardin ajoute une idée : vous êtes responsable de la suite de l’histoire et de l’accomplissement de l’œuvre de Dieu.<br/><br/><br/><strong>C’est d’une certaine manière du marxisme ?<br/></strong><br/>Il y a une dimension sagittale, une direction de l’histoire. Il n’y a pas de sens à l’histoire, mais des directions possibles. Dans le matérialisme historique revisité — qui va m’amener à parler de <em>« nouvel humanisme »</em> —, les êtres humains sont responsables de la suite de leur existence et de leur histoire. On rétablit une responsabilité qui n’existait pas avant. La nature était juste un objet de domination, de conquête. À présent, je parle d’harmonie au sens matérialiste : concordance des temps. À partir de là, je suis entré dans le concret gouvernemental avec la planification écologique.<br/><br/>Il y a le mot provocant, dont je raffole, de <em>« planification »</em>. Si j’avais seulement dit : <em>« J’ai des points d’accord avec les écolos »,</em> on aurait dit : <em>« Très intéressant mais on s’en fiche. »</em> Mais parler de planification, c’est parler de mise en œuvre. La planification, c’est la maîtrise du temps, la domination des êtres humains sur le temps, qui est la dimension cachée et immatérielle de la réalité sociale, y compris de la réalité politique.<br/><strong>« Tant que l’homme n’aura pas trouvé les conditions, les clés de l’harmonie, c’est-à-dire de la coïncidence des temps et des cycles, il vivra en contradiction avec l’environnement qui l’a fait évoluer plus vite que sa capacité d’adaptation. »</strong> <br/><br/>Vous allez voir pourquoi et comment on va passer du temps à l’écologie. Il y a deux paramètres qui animent l’histoire. Le premier, c’est la structure du temps en tant que propriété de l’univers social et non pas arrière-plan abstrait. Ici, j’ai transposé l’idée de Stephen Hawking dans l’univers social. À partir de là, vous avez une piste féconde sur la compréhension du temps, qui n’est au fond, pour un matérialiste, que des rythmes. Le deuxième paramètre est le nombre des êtres humains. On décrit le temps comme le circuit de la planète autour du Soleil. Tant qu’on est dans une civilisation agricole, cela a du sens, le temps correspond à l’ordre social. Mais les grandes ruptures techniques qui permettent le développement du nombre de la population n’ont plus de rapport avec les tours autour du Soleil, ils ont un rapport avec la masse des êtres humains. Le nombre, et les fluctuations du nombre, est le paramètre central de la dynamique de l’histoire, dont la lutte des classes n’est qu’une sous catégorie. Pour qu’il y ait lutte des classes, il faut qu’il y ait accumulation et pour cela il faut pouvoir accumuler. Donc, il faut qu’il y ait déjà un certain nombre d’êtres humains.<br/><br/>J’ai expliqué ceci dans mon livre <em>L’Ère du peuple</em>, en 2014. Ma conclusion était qu’à chaque fois que l’effectif de l’humanité double, elle change de régime social et de civilisation.<br/><br/><br/><strong>Le temps est orienté.<br/></strong><br/>Attendez. La question du temps conduit à se demander ce que nous cherchons. Quoi ? De l’harmonie. L’harmonie, cela peut paraître de la métaphysique ! Mais non. L’harmonie est la coïncidence des cycles du temps. Ce qui conduit à l’écologie.<br/><br/><br/><strong>C’est quoi, les cycles du temps ?<br/></strong><br/>Il y a le temps de la prédation et le temps de la reconstitution par la nature de ce qu’on lui a pris. Cela implique un concept nouveau : à la place de celui de révolution, c’est le concept de bifurcation. En changeant un paramètre de la trajectoire générale, la dynamique de l’histoire peut changer de cours du tout au tout. Ces trois idées me placent sur le terrain de l’écologie politique mais dans une vision matérialiste.<br/><br/><br/><strong>Le temps, le nombre et… ?<br/></strong><br/>Et les dynamiques à l’œuvre dans l’Histoire. Voilà comment je suis entré dans la planification écologique. Et ensuite, je me suis senti l’audace de partir des concepts fondamentaux de l’écologie politique : les biens communs, l’unité et l’indivisibilité du rapport de l’homme à la nature. J’ai écrit l’été dernier un texte sur le nouvel humanisme [2 <<a href="https://reporterre.net/Jean-Luc-Melenchon-L-ecologie-doit-etre-un-stimulant-d-enthousiasme#nb2">https://reporterre.net/Jean-Luc-Melenchon-L-ecologie-doit-etre-un-stimulant-d-enthousiasme#nb2</a>> ], dans lequel j’ai essayé de montrer le lien existant dans l’histoire entre la pensée écologiste et le vieux courant des Lumières. On part de la centralité de l’être humain, ce qui ne contredit pas la pensée écologiste, car en même temps, la nature cesse d’être un objet, elle devient partie prenante du processus global. L’homme ne se pense plus seulement par rapport à lui-même mais dans sa relation avec la nature. Et tant qu’il n’aura pas trouvé les conditions, les clés de l’harmonie, c’est-à-dire de la coïncidence des temps et des cycles, il vivra en contradiction avec l’environnement qui l’a fait évoluer plus vite que sa capacité d’adaptation.<br/><strong>« L’information nous permet de disposer des matériaux pour penser. Mais aujourd’hui, on ne dispose pas à l’échelle de masse des matériaux pour penser. »</strong> <br/><br/><br/><strong>Dans les trente ans qui viennent de s’écouler, la population mondiale a doublé, et elle continue de croître.<br/></strong><br/>Dès lors, l’enjeu est de révolutionner de fond en comble le mode actuel de production et de consommation. Attention, la question de la consommation n’est pas l’annexe. L’être humain est le sujet de besoins qui sont culturellement déterminés et produits — le capitalisme de notre époque nous l’enseigne mieux qu’à aucun autre moment de l’histoire. Si nous ne révolutionnons pas ce mode de production et de consommation, la catastrophe est certaine. Il est possible qu’elle intervienne de toute façon, et qu’elle nous mette tous au pied du mur, individuellement et collectivement.<br/><br/><br/><strong>Comment répondez-vous à la possible catastrophe écologique ?<br/></strong><br/>Par la révolution citoyenne. L’idée en est la réappropriation par les êtres humains de leur destin. Le système nous aliène en ce sens qu’il efface les causes et rend les individus responsables de la situation pour la leur faire accepter. D’où l’importance du système d’information. L’éducation nous apprend à être autonomes et l’information nous permet de disposer des matériaux pour penser. Mais aujourd’hui, on ne dispose pas à l’échelle de masse des matériaux pour penser. On a outils de masse, oui. Et puis des îlots de résistance qui essayent de maintenir une lumière allumée dans une autre direction. Mais l’obscurantisme actuel est supérieur à l’obscurantisme religieux. Parce que l’obscurantisme religieux, c’est une fois par semaine, avec la célébration de la messe. Avec l’obscurantisme de la publicité et des médias, c’est tous les jours, toutes les heures, tout le temps.<br/><br/><br/><strong>Révolutionner les modes de production et de consommation pour éviter la catastrophe, c’est quoi concrètement : la frugalité, la sobriété ?<br/></strong><br/>Un, on arrête le nucléaire. Il faut créer d’autres sources d’énergie.<br/><br/>Ensuite, on ne peut pas continuer à manger des choses qui nous rendent malades. Comment règle-t-on ce problème ? Cela passe par des choses modestes : par exemple, 100 % bio à la cantine scolaire. Le mécanisme économique de base va être la relocalisation. Tout ce qu’on peut relocaliser doit être relocalisé.<br/><br/>Ensuite, diminuer les surfaces imperméabilisées. Donc, il faut travailler autrement.<br/><strong>« On ne peut pas continuer à manger des choses qui nous rendent malades. Comment règle-t-on ce problème ? Par des choses modestes : par exemple, 100 % bio à la cantine scolaire. »</strong> <br/><br/>Bref, on prend les choses une par une, sous leur aspect concret. Mais ces aspects concrets sont une interpellation de toute la logique du système. La bataille politique devient une bataille culturelle. Il faut une grande cure de désintoxication. Et, il faut le faire avec soin et méthode.<br/><br/>Mais on ne va pas dire aux gens que tel ou tel plaisir est dorénavant interdit. La sobriété ne peut pas être un mot d’ordre. C’est un objectif mais cela ne peut pas être un mot d’ordre.<br/><br/><br/><strong>Le pivot essentiel de la sortie du nucléaire est une forte réduction de la consommation d’électricité. Comment sort-on du nucléaire, si on ne dit pas qu’il faut réduire fortement la consommation d’électricité ?<br/></strong><br/>On va commencer par dire qu’il faut une énergie alternative qui s’applique maintenant à toute vitesse. Il faut modifier la législation et expliquer aux gens pourquoi. Parce que cela urge, parce que le nucléaire est dangereux. Et après, on va dire : « Les amis, il faut que l’un descende et que l’autre monte. Il va bien falloir réduire la consommation électrique. » On le prendra concrètement. Par l’intérêt général. La révolution citoyenne nécessite un peuple révolutionnaire citoyen.<br/><br/><br/><strong>Y a-t-il une planification écologique de la réduction de la consommation d’énergie ?<br/></strong><br/>Évidemment, parce qu’une bonne part de la consommation des énergies est absurde. Mais il faut laisser tous les sujets ouverts. Ne commençons pas avec ce qui va braquer tout le monde. L’écologie doit être un stimulant d’enthousiasme, de techniques, de manières de vivre. C’est comme cela qu’on peut entrainer le grand nombre et le convertir à préférer l’intérêt général. Démanteler le nucléaire, on va le faire avec les ingénieurs du nucléaire.<br/><br/><br/><strong>Par la technique. La technique est votre métaphysique d’une certaine manière…<br/></strong><br/>Non, non.<br/><br/><br/><strong>On va employer d’autres mots : « l’œuvre de l’homme »…<br/></strong><br/>Non, non, non. Ce qui serait au-delà de la physique, il n’y en a pas beaucoup chez moi. Sinon, une forme de mystique admiration pour le grand tout et son incroyable intégration. Mais je n’ai pas la métaphysique de la technique, c’est différent.<br/><strong>« L’espèce humaine est une espèce invasive, elle occupe tous les espaces disponibles. »</strong> <br/><br/><br/><strong>Vous avez dit qu’il est très difficile de parler de sobriété. Mais, globalement, ne peut-on pas dire aux habitants des pays riches comme la France : « Si vous voulez éviter une catastrophe, il faut vraiment qu’on change nos modes de consommation. Donc on réduit la consommation » ? Peut-on dire cela ?<br/></strong><br/>Si on veut se mettre mal, on fait comme cela. Mais ce n’est pas comme cela qu’il faut faire. Il faut plutôt tracer la ligne d’horizon. Dans les grandes écoles où je passe, je dis : « Étudiez bien parce qu’on va avoir besoin de vous ! Parce qu’il va falloir arrêter ceci, arrêter cela et on va faire autre chose. » Autre exemple : vous voulez une agriculture paysanne et bio ? Très bien. Il faut 400.000 néo-paysans. Qui ? Il va bien falloir qu’il y ait un appétit, un intérêt. Il faut susciter le désir d’une appropriation collective, qui va passer par une lutte culturelle contre des manières d’être, de vivre. C’est pour cela que ça s’appelle « révolution », parce qu’on va changer le régime de la propriété dans certains domaines. Changer la hiérarchie des normes. Et, changer les valeurs dominantes de la société. Mais il faut que cela repose sur du désir, de la volonté de l’enthousiasme. Je suis certain que la jeunesse de ce pays, qui est l’un des plus jeunes d’Europe, est disponible pour cela.<br/><br/><br/><strong>La population mondiale continue de croître, notamment en Afrique. Quelles conséquences concrètes cela a-t-il sur le monde du XXIe siècle ?<br/></strong><br/>Les êtres humains se déplacent et occupent tout l’espace.. Plus de la moitié de l’humanité est arrivée au bord de la mer. L’étape suivante, c’est l’occupation de 70 % de la planète qui est tenu par la mer. Les humains sont entrés en mer : ils font des trous, ils sortent du pétrole, ils jettent des déchets. C’est le prochain sujet concret : ils sont en train de rentrer dans la mer.<br/><br/><br/><strong>C’est la question migratoire ?<br/></strong><br/>Elle est globale. L’espèce humaine est une espèce invasive, elle occupe tous les espaces disponibles. Donc, il faut essayer de faire bifurquer la dynamique de l’Histoire. Une bifurcation est le changement d’un des paramètres. Nous pouvons changer la trajectoire de l’humanité si au poste de commande, il y a la volonté d’harmonie avec la nature.</p>
<dl class="spip_document_19999 spip_documents spip_documents_center">
<dt><img src="https://reporterre.net/IMG/jpg/matthias.zomer_.pexels-photo-101063.color__limite_v_1.jpg" width="700" height="394" alt=""/></dt>
<dt class="spip_doc_titre"><strong>«<small class="fine"> </small>Je suis très angoissé par l’idée qu’on ait pu atteindre une limite et qu’on serait incapables de la franchir, comme l’Empire romain, qui s’est effondré.<small class="fine"> </small>»</strong></dt>
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<p>Je suis très angoissé par l’idée qu’on ait pu atteindre une limite et qu’on serait incapables de la franchir, comme l’Empire romain, qui s’est effondré sur lui-même. C’était un empire local. Aujourd’hui, nous sommes un empire global. Si vous laissez aller les choses comme cela dans 100 ans, il n’y aura plus personne.</p>
<p><br/><br/><strong>C’est une angoisse écologique. <br/></strong><br/>Oui. Mais je ne peux pas porter le discours comme cela parce qu’il casse les jambes, il tétanise la tête. La peur n’aide pas à vouloir avancer. Ce qui aide, c’est l’enthousiasme.<br/><br/><br/><strong>Deux questions d’actualité d’écologie pour conclure. Quel avenir pour la Zad de Notre-Dame-des-Landes ?<br/></strong><br/>Il y a là un bouillon de culture qui va produire quelque chose. D’abord, cela va produire d’autres Zad. Il n’y a pas beaucoup de grandes victoires, en ce moment. Donc, celle-là retentit. Son retentissement pour les grands projets inutiles va être considérable. Plein de gens se sentent maintenant habilités à dire : « Mais pourquoi fait-on ceci ? Pourquoi là ? Ah bon, on va gagner un quart d’heure de trajet ? Et, pourquoi faire, s’il vous plaît ? »<br/><br/>L’autre point qui m’intéresse est le processus d’autoorganisation à l’intérieur de la Zad. Aujourd’hui, la société libérale impose des reculs permanents du droit et des droits collectifs au profit de l’empilement de droits singuliers et particuliers, qui vont toujours aux plus forts. Le mouvement ouvrier a commencé comme une irruption de la volonté de droits collectifs à l’intérieur d’un espace qui n’en avait pas, l’entreprise. Là c’est pareil : les droits écologiques surgissent par la lutte. En imposant des droits écologiques, on impose des droits humains.<br/><br/><br/><strong>Mais l’autoorganisation ?<br/></strong><br/>Elle produit un nouvel âge de la lutte pour les droits. Évidemment, c’est expérimental, local, il y a plein de critiques à faire. Mais cela a surgi. C’est une autoproduction de la réalité, un surgissement d’une nouvelle réalité. Nous, la France insoumise, on veut répandre çà. L’autoorganisation des masses produit les phénomènes révolutionnaires.<br/><br/>On disait autrefois que la société bourgeoise s’est créée à l’intérieur de la société féodale, puis a renversé les barrières féodales. Le mouvement ouvrier s’est infiltré dans la société capitaliste, avec les mutuelles, les coopératives, les syndicats, et espérait devenir hégémonique. Aujourd’hui, nous sommes en panne d’un acteur de l’histoire. Le peuple ? Il faut qu’il surgisse. Comment ? Sous quelle forme ? Par l’autoorganisation.<br/><strong>« Si on continue à exploiter le nucléaire, on continue à fabriquer des déchets dont on ne sait pas que faire. »</strong> <br/><br/><br/><strong>L’autre actualité de l’écologie, c’est Bure et le projet d’enfouissement des déchets nucléaires. Qu’en pensez-vous ?<br/></strong><br/>Ce qu’on nous propose n’est pas raisonnable. L’enfouissement à Bure n’est absolument pas raisonnable. Ils veulent creuser un trou pour y placer des déchets afin de ne plus les voir. Et, sans se poser la question de savoir ce qui se passera une fois qu’ils seront au fond pour 20.000 ans ? Ce n’est pas raisonnable, donc il ne faut pas le faire. Il reste la question : Qu’est ce qu’on en fait ?<br/><br/>Si on continue à exploiter le nucléaire, on continue à fabriquer des déchets dont on ne sait pas que faire. D’où l’urgence d’arrêter le nucléaire. Sinon, on a l’impression de naviguer d’une idiotie à une autre. Enfouir ? Faire des piscines ? Personne ne sait non plus comment elles vont évoluer. Donc, un, arrêter le nucléaire afin de stopper le volume des déchets. Deux, investir dans la recherche fondamentale. Parce que, sans recherche fondamentale, il n’y a aucune solution pour gérer le refroidissement des déchets.<br/><br/><br/><strong>Vous vous opposez à Cigéo ?<br/></strong><br/>Oui. On ne peut pas accepter des solutions absurdes. Le refus de l’exigence écologique est une aliénation.<br/><br/></p>
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<li><strong><em>Propos recueillis par Hervé Kempf<br/></em></strong></li>
</ul>
<p><strong><em><a href="https://reporterre.net/Jean-Luc-Melenchon-L-ecologie-doit-etre-un-stimulant-d-enthousiasme">https://reporterre.net/Jean-Luc-Melenchon-L-ecologie-doit-etre-un-stimulant-d-enthousiasme</a></em></strong></p>
<p><strong><br/> <br/></strong><br/> </p>Nucléaire. Tricastin, la pire centrale du pays.tag:epanews.fr,2018-03-10:2485226:BlogPost:29411652018-03-10T12:58:10.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p class="description">Selon les auteurs d’une enquête sur le nucléaire français, la centrale du Tricastin « est la pire centrale du pays ». En cas de séisme fort, la France ne serait pas à l’abri d’un « accident de type Fukushima ». Cet ouvrage souhaite alerter sur la situation actuelle du nucléaire français.</p>
<p>Le livre…</p>
<p class="description">Selon les auteurs d’une enquête sur le nucléaire français, la centrale du Tricastin « est la pire centrale du pays ». En cas de séisme fort, la France ne serait pas à l’abri d’un « accident de type Fukushima ». Cet ouvrage souhaite alerter sur la situation actuelle du nucléaire français.</p>
<p>Le livre <a rel="nofollow noopener" href="https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/nucleaire-les-microfissures-menacent-de-nombreux-reacteurs-5544695" target="_blank"><em>Nucléaire, danger immédiat</em> écrit par Thierry Gadault et Hugues Demeude</a> risque de faire parler de lui. Dans des extraits publiés par <a rel="nofollow noopener" href="http://www.lejdd.fr/societe/nucleaire-le-livre-qui-met-a-mal-la-surete-des-centrales-francaises-3564173" target="_blank"><em>Le Journal du Dimanche</em></a>, dimanche 4 février, les journalistes affirment que la situation française <a rel="nofollow noopener" href="https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/" target="_blank">en matière de nucléaire</a> est alarmante.</p>
<h2>La centrale du Tricastin mise en cause</h2>
<p>Dans leur viseur figure notamment la centrale du Tricastin (<a rel="nofollow noopener" href="https://www.ouest-france.fr/auvergne-rhone-alpes/drome/" target="_blank">Drôme</a> et <a rel="nofollow noopener" href="https://www.ouest-france.fr/provence-alpes-cote-dazur/vaucluse/" target="_blank">Vaucluse</a>). Les deux auteurs écrivent qu’avec <strong>« son réacteur 1, elle est la pire centrale du pays »</strong>. Selon eux <strong>« ce réacteur cumule tous les problèmes : défauts sous revêtement, absence de marge à la rupture, et dépassement des prévisions de fragilisation à quarante ans »</strong>.</p>
<p>Les auteurs alertent notamment sur <strong>« le risque d’inondation catastrophique en cas de séisme, comme l’a relevé en septembre 2017 l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) »</strong>. Cette dernière a arrêté d’office les quatre réacteurs de la centrale en attendant qu’EDF fasse les travaux nécessaires.</p>
<div class="teads-inread sm-screen"><div><p>Dominique Minière, chargé du parc nucléaire chez EDF, a nié l'existence de nouvelles failles et défauts dans le réacteur comme le soutient le livre. Il n'y a pas non plus <strong>« </strong><strong>de défauts provoqués à la fabrication </strong><br/><span><strong>des cuves des réacteurs par des bulles d'hydrogène emprisonnées dans le métal »</strong>, a-t-il ajouté.</span></p>
<h2>Un accident de <strong>« type Fukushima »</strong></h2>
<p>Les deux auteurs ont interrogé des spécialistes de la question nucléaire, comme le président de l’ASN Pierre-Franck Chevet. Ce dernier déclare <strong>« qu’en cas de séisme fort on pourrait aller vers une situation, avec quatre réacteurs simultanés en fusion, qui ressemble potentiellement à un accident de type Fukushima »</strong>. Il ajoute qu'<strong>« EDF a trouvé l’arrêt immédiat de la centrale pour réaliser ces travaux injustifié, moi je le trouve justifié »</strong>.</p>
<div id="divVideoStepAdBottom" class="divVideoStep"></div>
<p>La centrale du Tricastin est <a rel="nofollow noopener" href="https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/la-centrale-nucleaire-du-tricastin-en-arret-pour-travaux-5277639" target="_blank">à l’arrêt depuis le mois d’octobre 2017</a> en raison de travaux de renforcement de la digue qui protège le site, situé en contrebas d’un canal, d’éventuelles inondations. En novembre dernier, EDF a fait savoir que le redémarrage de la centrale <a rel="nofollow noopener" href="https://www.ouest-france.fr/economie/edf-reporte-nouveau-le-redemarrage-de-la-centrale-du-tricastin-5384965" target="_blank">serait à nouveau reporté</a>.</p>
<p></p>
<p><a href="https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/nucleaire-tricastin-la-pire-centrale-du-pays-5547033">https://www.ouest-france.fr/environnement/nucleaire/nucleaire-tricastin-la-pire-centrale-du-pays-5547033</a></p>
</div>
</div>"Ils ferment des lignes ! Ouvrons nos bouches !"tag:epanews.fr,2018-03-08:2485226:BlogPost:29408682018-03-08T18:49:21.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><span>Bonjour à tous et toutes,</span></p>
<p><span>Ils ferment des lignes ! Ouvrons nos bouches ! </span><span>Un Collectif de salariés, de syndicalistes et d'usagers de la SNCF </span><span>signataires de <a href="http://initiatives-decroissantes.net/">l'Appel "Avant qu'il ne soit trop tard"</a> </span><span>vient de lancer un </span><span>Appel national pour un Plan B écolo et social à la SNCF sur une base antiproductiviste.</span></p>
<p><span>Nous publions sur…</span></p>
<p><span>Bonjour à tous et toutes,</span></p>
<p><span>Ils ferment des lignes ! Ouvrons nos bouches ! </span><span>Un Collectif de salariés, de syndicalistes et d'usagers de la SNCF </span><span>signataires de <a href="http://initiatives-decroissantes.net/">l'Appel "Avant qu'il ne soit trop tard"</a> </span><span>vient de lancer un </span><span>Appel national pour un Plan B écolo et social à la SNCF sur une base antiproductiviste.</span></p>
<p><span>Nous publions sur <a href="https://blogs.mediapart.fr/initiatives-decroissantes">notre blog</a> leur communiqué :</span></p>
<p></p>
<p><span>Salariés et syndicalistes de la SNCF et usagers de ce service public, </span><span>mais aussi signataires de l'appel à la convergence antiproductiviste </span><span>nous exigeons un grand débat public sur le devenir du chemin de fer. </span>Le statut des cheminots, loin d'être un obstacle à la transition écologique, est la condition du développement d'un grand service public ferroviaire. La France compte déjà deux fois moins de lignes ferroviaires (30000 kms) qu'à la création de la SNCF (60000 en comptant les lignes locales). La France est en retard par rapport aux autres pays comparables.</p>
<p>Le rail ne représente plus que moins de 10 % des trafics de personnes et de marchandises alors que ce mode de transport est le plus écologiste, le moins dangereux et, potentiellement, le plus juste socialement. Le rail ne représente que 2% de l'énergie consommée par les transports et 1 % seulement des émissions de gaz à effet de serre. Au moment où l'on abandonne le projet de Notre-Dame-des-Landes, il est incompréhensible qu'on s'en prenne aux chemins de fer.</p>
<p>Nous proposons donc d'ouvrir un grand débat national autour de dix questions :</p>
<p>1) Le développement prioritaire du fret ferroviaire.<br/>Le part du ferroutage est passée sous les 10 % en raison des choix politiques favorables aux transports routiers. Nous défendons le transport combiné rail-routes comme nous défendons le transport fluvial et par oléoduc.</p>
<p>2) le retour au maillage du territoire ce qui suppose d'abandonner le projet de supprimer 9000 km de lignes et le choix de rouvrir les lignes locales abandonnées et d'en créer de nouvelles.</p>
<p>3) l'instauration de la gratuité des transports dans les TER, comme dans les transports en commun urbains, car les <span>transports collectifs </span><span>sont le seul choix écologiquement et </span><span>socialement </span><span>responsables, </span><span>car la gratuité est la seule façon de réussir la transition écologique dans l'égalité.<br/></span><span>L'augmentation constante des tarifs a abouti en effet </span>à écarter les milieux populaires, déjà victimes de la gentrification urbaine, du ferroviaire, TER compris, et à privilégier les milieux aisés.</p>
<p><span>4 ) L'abandon du système hypercapitaliste de tarifs variables (yield management).</span></p>
<p>5) Le retour aux trains de nuit contre la grande vitesse.<br/>Les pays du Nord de l'Europe comme la Norvège, la Suède mais aussi l'Autriche prouvent le succès de ces trains. Le train de nuit est la meilleure alternative à l'avion. Nous soutenons le réseau européen au train de nuit Back on Track. </p>
<p>6) La démocratisation de la SNCF avec une réelle p<span>articipation </span><span>des cheminots et des usagers aux choix d'équipements ferroviaires </span><span>afin d'</span><span>avancer vers </span><span>une société des usagers maîtres de leurs usages.</span></p>
<p>7) la priorité absolue aux trains locaux sur les TGV.<br/>Une rame TGV coûte entre 40 et 50 millions d'euros contre 1,5 et 15 millions pour une rame TER.</p>
<p>8) Le retour du TER au ferroviaire contre l'autobus.<br/>On compte aujourd'hui 260 lignes trains et 240 autobus.</p>
<p>9) Le maintien de la SNCF comme établissement public</p>
<p>10) La défense des droits des salariés de la SNCF et d'ailleurs, contre la division créée par le pouvoir et la majorité des médias.</p>
<p><i><span>V</span><span>ous pouvez apporter votre soutien en donnant votre signature sur </span><a href="mailto:planbecoloetsocialpourlasncf@gmail.com" target="_blank" rel="noopener">planbecoloetsocialpourlasncf@gmail.com</a></i></p>
<p><i>Le secrétariat de cet appel est assuré par Paul Ariès pour la revue les Zindigné(e)s.<br/>Cet appel national est repris spontanément sous forme de pétition papier sur des lignes RER et dans des gares.</i><br/><br/></p>
<p><b><i>Plus d'info sur : <a href="http://initiatives-decroissantes.net/">http://initiatives-decroissantes.net</a> et <a href="https://blogs.mediapart.fr/initiatives-decroissantes">https://blogs.mediapart.fr/initiatives-decroissantes</a></i></b></p>"Il faut réduire les besoins à la source."tag:epanews.fr,2018-03-03:2485226:BlogPost:29398372018-03-03T18:27:50.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><em><strong>Diplômé de l’École centrale de Paris, Philippe Bihouix est actuellement ingénieur spécialiste des questions énergétiques et membre de <a href="https://www.institutmomentum.org/qui-sommes-nous/" rel="noopener" target="_blank">l’Institut Momentum</a>. Auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages, dont <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-age-des-low-tech-philippe-bihouix/9782021160727" rel="noopener" target="_blank">« L’âge des low techs »</a> et…</strong></em></p>
<p><em><strong>Diplômé de l’École centrale de Paris, Philippe Bihouix est actuellement ingénieur spécialiste des questions énergétiques et membre de <a href="https://www.institutmomentum.org/qui-sommes-nous/" target="_blank" rel="noopener">l’Institut Momentum</a>. Auteur ou co-auteur de plusieurs ouvrages, dont <a href="http://www.seuil.com/ouvrage/l-age-des-low-tech-philippe-bihouix/9782021160727" target="_blank" rel="noopener">« L’âge des low techs »</a> et <a href="https://comptoir.org/2016/10/05/karine-mauvilly-lecole-devient-un-objet-economique/" target="_blank" rel="noopener">« Le désastre de l’école numérique »</a> (avec Karine Mauvilly), sa spécialité et ses divers travaux l’ont amené à s’intéresser à la notion de décroissance et à une réflexion plus globale à propos du futur de nos sociétés. Avec nous, il a accepté de revenir sur ses livres et sur son parcours, en évoquant des sujets comme la convivialité, l’effondrement de notre système ou Internet.</strong></em></p>
<h4>Le Comptoir : Vous êtes ingénieur spécialisé dans les ressources énergétiques, et notamment dans les ressources minières. Pouvez-vous nous expliquer quel chemin vous a amené à vous intéresser à la décroissance ?</h4>
<p><strong><a href="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/bihouix.jpg"><img class="wp-image-24168 size-medium alignright" src="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/bihouix.jpg?w=300&h=270" alt="" width="300" height="270"/></a>Philippe Bihouix :</strong> Depuis quinze ans, je m’intéresse aux ressources non renouvelables, celles dont le stock ne se reconstitue pas à l’échelle d’une vie humaine. Cela inclut les énergies fossiles bien sûr, mais ce qui m’a rapidement passionné, ce sont les ressources métalliques. Si la problématique en est moins connue, moins médiatisée, elle n’en est pas moins fascinante, car si les énergies renouvelables sont théoriquement la réponse aux impacts négatifs ou à de futures pénuries des énergies fossiles, il n’y a, à part quelques balbutiements, pas de réponse équivalente pour les métaux. Et les énergies renouvelables réclament justement beaucoup de métaux, comme tous les objets technologiques qui nous entourent.</p>
<p>J’ai longtemps travaillé dans le conseil pour des industries aussi diverses que le pétrole et la chimie, l’aéronautique ou les télécommunications. Les années 2005 à 2008 ont vu flamber le cours des matières premières, avec la grande accélération de l’économie mondiale, tirée par une Chine désormais bien éveillée. C’était l’occasion de réfléchir à la durabilité de notre modèle économique, à la croissance forcément insoutenable, vus par le prisme des ressources.</p>
<p>C’est ainsi qu’est né un premier livre collectif (<a href="http://laboutique.edpsciences.fr/produit/9782759805495" target="_blank" rel="noopener"><em>Quel futur pour les métaux</em></a>, 2010). Je suis donc arrivé à la décroissance par la voie “environnementale”. Puisque nous basons notre civilisation industrielle sur la consommation inéluctable – et malheureusement pour partie non récupérable, non recyclable – d’un stock de ressources fini (même s’il peut être très important), nous devrons à un moment ou à un autre réduire cette consommation, et donc décroître. Je précise qu’évidemment, je ne réduis pas la question de la décroissance à cette question matérielle…</p>
<h4>Dans votre ouvrage <em>L’âge des low techs</em>, vous appelez de vos vœux l’arrivée d’une <em>« civilisation techniquement soutenable »</em> : vous commencez par faire un état des lieux des ressources énergétiques disponibles sur terre en évoquant à chaque fois leur possible pénurie prochaine. Vous proposez ensuite de substituer à la haute technologie une basse technologie : pouvez-vous expliquer concrètement ce que vous entendez par <em>« basses technologies »</em> ?</h4>
<p>Permettez-moi une précision. Dans <em>L’âge des low tech</em>, je ne dresse pas un état des lieux des ressources énergétiques, un exercice périlleux impliquant des considérations géologiques, économiques, technologiques complexes. On le voit sur les débats autour du pic de pétrole, selon qu’on y met ou non les pétroles et gaz non conventionnels : l’exploitation en est-elle énergétiquement ou économiquement soutenable, le pic sera-t-il un pic de l’offre ou de la demande, un pic géologique, ou un pic lié aux manques d’investissement et aux difficultés géopolitiques d’accès ?</p>
<p>Ce que j’ai essayé de montrer, c’est comment l’humanité a historiquement réussi à repousser les pénuries de matières premières grâce aux découvertes technologiques et aux énergies fossiles abondantes, en s’extrayant des limites naturelles – principalement “surfaciques” – imposées par la consommation de matériaux essentiellement renouvelables, végétaux et animaux. On ne pouvait continuer à lubrifier les machines à vapeur et les locomotives à l’huile de cachalot : chimie et pétrole sont arrivés à point nommé dans les années 1860. Et la productivité a augmenté de manière époustouflante, d’abord avec l’utilisation des moulins à eau et des machines à vapeur, puis de l’électricité et des instruments de contrôle, ensuite des chaînes automatisées, de l’informatique et des robots, jusqu’au déploiement numérique généralisé aujourd’hui.</p>
<blockquote><p><strong><em>« Les solutions technologiques viennent accélérer, plutôt que remettre en cause, le paradigme “extractiviste”. »</em></strong></p>
</blockquote>
<p>L’amélioration des techniques a ainsi permis l’accès à des ressources abondantes, tout en réduisant considérablement le temps de travail humain investi pour la production des produits finis, rendant possible notre incroyable niveau de consommation actuel – à l’échelle mondiale du moins, indépendamment des énormes disparités. Jusque-là, les économistes <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Cornucopien" target="_blank" rel="noopener">“cornucopiens”</a> des années 1970, opposés aux “malthusiens” de l’<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Halte_%C3%A0_la_croissance_%3F" target="_blank" rel="noopener">équipe Meadows</a> (<em>Les limites de la croissance</em>, 1972), n’auraient pas dit mieux : laissez faire l’innovation, et nous n’aurons jamais de problème. Pour Julian Simon (<em>The ultimate resource</em>, 1981) par exemple, la ressource ultime, c’est l’intelligence des êtres humains, et il ne faut donc craindre aucune pénurie, et ce d’autant plus que nous serons nombreux !</p>
<div id="attachment_24181" class="wp-caption aligncenter"><a href="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/venus_project1.jpg"><img class="wp-image-24181 size-large" src="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/venus_project1.jpg?w=1024&h=576" alt=""/></a><p class="wp-caption-text">Un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Venus_Project" target="_blank" rel="noopener">projet “cornucopien”</a> parmi d’autres</p>
</div>
<p>Mais il y a le revers de la médaille, les destructions environnementales sans précédent, auxquelles nous sommes maintenant confrontés. Surtout, les solutions technologiques viennent accélérer, plutôt que remettre en cause, le paradigme “extractiviste”. Elles aggravent les difficultés à recycler correctement et douchent les espoirs d’une économie circulaire, soit parce que les usages “dispersifs” augmentent (quantités très faibles utilisées dans les nanotechnologies et l’électronique ; multiplication des objets connectés…), soit parce que la complexité entraîne une dégradation de l’usage, un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/D%C3%A9cyclage" target="_blank" rel="noopener"><em>downcycling</em></a> des matières recyclées, du fait des mélanges (alliages, composites…) et des applications électroniques (déchets complexes à traiter).</p>
<p>S’il n’y a pas de sortie par le haut technologique, il nous faut donc repenser l’innovation, l’orienter vers l’économie de ressources et non vers le toujours plus de <em>high tech</em>. Les <em>low tech</em>, les basses technologies, consistent donc à réfléchir à trois questions : pourquoi, quoi et comment produire.</p>
<p>Pourquoi ? Il faut questionner nos besoins chaque fois que possible, faire sobre ou frugal, réduire les besoins à la source, travailler sur la baisse de la demande et pas juste sur l’émergence d’une offre plus “verte”. On peut imaginer toute une gamme d’actions, plus ou moins compliquées ou longues à mettre en œuvre, plus ou moins acceptables socialement : bannir le jetable, les supports publicitaires, l’eau en bouteille ; revenir à des emballages consignés, composter les déchets même en ville dense ; réduire la quantité de viande, l’incroyable gâchis alimentaire (25 à 30 % en Europe) ; brider progressivement la puissance et la vitesse des véhicules, et les alléger, avant de passer au vélo ; adapter les températures dans les bâtiments et enfiler des pullovers (il est bien plus efficace, plus simple, plus rapide, d’isoler les corps) ; optimiser l’utilisation des bâtiments publics pour réduire le besoin en surfaces, revisiter l’aménagement du territoire pour inverser la tendance à l’hyper mobilité ; etc.</p>
<blockquote><p><em><strong>« Roméo doit réapprendre à séduire Juliette (et réciproquement) en déclamant des poèmes plutôt qu’en conduisant sa grosse voiture. »</strong></em></p>
</blockquote>
<p>Quoi ? Il faut pousser la logique de l’écoconception bien plus loin qu’aujourd’hui, rechercher les technologies les plus appropriées, passées, présentes ou futures, permettre de recycler au mieux les ressources et augmenter la durée de vie de nos objets, les repenser en profondeur, les concevoir simples, robustes et conviviaux, réparables et réutilisables, standardisés, modulaires, à base de matériaux simples, faciles à démanteler, n’utiliser qu’avec parcimonie les ressources rares et irremplaçables, limiter le contenu électronique. Quitte à revoir le “cahier des charges”, accepter le vieillissement ou la réutilisation de l’existant, une esthétique moindre pour les objets fonctionnels, parfois une moindre performance, de l’intermittence, une perte de rendement ou un côté moins “pratique”…</p>
<p>Comment ? Il faut réinventer nos modes de production, remettre en question la course à la productivité et aux effets d’échelle dans les giga-usines, revoir la place de l’humain, le degré de mécanisation et de <a href="https://comptoir.org/2016/09/21/un-robot-ma-pique-mon-job/" target="_blank" rel="noopener">robotisation</a> parfois injustifié, notre manière d’arbitrer entre main-d’œuvre et ressources. Il ne s’agit pas de démécaniser jusqu’au rouet de Ghandi et la traction animale ! Mais en réimplantant des ateliers et des entreprises à taille humaine qui fabriquent des biens durables, équipés de quelques machines simples et robustes, on devrait pouvoir conserver une bonne part de la productivité actuelle, tout en baissant le contenu énergétique. Ces unités de fabrication, moins productives mais plus intensives en travail et plus proches des bassins de consommation, seraient articulées avec des réseaux de récupération, réparation, revente, et partage des objets du quotidien.</p>
<h4><a href="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/ivan-illich.jpg"><img class="alignright wp-image-24172 size-full" src="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/ivan-illich.jpg?w=1300" alt=""/></a>Le terme de <em>« convivialité »</em> revient très souvent dans vos travaux. La pensée d’<a href="https://comptoir.org/2014/09/23/vitesse-gigantisme-et-laisses-pour-compte-ledification-du-reseau-ferroviaire-americain/" target="_blank" rel="noopener">Ivan Illich</a> est-elle centrale dans votre réflexion ?</h4>
<p>La référence est explicite, mais on pourrait aussi parler de <a href="http://www.habiter-autrement.org/31_sud-nord/02_nsn.htm" target="_blank" rel="noopener">technologies appropriées</a> comme Ernst Friedrich Schumacher, d’autonomie ou d’hétéronomie avec André Gorz, ou suivre Lewis Mumford dans sa dénonciation du capitalisme “carbonifère”. Ce qui est essentiel, c’est de faire comprendre la différence fondamentale entre un vélo (qui requiert une haute technicité à sa fabrication, mais un savoir-faire accessible à tous pour l’entretien) et une voiture bardée d’électronique ou un smartphone.</p>
<h4>Pensez-vous, à l’instar des <a href="http://www.laviedesidees.fr/Introduction-a-la-collapsologie-3188.html" target="_blank" rel="noopener">collapsologues</a>, que le modèle de société qui découle du capitalisme finira par s’autodétruire ? Doit-on dès aujourd’hui anticiper une éventuelle catastrophe, un effondrement ?</h4>
<p>Je ne pense pas que l’effondrement sera forcément provoqué par la pénurie de ressources. Il y a bien d’autres facteurs possibles, bien plus rapides et avec moins de boucles de rattrapage ou d’atténuation, qui existent en partie pour les ressources et l’énergie. Sans faire la liste des plaies d’Égypte, il pourrait par exemple venir d’une nouvelle crise bancaire, plus aigüe que la précédente.</p>
<p>S’il fait peu de doute qu’à un moment ou à un autre, la pénurie de ressources se présentera, il est difficile de faire des prédictions : parce que toutes les dimensions − technique, économique, etc. − entreront en ligne de compte ; parce que nous pouvons encore aller fort loin dans la destruction de la planète, à condition d’en exploser les limites de régulation – ce que, pour l’instant, nous faisons joyeusement ; on peut creuser en Antarctique, aspirer le fond des océans, raser les dernières forêts tropicales… Nous en faisons un gâchis immense et il ne serait pas si difficile de réduire drastiquement leur consommation en peu de temps, sans effondrement. Qu’on pense à la baisse de production électrique au Japon après le tsunami de 2011 : de 25 à 30 %, en une journée – ils ont arrêté la climatisation, les escalators, certaines usines…</p>
<p>La pénurie pourrait être un facteur aggravant pendant ou après un effondrement. Par exemple, on pourrait s’apercevoir que le montant “provisionné” pour gérer les déchets nucléaires et les centrales en fin de vie est virtuel, quelques électrons sur un disque dur de banque, et que ce sera une autre paire de manches pour les convertir “dans la vraie vie” en robots, équipements, salaires.</p>
<p>Bref, j’ai du mal à me projeter dans la catastrophe ou l’après-catastrophe – peut-être cela m’aide-t-il à dormir après tout. Si vous me pardonnez une métaphore aéronautique, je préfère contribuer à trouver comment sortir le train d’atterrissage, même si la piste est trop courte et les moteurs en flamme. Cela n’empêche pas de lorgner la sortie de secours ou vérifier la présence de gilets de sauvetage.</p>
<div id="attachment_24174" class="wp-caption aligncenter"><a href="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/tchernobyl.jpg"><img class="wp-image-24174 size-full" src="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/tchernobyl.jpg?w=1300" alt=""/></a><p class="wp-caption-text">Les villes mortes de Tchernobyl et Pripyat, Ukraine</p>
</div>
<h4>Vous affirmez que la décroissance ne pourra advenir qu’après un changement de système de valeurs important, ce qui pose la question des mœurs de notre société. Nous parlons ici d’une véritable révolution culturelle, puisqu’il s’agit grossièrement de passer d’une société de l’illimitation et du consumérisme à une société du “réenracinement” et de la modération. Comment une telle révolution pourrait-elle advenir sans faire de dégâts ?</h4>
<p>La composante culturelle, et même anthropologique, est indispensable. Après tout, nous partageons 98 % de nos gènes avec des chimpanzés qui vivent en bandes hiérarchisées et se chamaillent en permanence. Il faut l’accepter et, si nous voulons maintenir la planète dans un état d’habitabilité convenable, trouver une autre manière que la consommation d’énergie et d’objets polluants pour marquer nos différences. Roméo doit réapprendre à séduire Juliette (et réciproquement) en déclamant des poèmes plutôt qu’en conduisant sa grosse voiture.</p>
<p>Comment donner un coup de frein suffisamment brusque, mais sans la sortie de route qui l’accompagne parfois ? Pour les pays occidentaux, il faudrait viser une division par trois ou quatre de la consommation d’énergie finale à un horizon de 15 à 25 ans. C’est théoriquement réalisable, sans révolution ni effondrement, avec les moyens techniques et financiers existants. Mais les dimensions politique et sociale sont moins évidentes.</p>
<blockquote><p><em><strong>« Il faut que l’utilité de nos équipements électroniques soit bien grande pour accepter collectivement un tel coût environnemental. »</strong></em></p>
</blockquote>
<p>Il faudra en tout cas donner à la population des perspectives enthousiasmantes, mais aussi des compensations immédiates. Donner du sens et de l’espoir, pas juste “du sang et des larmes” ou du “serrage de ceinture pour les générations futures”. Une piste est de s’orienter vers un système (économique, industriel, commercial…) post-croissance de plein-emploi, ou de pleine activité, parfaitement atteignable.</p>
<h4>Vous rappelez régulièrement dans votre réflexion que la décroissance amènerait nécessairement à faire quelques sacrifices sur nos modes de vie. Or, nous vivons dans une société du loisir qui ne cesse de s’étendre, et dans laquelle la notion de plaisir est importante pour tout le monde. Un exemple personnel : j’adore assister à des concerts, tout en sachant que ces événements sont très coûteux en énergie. Des milliers de personnes bâtissent une partie de leur vie sur des passions coûteuses en énergie qui coexistent au sein de notre société. Comment peut-on alors faire un tri “juste” entre le nécessaire et le superflu ?</h4>
<p>Pour vivre dans l’abondance, il faut limiter ses besoins – ce que recommandaient sagement les Anciens. La route du vrai bonheur, nous dit Rousseau, est de <em>« diminuer l’excès des désirs sur les facultés et</em> […] <em>mettre en égalité parfaite la puissance et la volonté. »</em></p>
<p>Plus facile à dire qu’à faire, cher Jean-Jacques ! Les désirs de l’être humain sont potentiellement extensibles à l’infini, nourris par la rivalité mimétique : les riches consomment de manière ostentatoire et se mesurent à la taille de leurs yachts, tandis que les plus modestes envient la voiture de leur voisin (cf. <a href="https://www.universalis.fr/encyclopedie/thorstein-veblen/" target="_blank" rel="noopener">Thorstein Veblen</a>). Il est délicat de tracer “scientifiquement” une frontière entre besoins fondamentaux et superflu, qui fait aussi le sel de la vie.</p>
<p>Pour les concerts, vous pouvez tenter une reconversion vers la musique classique, essentiellement produite à l’énergie (humaine) renouvelable, à condition de fermer les yeux sur les déplacements des musiciens, ou bien vous rassurer en vous disant que votre passion aurait pu être le parachutisme ou les ascensions des pics de plus de 6 000 mètres.<a href="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/decroissance.jpg"><img class="alignright wp-image-24170 size-large" src="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/decroissance.jpg?w=1024&h=610" alt=""/></a></p>
<h4>Dans votre réflexion, vous abordez peu la question de l’État. À votre avis, doit-on s’appuyer sur l’État pour provoquer un changement radical de société, ou doit-on s’en passer ?</h4>
<p>J’avoue un fond de jacobinisme, résultat de mes études sans doute. Je ne sous-estime pas la collusion entre État et capitalisme naturellement. Mais le fait est que pour mener la transition, un État – qui le voudrait vraiment – serait particulièrement bien placé : par la puissance prescriptive des achats publics (quel contenu en emploi des produits et services achetés, quelle prise en compte du cycle de vie des produits par exemple) ; par les mécanismes de soutien à l’innovation (subventionne-t-on les <em>fab labs</em> et les start-up numériques, ou les expériences de recycleries – ressourceries et l’agroforesterie) ; par son pouvoir normatif et réglementaire, qui reste énorme ; par le système fiscal enfin, qui, en asseyant l’ensemble des cotisations sociales sur le travail humain, favorise son remplacement par les machines. Et l’on pourrait ajouter, par son pouvoir d’entraînement et d’exemplarité (faut-il accélérer et accompagner le mouvement vers un monde toujours plus technologique, ou au contraire faire contrepoids aux métamorphoses du monde), voire même de “propagande”.</p>
<blockquote><p><strong><em>« Internet est sans doute un bien commun, mais il n’est pas plus “écologiquement gratuit” qu’il n’est “économiquement gratuit”. »</em></strong></p>
</blockquote>
<p>Mais le niveau étatique n’est pas tout, et trois autres niveaux sont également essentiels et à articuler en même temps : les comportements personnels et familiaux, les expériences au niveau local et territorial (associations, tissu social, etc.), les négociations européennes et internationales. Quelques maux de crâne en perspective, non ?</p>
<h4>La question écologique infuse lentement au sein des sociétés occidentales, mais reste encore souvent prisonnière de deux écueils. Le premier est celui du “développement durable”, qui consiste à repeindre le capitalisme en vert. Le second est ce que Jean-Claude Michéa appelle la <em>« décroissance luthérienne »</em>, à savoir une écologie radicale teintée de religiosité, – comme <a href="https://comptoir.org/2017/11/29/pierre-rabhi-collectivement-nous-creons-nous-memes-la-fin-de-notre-histoire/" target="_blank" rel="noopener">chez les Colibris</a> –, tentée de sous-estimer les rapports de forces existant au sein de la société, et qui peut faire fuir les écologistes les plus progressistes. Existe-t-il pour vous une “troisième voie” ?</h4>
<p>Disons plutôt que si elle n’existe pas, nous sommes mal partis, non ? Il va donc bien falloir la tenter…</p>
<h4>Récemment, vous avez <a href="https://comptoir.org/2016/10/05/karine-mauvilly-lecole-devient-un-objet-economique/" target="_blank" rel="noopener">publié avec Karine Mauvilly <em>Le désastre de l’école numérique</em></a>, un ouvrage consacré aux excès du numérique dans l’éducation, contenant un appel à une “école sans écran”. Ce livre a été assez durement critiqué par l’enseignant-chercheur Bruno Devauchelle <a href="http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2016/08/30082016Article636081365315104476.aspx" target="_blank" rel="noopener">dans un billet publié sur le site des <em>Cahiers pédagogiques</em> en août 2016</a>. Devauchelle vous reproche notamment d’y prendre pour point de départ de votre réflexion une célèbre rumeur selon laquelle les cadres de la Silicon Valley placeraient leurs enfants dans des écoles sans écran. Il vous reproche en outre de faire l’impasse sur certains penseurs importants et d’être dans une posture de dénigrement systématique. Que répondriez-vous à ces critiques ?</h4>
<p>Rien d’étonnant à la réaction un peu épidermique de Bruno Devauchelle, puisqu’il fait partie des penseurs du numérique gentiment étrillés dans notre livre. Disons que sous couvert d’une analyse objective, il nous reproche doctement d’être donneurs de leçons… tout en voulant nous en donner une, puisque notre ton polémique manque décidément de rigueur universitaire. Et de nous expliquer que nous aurions dû citer Ellul, Simondon ou Condorcet. Pauvre Ellul, appelé à la rescousse par un promoteur du <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Bring_your_own_device" target="_blank" rel="noopener"><em>“bring your own device”</em></a>, proposant d’utiliser les téléphones portables en classe, et rêvant même à ses heures perdues à des <a href="http://www.brunodevauchelle.com/blog/?p=1891" target="_blank" rel="noopener"><em>« ascenseurs pédagogues »</em></a> qui offriraient <em>« des activités d’apprentissage, de perfectionnement »</em> entre deux étages. Mais je m’arrête là, car je sens poindre ma posture de dénigrement systématique…</p>
<h4>Depuis des années, <a href="https://comptoir.org/2014/11/11/grandeurs-et-miseres-de-leducation-a-la-francaise/" target="_blank" rel="noopener">l’Éducation nationale se libéralise</a> et adopte la gestion et les méthodes entrepreneuriales : management musclé, politique de communication amenant à faire des établissements une vitrine pour les chefs d’établissement, manque de personnels… Finalement, l’école ne souffre-t-elle pas d’un mal plus grand que le numérique, qui est certes mal utilisé aujourd’hui ?</h4>
<p>Les maux de l’école n’ont pas commencé avec le numérique, et notre école sans écrans n’est en rien une proposition de retour à l’école d’avant.</p>
<h4>Le numérique a pris une place considérable dans nos sociétés, et est souvent perçu à tort comme une technologie propre. En effet, les <em>data centers</em> poussent comme des champignons partout dans le monde, et le simple fait d’envoyer un courriel génère déjà une dépense d’énergie. L’Internet écologique est-il un mythe ?</h4>
<p>Naturellement. Le numérique n’a rien de virtuel. Derrière nos terminaux, il mobilise toute une infrastructure : millions de serveurs locaux, de bornes Wi-Fi, d’antennes-relais, de routeurs, de câbles terrestres et sous-marins, de satellites, et les fameux centres de données (<em>data centers</em>). Toutes ces technologies ont un impact environnemental majeur, à tous les stades de leur cycle de vie. Et ce dès l’extraction des dizaines de métaux rares contenus dans les ordinateurs, car les industries minières et métallurgiques comptent parmi les activités humaines les plus polluantes : destruction de sites naturels, consommation d’eau et d’énergie, rejets de soufre ou de métaux lourds, utilisation de produits chimiques nocifs comme le cyanure, génération de déchets miniers… Et en fin de vie, car les déchets électroniques sont parmi les plus complexes à traiter : le taux de recyclage de nombreux métaux rares est ainsi ridiculement bas, souvent inférieur à 1 %, un terrible gâchis pour les générations futures. Pendant l’utilisation, car le numérique consomme environ 10 % de l’électricité mondiale, mais aussi au cours de la fabrication, car la réalité de l’industrie électronique est fort éloignée de l’image du technicien en blouse blanche. Pour produire les fameuses puces au silicium par exemple, on utilise une grande quantité d’eau qu’il faut purifier en amont puis traiter en aval, mais aussi du coke de pétrole, du charbon, toute une gamme de produits chimiques – ammoniaque, chlore, acides…</p>
<p><a href="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/center.jpg"><img class="wp-image-24176 size-large aligncenter" src="https://comptoirdotorg.files.wordpress.com/2018/02/center.jpg?w=1024&h=683" alt=""/></a>Il faut que l’utilité de nos équipements électroniques soit bien grande pour accepter collectivement un tel coût environnemental. Internet est sans doute un bien commun, mais il n’est pas plus “écologiquement gratuit” qu’il n’est “économiquement gratuit”.</p>
<p>Certes, des progrès techniques sont faits et vont être faits, avec le <em><a href="https://www.greenit.fr/definition/" target="_blank" rel="noopener">green IT</a></em>, l’informatique “verte”, et il y a aussi l’espoir d’effets environnementaux bénéfiques, un monde où tout sera bien mieux optimisé, où les outils et services numériques seront facteurs d’efficacité et de sobriété : covoiturage plus accessible, transports collectifs simplifiés et mieux interconnectés, déplacements urbains fluidifiés dans des “villes intelligentes” (<em>smart cities</em>), économie de la fonctionnalité réduisant le besoin en équipement individuel, prêt de matériel, revente d’occasion…</p>
<p>Las, ce serait oublier l’effet rebond. Le volume des données traitées, échangées et stockées explose. Malgré tous les progrès techniques, il faut donc agrandir en permanence les centres de données, dérouler de nouveaux câbles océaniques, compléter ou <em>upgrader</em> les réseaux d’accès… Et l’avènement combiné des objets connectés (on nous en promet des dizaines de milliards pour bientôt) et du Big data, c’est-à-dire la massification et la multiplication des données brutes captées et conservées à des fins d’analyse et d’exploitation futures, s’apprête à faire encore bondir les chiffres.</p>
<blockquote><p><em><strong>« Il faudrait une profonde remise en cause des pratiques existantes pour réfléchir à nos besoins réels et réussir la mise en œuvre d’une sobriété intelligente. »</strong></em></p>
</blockquote>
<p>Pourtant, les pistes sont nombreuses, et nous pourrions réduire drastiquement – de plus de 90 %, sans aucun doute – l’impact environnemental du système numérique : en évitant les réseaux d’infrastructure et les systèmes redondants ; en privilégiant les accès filaires, bien moins énergivores ; en concevant correctement les logiciels et l’architecture des centres de données ; en renonçant à la course au débit, au temps réel et à l’immédiateté, très consommateurs d’équipement et générateurs de trafic supplémentaire ; en réduisant les fonctionnalités et les performances superflues ; en travaillant sur la durée de vie des équipements, par la modularité, la “réparabilité”, la compatibilité entre eux…</p>
<p>Mais il faudrait une profonde remise en cause des pratiques existantes, des modèles économiques, des approches réglementaires, des schémas culturels, des méthodes d’éducation, pour réfléchir à nos besoins réels et réussir la mise en œuvre d’une sobriété intelligente. Nous en sommes très loin. </p>
<p></p>
<p>Philippe Bihouix</p>
<p></p>
<p>file:///Users/utilisateur/Desktop/Philippe%20Bihouix%20:%20«%C2%A0Il%20faut%20réduire%20les%20besoins%20à%20la%20source%C2%A0»%20–%20Le%20Comptoir.webarchive</p>Communiqué : Soutien aux opposants à la future décharge nucléaire de Buretag:epanews.fr,2018-02-25:2485226:BlogPost:29372622018-02-25T11:37:10.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><b>Dans le cadre de l'appel "Demain il sera trop tard", nous souhaitons à travers ce communiqué exprimer notre soutien avec les occupants du Bois Lejuc dans la Meuse mais aussi l'urgence de sortir de l'impasse croissanciste et productiviste dont ces grands projets inutiles et imposés ne sont que la partie visible d'un imaginaire mortifère.</b></p>
<p><span>Le 22 février au matin les forces de l'ordre ont délogé les opposants au futur centre d'enfouissement des déchets nucléaires les plus…</span></p>
<p><b>Dans le cadre de l'appel "Demain il sera trop tard", nous souhaitons à travers ce communiqué exprimer notre soutien avec les occupants du Bois Lejuc dans la Meuse mais aussi l'urgence de sortir de l'impasse croissanciste et productiviste dont ces grands projets inutiles et imposés ne sont que la partie visible d'un imaginaire mortifère.</b></p>
<p><span>Le 22 février au matin les forces de l'ordre ont délogé les opposants au futur centre d'enfouissement des déchets nucléaires les plus dangereux qui occupaient le Bois Lejuc, elles ont aussi investi la Maison de la Résistance à Bure.</span></p>
<p><span>Les initiateurs de <a href="http://initiatives-decroissantes.net/" class="m_81861435318102986external" target="_blank" rel="noopener">l'appel "demain, il sera trop tard"</a> soutiennent les occupants du Bois Lejuc dans la Meuse.</span></p>
<p></p>
<div class="m_81861435318102986gmail-media m_81861435318102986gmail-media-align-center m_81861435318102986gmail-media-image m_81861435318102986gmail-format-50-pcent"></div>
<p></p>
<p><span>Cette occupation était la façon la plus efficace trouvée, pour lutter contre la construction d'un centre d'enfouissement des déchets radioactifs de très haute activité à Bure. </span><span>Ce centre symbolise l'impasse nucléaire qui nous lègue des problèmes insolubles. Comment peut on nous assurer que ces déchets seront inoffensifs pendant plusieurs centaines de milliers </span><span>d'années, alors que des tremblements de terre ou d'autres bouleversements géologiques peuvent se produire bien avant ?</span></p>
<p><span>Même le responsable de la sureté nucléaire, l'ASN, a reconnu que 20 % des déchets prévus pouvaient poser problème, et notamment un risque d'incendie et de relarguage d'hydrogène radioactif. </span><span>L'enjeu est clair, plutôt que d'enfouir il faudrait déjà mettre fin à la production de déchets radioactifs en arrêtant le nucléaire <b>et en adaptant notre mode de vie à un modèle plus sobre en énergie .<br/></b></span></p>
<p><span>La lutte contre l'enfouissement des déchets date des années 1980 -1990 lorsque le gouvernement s'était enfin inquiété du devenir des déchets une fois toutes les centrales </span><span>construites. </span><span>L’intervention policière du 22 février pour évacuer le bois Lejuc alors que de nombreuses actions en justice sont encore en cour est inacceptable.</span></p>
<p><span>Nous répondrons massivement aux appels et décisions qui seront prises par <b>les opposants à l'enfouissement de Bure </b>et la population locale jusqu'à l’abandon définitif de ce projet irrationnel et criminel, et l'occupation du territoire pour des années par les forces de l'ordre, (une sorte de "<i>ZAD policière</i>" en négatif ) ne nous en dissuadera pas.</span></p>
<p><b>Jean-Luc Pasquinet,</b> pour le collectif initiatives décroissantes pour une convergence antiproductiviste.</p>
<p class="m_81861435318102986gmail-m_7273885366943602716m_-8664659764513573233m_8429475778103330808m_422168201558114184gmail-m_-9038153509032997268gmail-m_6909396488222650328gmail-m_3821147478031440634m_3698596753607790831m_4404459244429921042m_2383676142886703497m_-6439688695064695077m_4894071022785051985gmail-Style1 m_81861435318102986gmail-m_7273885366943602716m_-8664659764513573233m_8429475778103330808m_422168201558114184gmail-m_-9038153509032997268gmail-m_6909396488222650328gmail-m_3821147478031440634m_3698596753607790831m_4404459244429921042m_2383676142886703497m_-6439688695064695077m_4894071022785051985gmail-Style2 m_81861435318102986gmail-m_7273885366943602716m_-8664659764513573233m_8429475778103330808m_422168201558114184gmail-m_-9038153509032997268gmail-m_6909396488222650328gmail-m_3821147478031440634m_3698596753607790831m_4404459244429921042m_2383676142886703497m_-6439688695064695077m_4894071022785051985gmail-Style8" align="center"><a href="http://initiatives-decroissantes.net/" target="_blank" rel="noopener"><img src="http://initiatives-decroissantes.net/2-cagouilles.jpg" class="m_81861435318102986gmail-m_7273885366943602716m_-8664659764513573233m_8429475778103330808m_422168201558114184gmail-CToWUd m_81861435318102986gmail-CToWUd" width="300" height="97" border="0"/></a></p>
<div align="center"><a href="http://initiatives-decroissantes.net/" target="_blank" rel="noopener">http://initiatives-decroissantes.net/</a><br/><a href="https://blogs.mediapart.fr/initiatives-decroissantes" target="_blank" rel="noopener">https://blogs.mediapart.fr/initiatives-decroissantes</a><br/><a href="mailto:contact@initiatives-decroissantes.net" target="_blank" rel="noopener">contact@initiatives-decroissantes.net</a></div>
<p></p>"... faire émerger le nouveau monde qu’il est urgent de faire naitre pour que la paix soit préservée."tag:epanews.fr,2018-02-24:2485226:BlogPost:29373162018-02-24T16:10:52.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<div class="insert-page insert-page-8868"><a href="https://melenchon.fr/2018/02/20/le-kosovo-etat-croupion-a-deja-10-ans/">Le Kosovo, État croupion, a déjà 10 ans</a></div>
<div class="wp-caption alignright" id="attachment_8885"><a href="https://melenchon.fr/2018/02/20/le-kosovo-etat-croupion-a-deja-10-ans/" rel="attachment wp-att-8885"><img alt="kosovo" class="lazy size-medium wp-image-8885 disappear appear lazy-loaded" height="150" src="https://melenchon.fr/wp-content/uploads/2018/02/kosovo-300x150.jpg" width="300"></img></a><p class="wp-caption-text">Crédits photo : David Liuzzo</p>
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<div class="insert-page insert-page-8868"><p>Le 17 février, c’était le…</p>
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<div class="insert-page insert-page-8868"><a href="https://melenchon.fr/2018/02/20/le-kosovo-etat-croupion-a-deja-10-ans/">Le Kosovo, État croupion, a déjà 10 ans</a></div>
<div id="attachment_8885" class="wp-caption alignright"><a href="https://melenchon.fr/2018/02/20/le-kosovo-etat-croupion-a-deja-10-ans/" rel="attachment wp-att-8885"><img class="lazy size-medium wp-image-8885 disappear appear lazy-loaded" src="https://melenchon.fr/wp-content/uploads/2018/02/kosovo-300x150.jpg" alt="kosovo" width="300" height="150"/></a><p class="wp-caption-text">Crédits photo : David Liuzzo</p>
</div>
<div class="insert-page insert-page-8868"><p>Le 17 février, c’était le 10<sup>ème</sup> anniversaire de la déclaration unilatérale d’indépendance du Kosovo. 10 ans plus tard, une grande partie de la communauté internationale ne reconnait pas cette déclaration d’indépendance. C’est le cas de 80 pays, par exemple de la Chine, la Russie, le Brésil, l’Inde, l’Espagne ou la Grèce. Mais aussi de l’Union européenne. Je veux revenir sur cet évènement car il a son importance dans la déstabilisation de l’ordre international dont nous subissons aujourd’hui les conséquences.</p>
<p>Le 23 mars 1999, l’OTAN décide de bombarder le territoire yougoslave et sa région du Kosovo. 13 000 morts pour la bonne cause ! Celle-ci était déstabilisée par une vague de violences entre Albanais et Serbes depuis 1996 en raison de l’action déstabilisatrice d’une organisation « nationaliste » kosovare, l’UCK et de la répression du gouvernement serbe qui s’en est suivie. Les États-Unis se sont alors érigés en défenseurs des minorités et du Bien pour justifier leur intervention militaire comme ils le feront plus tard dans le cas de l’Irak. Et comme ils le font partout. Comme ils le font pour prendre la main sur une zone. Ici il s’agissait de rayer de la carte l’influence politique de la Serbie. Bien sûr, il s’agissait essentiellement de propagande guerrière. Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les conséquences de leurs bombardements. D’après l’association humanitaire <em>Human Rights Watch,</em> ils ont entrainé la mort de 528 civils, dont deux tiers de réfugiés kosovars, censés être protégés par l’intervention américaine. Les manipulations médiatiques pour camoufler des bombardements en « opération humanitaire » ont été largement analysées dans le livre de Serge Halimi et Dominique Vidal « <em>L’opinion, ça se travaille</em> ».</p>
<p>La guerre du Kosovo est un cas d’école de l’alignement médiatique sur les éléments de langage fournis par l’armée américaine. Les journaux atlantistes français se sont encore couverts de honte. Mais leurs méthodes de bourrage de crâne et de saturation de l’opinion par des manipulations est cependant efficace, il faut bien en convenir. Dix ans, après le lavage de cerveau tient ses effets : personne ne se rappelle de rien, le mot Kosovo a disparu du vocabulaire mémorisé. Les trafics d’organes prélevés sur les prisonniers par les héros libérateurs du Kosovo sont passé inaperçus, l’installation d’une base géante des USA dans l’État croupion n’a pas été commentée. La responsabilité des mafias albanaises protégées par le pouvoir dans ces trafics et quelques autres ne se discute pas. Et pas davantage n’ont été à la une les révélations de la présidente du Tribunal Pénal International révélant qu’elle avait été menacée par les voyous kosovars. Le Kosovo est presque une réussite parfaite des capacités de manipulation du soft power médiatique contemporain.</p>
<p>À l’époque, étant donnée l’asymétrie des forces, l’offensive de l’OTAN a rapidement mené au retrait de l’armée yougoslave. Le 10 juin 1999, le conseil de sécurité de l’ONU adopte à l’unanimité une résolution de compromis qui admet la présence de forces de l’OTAN au Kosovo avec des pouvoirs de police très importants mais dans le même temps réaffirme la souveraineté de la République yougoslave (qui deviendra la Serbie) sur sa province sud, le Kosovo. La présence militaire de l’OTAN est conçue dans la cadre d’un statut inédit de protectorat international provisoire. L’indépendance du Kosovo n’est pas envisagée. Elle ne pourrait pas être acceptée, en particulier par la Russie dont l’allié historique dans les Balkans est la Serbie. Blablabla. Tout cela sera foulé aux pieds et les habituels thuriféraires de « la communauté internationale » ont fermé leurs grandes bouches.</p>
<p>La situation a vite évolué. L’ONU rouvre ensuite les négociations sur le statut du Kosovo en 2006. Des vagues de violence télécommandées gâchaient opportunément le paysage. Les organisations « nationalistes » kosovares s’en donnaient à cœur joie. Le résultat de ces négociations est inacceptable pour la Serbie : c’est le plan Ahtisaari. Il propose de fait l’indépendance du Kosovo. Plus précisément, il propose tous les attributs de l’indépendance. L’ONU ne peut pas déclarer l’indépendance d’un État qui procède uniquement de deux actes : une déclaration et la reconnaissance par la communauté internationale. Comme prévu, la résolution présentée devant le conseil de sécurité est cette fois refusée, du fait de l’opposition évidente de nombreux pays et notamment de la Chine et de la Russie. Qu’importe, les États-Unis ont décidé que leur protectorat devait se séparer de la Serbie. Ainsi, le 17 février 2008, le Parlement kosovar déclare unilatéralement son indépendance et sa sécession de la Serbie.</p>
<p>Cette indépendance est immédiatement reconnue par les États-Unis et leurs alliés. Ils trahissent donc la parole qu’ils avaient donné 9 ans plus tôt en votant la résolution reconnaissant la souveraineté de la Serbie sur le Kosovo. Bien sûr, la souveraineté du Kosovo est essentiellement imaginaire. 19 ans après 1999, les troupes de l’OTAN sont toujours présentes massivement au Kosovo qui dépend entièrement de cette présence pour son existence. L’enclave, privée de toutes ressources, n’en finit pas de plonger dans la misère : le taux de chômage chez les jeunes y atteint 60%. Le Kosovo n’existe pas. Cette enclave est ingouvernable et non viable.</p>
<p>Au plan des relations internationales, le résultat de cet épisode de l’Histoire est la rupture des règles sur lesquelles repose la confiance entre les puissances. La Chine et la Russie ne croient plus la parole américaine. C’est la raison pour laquelle, aujourd’hui, elles ne peuvent plus compter sur la simple bonne foi des États-Unis pour accepter des résolutions au Conseil de sécurité dès que le contenu permet une interprétation guerrière par les USA et leurs supplétifs. Le précédent du Kosovo a porté un coup au principe d’intangibilité des frontières en Europe, un pilier de la stabilité géopolitique sur notre continent. Dès lors, on comprend par exemple que le ministre des affaires étrangères russe y fasse référence pour justifier le rattachement de la Crimée à la Russie en 2014. Même si, à la différence des Américains et de leurs alliés, les russes n’ont bombardé personne en Crimée.</p>
<p>L’affaire du Kosovo est un exemple parmi d’autres de la façon dont les États-Unis, par leurs actions agressives, déstabilisent l’ordre international. Quant à notre pays, il ne peut pas, en étant dans l’OTAN, promouvoir le respect du droit international et de l’ONU comme cadre de dialogue entre les États. En redevenant indépendants, le moment venu, la France pourra au contraire contribuer à faire émerger le nouveau monde qu’il est urgent de faire naitre pour que la paix soit préservée. Un monde où les États-Unis auront été ramené à la raison.</p>
<p><a href="https://melenchon.fr/2018/02/20/la-semaine-ou-lallemagne-atteint-le-point-godwin/">https://melenchon.fr/2018/02/20/la-semaine-ou-lallemagne-atteint-le-point-godwin/</a></p>
</div>15 - "Une “révolution démocratique” - celle qui commencerait d’instituer une réelle capacité d’exercer la souveraineté populaire."tag:epanews.fr,2017-04-19:2485226:BlogPost:27726852017-04-19T09:25:48.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">La façon dont la nouvelle Renaissance revisite la philosophie moderne de l’émancipation sert aussi de guide pour revisiter tous les héritages institutionnels et symboliques de la modernité : l’État, la nation, l’économie marchande, la démocratie, l’urbanisation, etc. Il suffit en effet de décliner le principe clé révélé par la refondation anthropologique du projet d’émancipation : les liens qui…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">La façon dont la nouvelle Renaissance revisite la philosophie moderne de l’émancipation sert aussi de guide pour revisiter tous les héritages institutionnels et symboliques de la modernité : l’État, la nation, l’économie marchande, la démocratie, l’urbanisation, etc. Il suffit en effet de décliner le principe clé révélé par la refondation anthropologique du projet d’émancipation : les liens qui libèrent.</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi, par exemple, la nouvelle Renaissance, si elle advient, revisitera l’idée de nation ; elle retiendra le meilleur de cette idée moderne : la communauté constituée par un peuple souverain. Mais une communauté ouverte et respectueuse des autres nations, consciente que la meilleure garantie de sa propre souveraineté consiste à reconnaître également celle des autres peuples et donc à trouver le moyen de s’entendre et de coopérer avec eux. Ainsi, la nation nationaliste (lien qui enferme et aliène) devient la république internationaliste (lien qui libère).</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi encore, la nouvelle république ne saurait consister en une communauté politique abstraite qui méprise toutes les appartenances sociales singulières, les communautés de proximité ou les communautés symboliques diversifiées dans lesquelles les individus déploient leur existence. Elle doit bannir autant le repli communautariste que l’homogénéité totalitaire. Et cela suppose de ne pas privilégier une forme de lien social sur une autre (communautaire ou national), mais de s’engager dans le renforcement de tous les liens ; des liens ouverts les uns aux autres , ouverts au métissage, c’est-à-dire des liens qui libèrent en élargissant et diversifiant l’espace de déploiement des existences singulières.</span><br/>
<span class="font-size-5">Arrivé à ce point, le lecteur qui m’a suivi jusqu’ici aura déjà compris comment ce principe de la nouvelle émancipation – les liens qui libèrent – permettra à la nouvelle Renaissance de revisiter aussi la famille, le travail, la politique de la ville, les échanges nationaux et internationaux, bref, tous les cercles de relations qui peuvent constituer une société du progrès humain. Cette société, je l’ai décrite, on la connaît, elle est accessible par une transition démocratique. Le premier piège systémique qui nous maintient à l’écart de cette seule issue possible à la Grande Régression est tout simplement une défaillance de l’entendement qui reste prisonnier d’une pensée erronée, autrefois utile à la minorité qui tire profit du blocage de notre société au fond de son impasse.</span><br/>
<span class="font-size-5">Mais il est un autre piège susceptible d’entraver l’avènement pacifique d’une renaissance, quand bien même la majorité des esprits reconnaîtrait enfin la voie du progrès humain. Il ne suffit pas en effet que l’issue à la Grande Régression sorte du brouillard et soit reconnue par le plus grand nombre. Il faut encore transformer ce bien commun théorique en action collective. Cela pourrait sembler assez simple dans des sociétés où il suffit de voter pour changer d’orientation politique. Mais cet autre trait de la modernité – la démocratie – a, lui aussi, contracté une maladie qui recèle un piège antidémocratique.</span><br/>
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<b><i><span class="font-size-5">La démocratie piégée par elle-même</span><br/>
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<span class="font-size-5">Dans nos “démocraties libérales”, aussi dites “représentatives”, passer d’un bien commun théorique à la transformation effective de la société suppose au minimum : des citoyens informés sur l’état des possibles et qui se mobilisent en masse pour voter ; des représentants “représentatifs”, c’est-à-dire qui offrent (entre autres) les projets de transformation sociale répondant aux attentes populaires ; une démocratie effective qui autorise la transformation réelle de la volonté populaire en actes de gouvernement. Or, aujourd’hui, aucune de ces conditions minimales n’est satisfaite. La citoyenneté se dissout peu à peu dans la dissociété installée ou confortée tout au long de la Grande Régression. Des individus dissociés, soumis au stress de la compétition permanente, survivent au monde brutal qu’on leur impose, soit par la régression dans le délire narcissique qui leur est offert pour modèle, soit grâce au repli défensif sur quelques espaces d’humanité préservés (famille, copains, etc.). Cette résilience renforce paradoxalement la déliaison sociale. En effet, plus les individus s’adaptent aux souffrances infligées par la dissociété, moins ils combattent les politiques qui les engendrent. Nombre de “citoyens” anesthésiés par la consommation, intoxiqués par le stress, tétanisés par la peur, abrutis et manipulés par la télévision et, finalement, dégoûtés par la politique de leurs élus, composent une masse atomisée qui ne vote plus, ou vote à proprement parler “n’importe comment”, en réaction, à l’humeur, à “la tête du client”. Ainsi s’installe une</span> <i><span class="font-size-5">démocratie sans citoyens.</span><br/>
</i> <span class="font-size-5">La désertion des citoyens est aussi largement imputable à des soi-disant “représentants” (élus ou candidats) qui, pour la plupart, ne proposent aucun projet de transformation sociale. La raison la plus triviale pour laquelle personne ne vote pour une autre société, c’est que la quasi-totalité des partis progressistes – qui avaient porté le projet d’une autre société deux siècles durant – se sont convertis au culte de l’économie de marché capitaliste et à la nouvelle</span> <i><span class="font-size-5">doxa</span></i> <span class="font-size-5">néolibérale. La maladie de la pensée évoquée plus haut a contaminé autant les ex-progressistes que les néoconservateurs, si bien qu’il ne reste quasiment plus un seul grand parti politique qui s’oppose vraiment à la régression. Alors, avant de stigmatiser l’incivisme des abstentionnistes qui ne prennent pas la peine d’exprimer leur choix politique, prenons le temps de considérer l’insipidité du “menu” qui leur est présenté : ils ont le “choix” entre ceux qui organisent la régression, ceux qui l’accompagnent, ceux qui la déplorent comme une regrettable fatalité et les néofascistes qui font commerce du dégoût inspiré par les précédents.</span><br/>
<span class="font-size-5">Pour autant, il existe toujours des forces minoritaires dont l’offre politique pourrait, en théorie, répondre à la nécessité de bifurquer vers un autre chemin. Ce n’est donc pas l’”absence d’alternative” qui nous empêche de stopper l’engrenage de la régression ; c’est l’impuissance à reconvertir et rassembler toutes les forces autrefois progressistes sur un projet effectivement progressiste.</span><br/>
<span class="font-size-5">Il n’est pas certain que cette reconversion et ce rassemblement puissent intervenir avant que la Grande Régression n’ait parachevé son œuvre. En effet, et pour finir, les comportements politiques en démocratie libérale, comme en économie capitaliste, ne sont pas</span> <i><span class="font-size-5">in fine</span></i> <span class="font-size-5">commandés par la raison, mais par une compétition marchande. La mutation perverse de la gauche en force d’accompagnement ou de promotion de la régression est un sous-produit d’une autre déviance de la modernité libérale, à savoir</span> <i><span class="font-size-5">la dénaturation de la démocratie en marché politique.</span></i> <span class="font-size-5">Si la compétition des “représentants” pour conquérir des bulletins de vote a participé au projet d’émancipation moderne, cette compétition a fini par transformer la politique en marché ordinaire où la quête impérative des profits politiques conduit les entrepreneurs politiques à subordonner le service des peuples à celui de leurs propres carrières et organisations. C’est le piège du marketing politique à courte vue, qui a fourvoyé les progressistes dans un centrisme attrape-tout. À force de vouloir séduire des électeurs – au lieu de leur proposer un projet de transformation sociale -, la gauche est devenue la championne de l’inconsistance idéologique et a perdu la confiance des classes populaires. En bons entrepreneurs hypermodernes – pressés d’engranger des profits politiques immédiats -, les stratèges de la gauche ont alors résolu de séduire les électeurs de droite pour compenser le désamour des électeurs de gauche! Et, à force de singer les programmes de leurs adversaires pour capter leur clientèle, ces sous-doués du marketing ont perdu leurs propres clients, sans pour autant gagner les électeurs de droite, lesquels, en consommateurs aisés et avisés, ont toujours préféré l’original à la copie. Résultat : après deux décennies (années 1990 et 2000) de cette course imbécile à la remorque de l’air du temps, la gauche est morte ou inconsistante. Quand on n’a plus que l’ambition des feuilles mortes, qui est d’aller dans le sens du vent (Milan Kundera)... eh bien, on est emporté par le vent!</span><br/>
<span class="font-size-5">Mais l’échec de la gauche ne peut évidemment pas servir de leçon à toute la génération de surfeurs carriéristes qui l’ont provoqué. Car ces derniers – ceux-là mêmes qui ont causé le naufrage de la gauche – contrôlent les appareils politiques et préféreront toujours entraîner leurs partis vers les abysses, mais avec eux à la barre, que de céder les commandes à de vrais artisans déterminés de la société du progrès humain. Hormis le fait d’attendre l’extinction naturelle de cette génération perdue, ou son éviction brutale dans un épisode politique violent que l’on ne saurait souhaiter, seule une révolution dans les règles du jeu politique pourrait nous sortir du piège. Une “révolution démocratique” - celle qui commencerait d’instituer une réelle capacité d’exercer la souveraineté populaire – devrait abolir la dictature de l’instant, de l’opinion et des médias imbéciles ou inféodés : elle devrait nous prémunir contre le carriérisme politicien, la victoire des malins sur les intelligents et le primat des tactiques sur les projets politiques, etc. J’ai tracé ailleurs les traits principaux de cette révolution institutionnelle (</span><i><span class="font-size-5">Autre Société,</span></i> <span class="font-size-5">chapitre 8), qui repose sur l’institution d’une démocratie “générale” (dans tous les champs de la vie sociale) et “effective” (dévolution d’un pouvoir effectif de contrôle et d’orientation du peuple souverain). Ce n’est pas ici le lieu de la décrire plus avant. Elle n’importe ici qu’en tant que trait essentiel d’une nouvelle Renaissance, mais surtout parce qu’elle est au cœur d’un véritable piège qui menace de se refermer sur nous. Il se pourrait bien que la renaissance attendue et nécessaire ne puisse advenir qu’après la révolution démocratique qui redonnera aux peuples les moyens d’imposer leur préférence pour la société du progrès humain. Or, cette révolution dans les finalités et les règles du jeu politique n’a, selon toute vraisemblance, aucune raison d’advenir avant qu’une classe politique nouvelle n’ait enclenché la renaissance! C’est là un cercle vicieux qui n’a guère de chance d’être brisé par la classe politique en place. Ni les gouvernements ni les équipes dirigeantes des principaux partis d’opposition n’ont l’intention de bouleverser les règles du jeu qui les maintiennent collectivement au pouvoir, telle une oligarchie nantie qui prospère en monopolisant le marché qu’est devenue la politique. La démocratie est ainsi comme piégée par elle-même, et elle le restera tant qu’une masse critique ne sortira pas de son propre aveuglement pour apporter ses bulletins de vote à ce qu’il reste d’authentiques progressistes, là où il en reste!</span><br/>
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<b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010 (p. 269-275)</span><br/>
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<span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/>
</span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000ED"><span class="font-size-5"> </span><br/>
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<p><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><font color="#0000ED"><span class="font-size-5"><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560355642?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560355642?profile=original" width="360" class="align-center"/></a></span></font></u></font></span></font></p>
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<p><u><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560355844?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560355844?profile=original" width="594" class="align-center"/></a></u></p>14 - "La nouvelle Renaissance" : L’émancipation... est un projet politique, un projet de civilisation."tag:epanews.fr,2017-04-17:2485226:BlogPost:27670612017-04-17T07:49:27.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">On a vu comment la Grande Régression pousse d’abord à leurs limites les traits libertaires de la modernité pour n’instaurer, finalement, qu’une nouvelle aliénation, et déchaîner de multiples pulsions réactionnaires. On sait maintenant que la conception primitive de l’émancipation (comme indépendance des individus), une fois poussée à ses limites, se retourne contre le projet d’émancipation. Il nous faut donc…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">On a vu comment la Grande Régression pousse d’abord à leurs limites les traits libertaires de la modernité pour n’instaurer, finalement, qu’une nouvelle aliénation, et déchaîner de multiples pulsions réactionnaires. On sait maintenant que la conception primitive de l’émancipation (comme indépendance des individus), une fois poussée à ses limites, se retourne contre le projet d’émancipation. Il nous faut donc conserver le</span> <i><span class="font-size-5">projet</span></i> <span class="font-size-5">et bouleverser la</span> <i><span class="font-size-5">conception</span></i><span class="font-size-5">. La plupart de nos dirigeants font aujourd’hui le contraire : ils anéantissent le projet en s’accrochant à sa conception erronée. La tâche des vrais progressistes est de</span> <i><span class="font-size-5">dépasser les erreurs de la modernité pour en accomplir les promesses.</span></i> <span class="font-size-5">C’est précisément cela que j’appelle la “nouvelle Renaissance”, ce nouveau moment de l’histoire qui pourrait succéder à celui de la Grande Régression.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">À l’opposé de la grande retraite réactionnaire, la renaissance commence par un grand voyage culturel, où l’on prend le temps de s’arrêter à chaque étape, pour se nourrir vraiment de ce qu’il y avait d’éternel dans toutes les civilisations dont nous sommes l’aboutissement, pour faire le tri de leurs accomplissements et de leurs limites, pour comprendre comment et pourquoi notre propre civilisation a fini par répéter tout ce qu’il y avait de pire dans les précédentes et à déconstruire tout ce qu’elle-même avait apporté de meilleur.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">En réalité, les individus ne sont pas naturellement libres ni même spontanément avides d’autonomie personnelle. Ils naissent et grandissent en société et n’aspirent qu’à exister, c’est-à-dire qu’ils s’efforcent d’alterner la satisfaction d’un besoin irrépressible d’attachement à autrui et le détachement nécessaire pour éviter l’intoxication chimique de leur cerveau. Ce détachement permet ensuite de restaurer le besoin d’attachement qui enclenche un nouveau cycle de ce moteur universel de l’existence humaine. C’est pourquoi l’idée d’individu ou de liberté individuelle ne fait aucun sens pour un être humain dont l’espace d’existence se limite à un petit groupe de proches avec lequel il a grandi. Pour exister, il n’a nulle part où aller ailleurs qu’avec ceux-là. La question de l’émancipation se pose seulement à partir du moment où d’autres “autres” entrent en scène, où le cercle de la tribu primitive s’ouvre sur d’autres cercles dans une grande société qui rassemble des groupes humains variés.</span> <i><span class="font-size-5">C’est donc la possibilité de se lier avec d’autres êtres humains dans plusieurs cercles différents de relations sociales, qui crée une liberté potentielle et le désir d’en jouir.</span></i> <span class="font-size-5">Mais ce désir de liberté n’est pas un désir d’autonomie au sens strict. L’individu ne veut pas être autonome (strictement indépendant), il veut être libre de se lier à d’autres, libre de choisir les modalités de son interdépendance naturelle avec les autres.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">L’émancipation passe donc uniquement par l’interaction ouverte des cercles relationnels, par</span> <i><span class="font-size-5">le remplacement éventuel de liens aliénants par des liens qui libèrent.</span></i> <span class="font-size-5">Mais cela ne se fait pas tout seul au sein d’une grande société. Si un projet politique ne vise pas cette émancipation par le développement des liens sociaux appropriés, les individus ne pallieront pas spontanément cette défaillance. Ils iront beaucoup plus spontanément vers l’embrigadement que vers l’autonomie. L’erreur anthropologique des modernes peut conduire à penser que les individus se chargeront toujours eux-mêmes de défendre leur liberté. Ils sont censés en effet être libres par nature ; la liberté apparaît ainsi comme une donnée anthropologique qu’il s’agit de protéger contre les assauts de la société. En réalité,</span> <i><span class="font-size-5">le problème le plus sérieux n’est certainement pas celui de la protection d’une liberté prétendument naturelle. Il est plutôt de faire naître le goût de la liberté et d’en enseigner les modalités à des individus qui, par nature, sont toujours enclins à se réfugier dans la sécurité d’une communauté fermée.</span></i> <span class="font-size-5">L’émancipation n’est donc pas un mouvement naturel de l’humanité ; c’est un projet politique, un projet de civilisation. Aucun mouvement long de l’humanité ne porte celle-ci spontanément vers la véritable émancipation. Même à l’époque moderne qui voulait imposer la figure de l’individu autonome, ce mouvement long tend à ramener les sociétés les plus avancées dans le balancement entre la dissociété communautarisée et l’hypersociété à tendance totalitaire, c’est-à-dire entre deux formes d’asservissement. Seuls un projet politique et des forces politiques déterminées à s’engager vers la nouvelle émancipation pourront nous sortir de cette impasse.</span><br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010</span><br/> <span class="font-size-5">(p. 265-266, 266-267, 267-268, 268-269)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000EE"><span class="font-size-5"> </span><br/> <br/></font></u></font></span></font></p>
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<p style="text-align: center;"><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560355787?profile=original" target="_self"><font color="#0000EE"><img width="750" src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560355787?profile=RESIZE_1024x1024" width="750" class="align-center"/></font></a></u></font></span></font></p>13 - " Ils dénoncent des symptômes mais pas la maladie."tag:epanews.fr,2017-04-15:2485226:BlogPost:27666832017-04-15T12:11:05.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><br></br> <span class="font-size-5">À la charnière des années 1970 et des années 1980, au moment où semblait s’imposer la figure de l’individu autonome, l’esprit scientifique et le modèle démocratique, c’est-à-dire presque au sommet du mouvement de la modernité, la civilisation occidentale s’est engagée dans un vaste mouvement rétrograde. Pour les pionniers qui pensèrent la modernité – de la Renaissance à la Révolution française -, celle-ci…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><br/> <span class="font-size-5">À la charnière des années 1970 et des années 1980, au moment où semblait s’imposer la figure de l’individu autonome, l’esprit scientifique et le modèle démocratique, c’est-à-dire presque au sommet du mouvement de la modernité, la civilisation occidentale s’est engagée dans un vaste mouvement rétrograde. Pour les pionniers qui pensèrent la modernité – de la Renaissance à la Révolution française -, celle-ci constituait une promesse d’émancipation et de justice dans une société nouvelle gouvernée par la raison ; une société où les individus, libres et égaux , ne seraient plus tenus ensemble par la force, mais par leur libre association dans une communauté politique. Une partie de cette promesse avait commencé de s’accomplir dans les démocraties occidentales, avant la Grande Régression. Mais désormais, le mouvement des sociétés modernes s’est inversé, et l’on peine à discerner un quelconque trait de la promesse moderne qui ne serait pas aujourd’hui en régression.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Ce n’est donc pas l’état du monde qui m’inquiète, mais l’aveuglement quant au sinistre chemin sur lequel il s’est engagé. Je trouve le monde plutôt plein de promesses inaccomplies qui, somme toute, sont incroyablement aisées à concevoir et qui sont accessibles, à la seule condition de regarder le chemin et de vouloir s’y engager. Je trouve en revanche terrifiantes la paralysie de l’entendement, l’asthénie de la pensée dont semblent atteintes les élites gouvernantes, autant chez les réactionnaires que chez leurs opposants officiels censés incarner le camp progressiste. Car, précisément, leur débat véritable ne porte plus que sur l’état du monde et non pas sur sa direction, sur le bilan et les politiques de gestion de la société, et non plus sur la nature et la finalité de cette société. Les uns et les autres ne se reprochent plus mutuellement que l’inefficacité de leurs politiques respectives, ils invectivent à coups de bilans et de statistiques, mais ils ne débattent plus du “système” ni des mythes qu’ils ont désormais en commun : le capitalisme, l’économie de marché, le libre-échange et la pseudo-démocratie représentative qui leur permet de se partager, en alternance, les postes de commande.</span><br/> <span class="font-size-5">Cette nouvelle convergence des libéraux et des conservateurs, de la gauche et de la droite, est la grande mutation du débat public qui s’est opérée durant la grande Régression. Dans ce mouvement, les réactionnaires ont l’avantage intellectuel de la cohérence. Eux, au moins, défendent logiquement à la fois leurs politiques et le système qui va avec ; ils sont peut-être aveugles et/ou cyniques, mais pas absurdes. Les pseudo-progressistes méritent en revanche la palme de l’aveuglement absurde, puisqu’ils critiquent les gouvernements réactionnaires et promettent de faire mieux que ces derniers, mais sans contester leur système. Ils dénoncent des symptômes mais pas la maladie. Ils stigmatisent quelques méfaits de la mondialisation du capitalisme, mais pas le capitalisme. Il est vrai toutefois qu’à la fin, les pseudo-progressistes, à force de croire au même système que leurs adversaires, font aussi à peu près les mêmes politiques. Car, on ne le répétera jamais assez, la Grande Régression n’a pas été entretenue que par des néolibéraux ou des néoconservateurs, mais aussi par les démocrates américains, les travaillistes britanniques et toute la social-démocratie européenne. Ces derniers gouvernaient la plupart des démocraties occidentales de 1992 à 2002, en plein cœur de la Grande Régression. Non seulement ils n’ont alors rien fait pour la contrarier, mais ils l’ont aggravée, plus spécialement en Europe, en soumettant les nations, comme jamais, au dogme de la libre concurrence et au pouvoir de la finance.</span><br/> <span class="font-size-5">Un effacement aussi stupéfiant et aussi rapide des clivages politiques qui ont façonné deux siècles de débat politique n’est pas concevable si ne lui préexiste pas un fonds culturel commun susceptible de remonter soudainement à la surface dans des conditions historiques appropriées. Ce fonds commun, on doit le chercher dans les racines primitives de toutes les idéologies modernes, et il n’est à cet égard pas anodin que réactionnaires et pseudo-progressistes se disputent farouchement le label de la “modernité”. Car leur convergence dans la régression est en effet paradoxalement inscrite dans les prémisses de la culture moderne, dans la façon dont celle-ci a repensé le rapport individu-société.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi, à gauche comme à droite, la prospérité économique et l’expansion de la consommation deviennent les clés du bonheur des individus et de la société. Il reste toujours un clivage politique, mais qui ressemble de plus en plus à des nuances plus ou moins marquées qu’à une divergence entre deux projets de société. Les uns croient davantage à l’initiative individuelle et au libre jeu de la concurrence, les autres au guidage politique de la croissance et à la régulation des marchés. La gauche veut profiter de la prospérité pour réduire les inégalités, la droite croit que trop d’égalité économique tue la croissance. Mais ce ne sont là finalement que des débats techniques d’économistes ou de sociologues, qui portent plus sur les moyens que sur la philosophie et la finalité de l’action politique. La conception implicite de l’être humain et de la société qui sous-tend la position des deux camps n’est, en réalité, pas vraiment différente : une société d’individus en quête d’indépendance, d’autonomie, et dont la rivalité ne doit pas être contenue par des lois liberticides, mais par un système économique efficace qui soutient la croissance.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">La nouvelle Renaissance : une nouvelle émancipation</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Cette conception commune, que le débat public diffuse dans l’ensemble de la société, repose sur des idées fausses qui laissent entier et sans issue le dilemme de la modernité libérale. Tant que l’on pense la liberté, l’émancipation, comme une indépendance des individus, alors tout ce qui les lie ensemble restreint les libertés, et tout ce qui les libère les uns des autres les délie. On ne sort pas de l’alternative infernale dissociété-hypersociété. Or, l’on sait aujourd’hui que l’issue de secours productiviste est un mirage.</span><br/> <span class="font-size-5">Nous voilà donc rendus au bout du bout de l’impasse moderne, non pas dans une postmodernité, mais, comme d’aucuns l’ont plus justement qualifiée, une hypermodernité. Nous savons où mène le mythe de l’autonomie parfaite dans une dissociété de marché où tout le monde se croit ou est sommé de se comporter comme un individu-roi. Cela n’engendre pas la liberté mais le désordre moral et psychique des individus, lequel ne tarde pas à déclencher un rappel à l’ordre réactionnaire et le retour de l’obscurantisme. Nous savons où mène le mythe de l’abondance par la libération de la rivalité marchande : l’épuisement des ressources, l’exacerbation du conflit social, la famine pour les pauvres et l’obésité pour les riches, la concentration des richesses et du pouvoir aux mains d’une minorité, etc. La porte de secours productiviste est donc bel et bien bouchée. Alors, une fois parvenus au bout de l’impasse, la seule façon d’avancer est de repartir en enclenchant la marche arrière!</span><br/> <span class="font-size-5">Mais si nous regardons dans le rétroviseur de notre histoire, qu’y a–t-il derrière nous comme alternative à la dissociété de marché? Le fascisme, le stalinisme, le collectivisme, l’enfermement dans le communautarisme et la xénophobie! À ce compte-là, mieux vaudrait alors rester au fond de l’impasse que d’en sortir. (...) Nos dirigeants bricolent le cadre et le repeignent, ils inventent des mots nouveaux pour désigner les mêmes vieilleries, ressuscitent des expressions désuètes pour rhabiller un programme inchangé. Ils font de la “communication de crise “, tournent en rond dans le brouillard, en attendant que surgisse par miracle une nouvelle piste où atterrir avant de s’écraser, faute de carburant.</span><br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010 </span><br/> <span class="font-size-5">(p. 249, 252-254, 262-264)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000EF"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></font></span></font></p>
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<p><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><font color="#0000EF"><span class="font-size-5"><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560356158?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560356158?profile=original" width="595" class="align-center"/></a></span></font></u></font></span></font></p>
<p><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><font color="#0000EF"><span class="font-size-5"><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560359252?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560359252?profile=original" width="650" class="align-center"/></a></span></font></u></font></span></font></p>12 - "une seule autre voie soutenable : celle du progrès humain, celle d’une nouvelle Renaissance qui revisitera le projet moderne de l’émancipation humaine pour en accomplir vraiment les promesses"tag:epanews.fr,2017-04-12:2485226:BlogPost:27582522017-04-12T15:45:32.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">La peur de l’Autre, le repli communautaire et la politique sécuritaire peuvent maintenir l’ordre un certain temps, mais pas indéfiniment. Car ils se nourrissent des impasses de la dissociété de marché et ne peuvent donc les combattre. L’ordre momentané n’est alors jamais qu’une illusion qui masque à peine l’explosion de l’injustice, la violence de la société, la haine des uns, la cupidité prédatrice des autres,…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">La peur de l’Autre, le repli communautaire et la politique sécuritaire peuvent maintenir l’ordre un certain temps, mais pas indéfiniment. Car ils se nourrissent des impasses de la dissociété de marché et ne peuvent donc les combattre. L’ordre momentané n’est alors jamais qu’une illusion qui masque à peine l’explosion de l’injustice, la violence de la société, la haine des uns, la cupidité prédatrice des autres, bref la désalliance générale qui amenait déjà Robert Reich à demander à ses concitoyens américains en 1991 : “Voulons-nous encore être une nation?” Dans une société structurellement et profondément désunie, la guerre incivile menace toujours de se transformer en guerre civile. Alors, comme toujours, un gouvernement réactionnaire ne sait conjurer ce danger mortel qu’en défoulant la violence de la société contre l’étranger. Quand les ennemis de l’intérieur ne suffisent pas à installer la terreur nécessaire pour contenir la révolte, les réactionnaires fabriquent des ennemis imaginaires. C’est ainsi, on le sait – et peu d’Américains le contestent encore désormais -, que l’administration Bush a inventé un ennemi irakien pour engager l’Amérique dans une guerre injuste. Ce n’est pas là un accident de l’histoire. C’est un effet de la logique régressive générale qui a gâché la chance historique que constituait la fin de l’affrontement entre l’Amérique et le bloc communiste.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Ce choix n’est pas plus un hasard de l’histoire ou la responsabilité d’un fou (G. Bush) que le nazisme ne fut un accident imputable à la naissance d’un Hitler. Les impasses internes d’une société dominée par les exigences du capital et des marchands ont toujours nourri l’agression extérieure et l’impérialisme. Un État au service d’intérêts privés et indifférent aux inégalités sociales ne peut soutenir longtemps un déficit croissant de légitimité sans justifier son pouvoir par la nécessaire protection contre une menace étrangère. Une société déliée par la rivalité, l’injustice et le communautarisme ne peut conjurer longtemps la menace d’affrontement intérieur sans s’inventer un ennemi extérieur. Le nationalisme – cet abaissement de la nation en communauté raciste, ce dévoiement de l’amour des siens en haine des autres – est l’issue fatale d’une société qui échoue à constituer une authentique communauté politique. Les Etats-Unis, que le capitalisme et le communautarisme avaient rendus incapables de constituer enfin une vraie communauté de citoyens, étaient arrivés à ce point de la contradiction d’une société de marché où celle-ci ne tient plus sans la guerre, où une agression étrangère constitue pour le pouvoir une aubaine inespérée, grâce à quoi il restaurera l’illusion d’une unité nationale et de sa propre utilité.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Neuf ans après, le résultat effectif est à l’exact opposé de ces objectifs insensés : ces deux guerres ont plutôt renforcé le terrorisme et les ennemis de la démocratie dans le monde musulman. Elles ont aussi gravement affaibli et rabaissé la démocratie américaine en servant de prétexte à la torture, à des lois liberticides (Patriot Act), aux mensonges du gouvernement relayés par une presse servile.</span><br/> <span class="font-size-5">Le désastre est total ; espérons qu’il servira de leçon. Et la leçon est triple.</span><br/> <span class="font-size-5">D’abord, les promoteurs de la société de marché universelle et de la mondialisation du capitalisme ont dû tomber le masque : ils ne sont pas les défenseurs de la liberté, de la morale et de la démocratie, résolus à faire profiter l’humanité entière de ces bienfaits. Ils constituent un attelage composite de profiteurs cyniques et de fanatiques psychorigides, prêts à mépriser la démocratie, le sens moral, les droits de l’homme, la paix et les libertés, que ce soit pour défendre à n’importe quel prix la domination et la fortune d’une caste de prédateurs, ou pour suivre les commandements d’une funeste théologie politique.</span><br/> <span class="font-size-5">Ensuite, même la première puissance militaire du monde ne peut surmonter ses défis intérieurs par une guerre extérieure plus de quelques mois, voire quelques années. Dès lors : ou bien elle les surmontera par une révolution intérieure pacifique qui stoppera l’avancée de la Grande Régression, ou bien elle s’enlisera dans le capitalisme financiarisé et le “communautaro-fascisme” jusqu’à l’effondrement.</span><br/> <span class="font-size-5">Enfin, et c’est la plus troublante leçon, celle que nous tenions pour la plus grande démocratie occidentale s’est révélée incroyablement vulnérable à la manipulation et à l’embrigadement par une poignée de contre-révolutionnaires, usant du mensonge et des médias à grande échelle, sans rencontrer de véritable résistance. Les nazis et les bolcheviks étaient moins doués ; il leur fallait encore entretenir une police politique pléthorique pour surveiller la population et construire des camps pour enfermer leurs ennemis. Le néofascisme des nouveaux conservateurs américains est un</span> <i><span class="font-size-5">softfascism</span></i> <span class="font-size-5">bien plus efficace, grâce aux rendements croissants dans la production médiatique de la peur collective. Dans ce</span> <i><span class="font-size-5">softfascism</span></i><span class="font-size-5">, la presse n’a plus besoin d’être muselée par la censure ; il faut au contraire la laisser aboyer autant qu’elle veut puisque, grâce aux vertus de la libre concurrence marchande, elle aboie désormais dans le sens des maîtres. En quelques mois, des dizaines de millions d’Américains choqués par des attentats meurtriers ont pu se laisser embarquer dans la xénophobie à peine maquillée des néofascistes, en acceptant de se projeter dans l’image du bon chrétien américain, défenseur de la démocratie, qui allait libérer l’Orient de la barbarie.</span><br/> <span class="font-size-5">(...) Mais sauf chez les barbares, et en tout cas certainement pas dans une démocratie qui devrait être un modèle de civilisation, aucune douleur ne justifie de laisser libre cours à la violence vengeresse, aucun traumatisme ne peut excuser le plus abject des crimes collectifs qui consiste à défouler sa violence contre des innocents. Il n’est en soi pas très troublant qu’un individu particulier réagisse ainsi à une grande douleur ; c’est là une impulsion assez ordinaire, que la société a précisément pour objet de contenir et de canaliser pour substituer la justice à la vengeance. Ce qui est excessivement troublant, c’est que la société américaine ait collectivement cédé au primat de la pulsion sur la raison, qu’elle ait pu soudain fonctionner comme une tribu primitive qui part en raid punitif, et de surcroît sur la base d’une accusation mensongère! Si aucun des verrous qui sont supposés empêcher une telle réaction dans les démocraties n’a pu fonctionner dans la plus grande d’entre elles, il est grand temps de regarder en face cette autre régression : celle de la démocratie, et cela vaut pour la plupart des nations occidentales.</span><br/> <span class="font-size-5">La presse ne joue plus son rôle ancien de contre-pouvoir. Les médias sont devenus une industrie marchande et un instrument redoutable de conditionnement psychique et d’embrigadement des masses, un authentique pouvoir, mais sans le moindre contre-pouvoir. Si les citoyens étaient devenus globalement plus informés, plus intelligents et plus autonomes, ils ne seraient pas tombés sous la coupe d’une bande de fanatiques tout au long des années 2000, ils ne resteraient pas en adoration devant un système économique qui tue leur économie nationale, leur santé, leur liberté, leur unité, au profit principal des 1 % les plus riches. C’est donc que les citoyens sont devenus plus bêtes, moins informés et moins autonomes! Abrutis par la télévision, anesthésiés par la surconsommation, mal grandis dans un système scolaire sinistré par des décennies de néolibéralisme.</span><br/> <span class="font-size-5">La Grande Régression est aussi ce moment de la modernité où les progrès de la raison et de la démocratie sont devenus des obstacles au déploiement de la cupidité des marchands et des gestionnaires de capitaux. Le capitalisme a d’abord eu besoin d’individus libérés des attaches traditionnelles et n’a pu prospérer que grâce à la démocratisation des sociétés modernes. Mais, une fois la révolution individualiste suffisamment avancée, rien n’eût été pire pour les capitalistes, comme pour les réactionnaires en embuscade depuis 1945, que l’avènement effectif d’une population d’individus modernes, autonomes et gouvernés par la raison. Car de tels individus ne les auraient jamais acceptés pour maîtres ; peut-être même leur auraient-ils coupé la tête si un quelconque accident de l’histoire les avait soudain mis en position de reprendre le pouvoir. Le capitalisme et l’obscurantisme réactionnaire sont donc désormais des alliés forcés contre la démocratie et contre l’intelligence. Ils n’ont besoin que d’un peuple d’abrutis conditionnés pour se gaver des prêches qui entretiennent leur ignorance, et des marchandises qui rentabilisent le capital.</span><br/> <span class="font-size-5">J’y reviendrai en concluant ce livre, car la faiblesse de la démocratie est le véritable talon d’Achille des sociétés modernes les plus avancées, le handicap majeur qui risque de retarder trop longtemps une nouvelle Renaissance. La plupart des démocraties occidentales sont maintenant au pied du mur, au fond de la dernière impasse des sociétés modernes. Nos grands-parents ont exploré les frontières du totalitarisme, et nous avons nous-mêmes testé les limites de la dissociété individualiste ou communautariste. Nous sommes vaccinés contre le collectivisme économique et social de l’hypersociété, mais désormais également avertis de la nocivité du capitalisme comme du mythe des marchés libres. Il ne nous reste qu’une seule autre voie soutenable : celle du progrès humain, celle d’une nouvelle Renaissance qui revisitera le projet moderne de l’émancipation humaine pour en accomplir vraiment les promesses, tout en s’écartant de toutes les impasses où la première modernité nous a emmenés. Comme on l’a vu, rien n’est plus simple que de concevoir les traits de cette Renaissance. Mais il ne suffit pas de la dépeindre pour qu’elle advienne. Elle est aujourd’hui comme un trésor dont on connaît la cachette, mais vers lequel, pourtant, la plupart d’entre nous n’essayent même pas de marcher. Elle est ainsi paradoxalement, tout à la fois facile, inéluctable et, dans l’immédiat, improbable!</span><br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010 </span><br/> <span class="font-size-5">(p. 241, 242-244, 245-247)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F0"><span class="font-size-5"> </span><br/> <br/></font></u></font></span></font></p>
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<p style="text-align: center;"><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560356626?profile=original" target="_self"><font color="#0000F0"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560356626?profile=original" width="640" class="align-center"/></font></a></u></font></span></font></p>11 - "... le primat de la coopération sur la rivalité, de l’intérêt général sur l’intérêt particulier..."tag:epanews.fr,2017-04-11:2485226:BlogPost:27579282017-04-11T14:09:54.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
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<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Certes, le désordre moral est bien réel, j'y ai assez insisté, mais il est indissociable du désordre social et il n'a d'autre solution que sociale. On ne naît pas déviant, on le devient dans une histoire sociale qui n’exonère personne de sa responsabilité, ni l’individu ni la société où celui-ci a grandi sans l’avoir choisie. Aucune invective, aucune punition, aucune opération de police n’effacera cette…</span></span></font></font></p>
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<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Certes, le désordre moral est bien réel, j'y ai assez insisté, mais il est indissociable du désordre social et il n'a d'autre solution que sociale. On ne naît pas déviant, on le devient dans une histoire sociale qui n’exonère personne de sa responsabilité, ni l’individu ni la société où celui-ci a grandi sans l’avoir choisie. Aucune invective, aucune punition, aucune opération de police n’effacera cette histoire sociale déviante et n’empêchera que d’autres individus ratent à leur tour l’apprentissage de la vie en société. Combattre le désordre moral suppose donc,</span> <i><span class="font-size-5">primo,</span></i> <span class="font-size-5">une société décidée à replacer l’intérêt général du bien vivre ensemble au-dessus de l’intérêt personnel et,</span> <i><span class="font-size-5">secundo</span></i><span class="font-size-5">, une société disposée à investir en priorité dans l’éducation et l’accompagnement de ses enfants vers l’âge adulte et la citoyenneté. Or, les néolibéraux font exactement l’inverse de ce qui est nécessaire pour combattre le désordre moral. Ils détruisent l’idée même d’intérêt général en faisant l’apologie permanente de la rivalité et du mobile de l’intérêt personnel, en déployant un système économique qui fait exploser les inégalités et qui ne profite qu’à une minorité dominante, en sauvant les prédateurs qui déclenchent les crises financières, en mettant tous les moyens de la puissance publique au service d’intérêts privés. Ceux qui stigmatisent tant le désordre moral sont aussi ceux qui mènent la plus immorale des politiques et diffusent la plus immorale des philosophies politiques. C’est que, en vérité, ils se fichent bien de restaurer une morale qu’ils n’ont pas eux-mêmes ; ils n’invoquent sans cesse la morale qu’à la seule fin de détourner l’attention du désordre social.</span><br/> <span class="font-size-5">Mais à défaut de combattre vraiment le désordre moral, les néolibéraux doivent bien affronter le désordre tout court. En effet, le recul de la solidarité, l’explosion des inégalités, la ghettoïsation, le relativisme moral, le défaut d’éducation démocratique, tous ces facteurs entraînent partout la montée de l’incivilité et de la violence. Face à la délinquance engendrée par leur “modèle” de société, les néolibéraux soutiennent une politique de répression policière et pénale parfaitement inefficace puisque, par définition, une telle politique ne s’attaque pas aux sources morales et sociales de la violence. Au cours des trente dernières années aux Etats-Unis, le taux d’emprisonnement des jeunes hommes noirs a explosé au fur et à mesure que régressaient les dépenses sociales. Est-on encore dans une “grande démocratie”, quand le taux d’emprisonnement est de cinq à dix fois supérieur à celui des autres démocraties occidentales? L’”État pénitence” mange l’espace et les moyens de l’”État providence”. Pourtant on sait que cela ne marche pas! Bien des grandes cités américaines se sont d’ailleurs détournées du “tout sécuritaire” et ont montré que la sécurité peut revenir là où l’on mène, en collaboration avec les habitants, d’authentiques politiques de la ville. La difficulté de la dissociété américaine, de surcroît éclatée en États fédérés, est de parvenir à généraliser les meilleurs expériences. La tragédie symétrique de la France est sa capacité à généraliser les pires!</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">De grandes “démocraties” occidentales ont ainsi engagé leur régression vers un État gendarme qui enferme au lieu d’éduquer, qui lamine les libertés publiques au lieu de les protéger et qui, pour finir et au nom de la “sécurité”, rend lui-même la société plus “insécure” et plus violente. Il faudrait ajouter : plus injuste et donc plus illégitime, car la “tolérance zéro” contre les infractions à la loi ne s’applique qu’aux simples citoyens et aux pauvres, lesquels ont vite fait de la rapporter à la tolérance maximale dont jouissent les patrons qui violent la législation du travail ou les spéculateurs qui ruinent l’économie nationale.</span><br/> <span class="font-size-5">(...) Mais alors, pourquoi diable les gouvernements s’obstinent-ils dans une politique et un discours sécuritaires qui n’ont en réalité aucune prise sur les maux qu’ils prétendent combattre?</span><br/> <span class="font-size-5">À défaut de pouvoir sonder leurs intentions personnelles, l’analyse rigoureuse doit souvent se contenter de déceler la logique poursuivie de fait par les gouvernements. En l’occurrence,</span> <i><span class="font-size-5">la fonction effective des politiques sécuritaires n’est évidemment pas d’assurer la sécurité, mais de nourrir la peur qui les justifie et qui entretient le primat bestial de la sécurité physique sur toutes les autres aspirations sociales.</span> <br/></i> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Or, désormais, l’État privé ne cherche plus à produire de la sécurité, mais de l’insécurité! C’est en effet moins cher et politiquement plus rentable... à court terme. Une véritable sécurité publique coûterait de fait trop cher aux riches qui devraient payer pour protéger les pauvres, principales victimes de l’insécurité réelle. Un vrai progrès de la sécurité supposerait des investissements massifs pour l’éducation publique, l’encadrement extrascolaire de la jeunesse et la reconstruction de vraies “cités”. Il supposerait aussi une révolution culturelle instituant le primat de la coopération sur la rivalité, de l’intérêt général sur l’intérêt particulier, et donc une révolution du système économique et social.</span><br/> <span class="font-size-5">Il est parfaitement clair que la sécurité réelle ne peut constituer la finalité d’une politique qui repose sur l’institution d’un état de guerre incivile, c’est-à-dire la rivalité permanente et exacerbée au sein même de la cité. Pour les néolibéraux et les néoconservateurs, la sécurité effective des personnes relève désormais surtout de la responsabilité de chacun, c’est un bien essentiellement privé. En revanche, l’insécurité est devenue un bien public! L’État privé s’attache en effet manifestement à produire de la peur, de l’insécurité ressentie. La peur est incomparablement plus aisée et moins coûteuse à produire que la sécurité. En fait, elle ne coûte rien aux riches, elle se répand sans frais par le discours public, par la presse et par la télévision marchande. En effet, sur un marché libre de la communication audiovisuelle, la course à l’audience, au sensationnel, au spectaculaire a vite fait de l’emporter sur le journalisme et l’information rigoureuse. Le paradoxe et la perversité de la régression ainsi engagée sont que la production de la peur, motivée par les seuls profits marchands (pour les médias) et électoraux (pour la droite réactionnaire), est aussi un bien public, dans la mesure où elle exerce une réelle fonction d’utilité publique. Dans une société minée par la rivalité et l’injustice, qui nourrit le stress, la frustration et la rancœur dans une large fraction de la population, une société qui chemine ainsi en permanence au bord de l’insurrection, il faut bien détourner l’attention vers une préoccupation triviale et universelle qui tient encore les gens ensemble.</span> <i><span class="font-size-5">La peur pour sa propre sécurité remplit une fonction de maintien de l’ordre</span></i><span class="font-size-5">. Au lieu de se révolter contre la dissociété qui les désunit, les individus l’approfondissent en se retranchant contre un ennemi imaginaire ; alors ils sont tenus ensemble grâce à la peur née de leur désunion. La place de l’Autre se trouve ainsi occupée par la peur de l’Autre.</span><br/> <span class="font-size-5">Raison de plus pour se regrouper entre semblables.</span><br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010 </span><br/> <span class="font-size-5">(p. 234-236, 236-237, 238-239)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F1"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></font> <font face="Academy Engraved LET"><br/></font></span></font></p>
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<p><font size="5"><span><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560356251?profile=original" target="_self"><font face="Academy Engraved LET"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560356251?profile=original" width="526" class="align-center"/></font></a></span></font></p>10 - ..."la place de l’Autre, cette instance symbolique qui commande à chacun de respecter des normes communes dans l’intérêt de tous."tag:epanews.fr,2017-04-10:2485226:BlogPost:27574542017-04-10T13:07:13.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">On a vu aussi que, durant les trois premiers siècles de la modernité, l'autorité morale déclinante des grandes religions monothéistes a été progressivement compensée par l'autorité nouvelle des religions laïques (idéaux et grands récits politiques) qui finirent aussi par s'effondrer à la fin du XX° siècle. La déferlante néolibérale (années 1980) qui sert de catalyseur à la Grande Régression intervient en…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">On a vu aussi que, durant les trois premiers siècles de la modernité, l'autorité morale déclinante des grandes religions monothéistes a été progressivement compensée par l'autorité nouvelle des religions laïques (idéaux et grands récits politiques) qui finirent aussi par s'effondrer à la fin du XX° siècle. La déferlante néolibérale (années 1980) qui sert de catalyseur à la Grande Régression intervient en Occident à un moment clé de la "déreligion" du monde : le stalinisme a parachevé la défiance à l'endroit des idéologies politiques et, en pleine poussée libertaire, personne ne compte sur les Églises pour reprendre leur magistère prémoderne. Après les religions traditionnelles, les religions modernes s’effacent donc à leur tour et laissent une place vacante, la place de l’Autre, cette instance symbolique qui commande à chacun de respecter des normes communes dans l’intérêt de tous. J’ai vécu alors en direct l’émergence d’un relativisme intellectuel et moral considéré comme une vertu démocratique, quand il manifestait surtout un effondrement de l’intelligence. Ainsi, les horreurs perpétrées au nom des idées dispensaient désormais mes contemporains de discerner et de discuter celles-ci pour elles-mêmes ; on ne distinguait plus l’usage politique d’une doctrine de son contenu réel ; l’idée nationale était discréditée par les crimes nazis ; l’idée communiste était disqualifiée par le Goulag ; la “famille” et la “patrie” étaient plombées par le régime de Vichy ; l’idée socialiste était anéantie par le socialisme prétendument “réel” expérimenté par des dictatures qui s’autoproclamaient “pays socialistes”, etc. Cette liste non exhaustive d’âneries n’était au fond que l’adaptation aux religions modernes des reproches plus anciens, mais pas moins stupides, faits à la religion plutôt qu’aux clercs et aux gouvernants qui prétendaient agir en son nom (les croisades, l’Inquisition, les persécutions, etc.). Nous sortions d’un monde où les guerres d’idéologies avaient fait plus de morts que toutes les guerres de Religion. Tout système d’idées et toute velléité politique de suivre l’un quelconque de ces systèmes donnaient la chair de poule.</span><br/> <span class="font-size-5">Alors bien sûr, dans l’air du temps libertaire, il était interdit d’interdire ; on ne saurait donc empêcher les individus d’avoir des idées. Mais ils ne devraient désormais avoir que “leurs” idées, réservées à leur propre usage – des jugements autonomes libérés de toute référence à une vérité extérieure susceptible d’être reconnue et partagée comme telle par le plus grand nombre. Le concept de “vérité” faisait frémir. Chacun aurait donc “ses” idées, comme il a ses oreilles, attributs singuliers que rien n’autorise à considérer comme ayant plus ou moins de valeur que ceux de ses semblables. Nous entrions dans l’ère de l’opinion, il ne fallait plus dire “je sais”, mais “je pense” ou, mieux encore, “je crois”, car une sorte d’inconsciente lucidité collective nous prévenait que cette nouvelle façon de discourir inaugurait l’extinction de la pensée.</span> <br/> <span class="font-size-5">Le règne de l’opinion personnelle et la place vacante laissée par le reflux des grandes croyances collectives sont alors un terrain favorable à la recolonisation des esprits par l’idéologie néolibérale, car celle-ci se présente justement comme un individualisme et une anti-idéologie. Dans sa première phase, la vague néolibérale ne va nullement combler la place de l’Autre, mais plutôt la creuser, accentuer la béance entre le soi et l’autrui, l’absence du tiers nécessaire à leur relation. Car le culte institué par la société de marché, en cette place du tiers, est le culte de l’individu lui-même. Il n’y a plus de société mais seulement des individus sommés d’être leurs propres maîtres. L’ennui, c’est qu’il s’agit là d’une tâche impossible pour un être humain en relation avec au moins un autre. S’il n’existe aucun point de repère auquel rapporter ce qui constitue une bonne ou une mauvaise manière de se comporter avec autrui, qui saura et qui pourra, de l’un ou de l’autre “maître”, définir la norme commune? Personne! Comment choisir librement entre différentes voies, si aucune voie ne préexiste à l’individu et si celui-ci doit d’abord déterminer, à partir de rien, les voies entre lesquelles il devrait choisir? Fort heureusement pour leur santé psychique, les êtres humains n’ont pas, normalement, à se poser les questions absurdes qu’impliquerait une autonomie absolue. Ils naissent dans une famille, une société, une culture, entourés de normes, de règles, de permissions et d’interdits, de conceptions du bien et du mal, etc. Et c’est l’existence même de ces normes,</span> <i><span class="font-size-5">a priori</span></i> <span class="font-size-5">aliénantes, qui donne corps et sens à la liberté de les suivre, de les amender ou de les rejeter. Le fait même de grandir en société assure donc que la “place de l’Autre” - le siège du tiers transcendant – est normalement occupée par quelque chose ou par quelqu’un ; mais elle peut l’être d’une manière plus ou moins assurée ou se trouve soumise à des pressions contradictoires.</span><br/> <span class="font-size-5">Nous connaissons tous l’état de stress où peut nous plonger le fait d’être tiraillé entre ce qui nous apparaît comme des exigences morales également légitimes. Mais rien n’est plus angoissant que de ne même plus disposer des repères qui suscitent ce type de conflit moral. Ainsi, les enfants qui subissent une éducation négligente se trouvent abandonnés au vide d’une autonomie dont ils ne savent que faire. Privés des exigences qu’ils pourraient avoir le goût de satisfaire ou la volonté rebelle de contrarier, ils errent dans un monde sans direction, sans murs, sans routes, sans bornes, en attendant de (en espérant!) se heurter à quelque chose ou à quelqu’un pour savoir où ils sont et qui ils sont. L’évidement de la place de l’Autre nourrit une angoisse chronique et une mésestime de soi que l’organisme doit évacuer d’une manière ou d’une autre : en remplissant la “place” vacante par la première incarnation qui se présente (gourou, chef de bande...) ; en s’autodétruisant ; en se défoulant violemment contre autrui. La réunion en gangs ou en bandes rivales est alors paradoxalement une façon de canaliser la violence en lui donnant une raison et un objet déterminés, en recréant des codes de conduite et des défis dont l’accomplissement suscite la reconnaissance et soutient l’estime de soi.</span><br/> <span class="font-size-5">On peut bien sûr déplorer la défaillance des parents dans l’institution de l’autorité morale légitime qui, seule, peut éviter ce désastre. Et après on fait quoi? En pratique, il ne sert à rien de stigmatiser et de punir les parents. Une éducation défaillante ne saurait être compensée par une indignité supplémentaire infligée aux parents ; elle appelle une éducation complémentaire ou de substitution prodiguée par la société. On ne peut éviter que la place de l’Autre, laissée vacante par l’histoire privée d’un individu, vienne à être réinvestie par n’importe qui ou n’importe quoi de peu recommandable, à partir du moment où la société renonce à l’occuper elle-même, à réinstituer une morale laïque, un intérêt général qui transcende les pulsions individuelles. Or, la dissociété et les politiques néolibérales ont précisément pour effet de dissoudre la conscience d’un intérêt général et de détruire le cadre social qui permettrait à une éducation collective de soutenir une éducation familiale en déshérence.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Au lieu de reconnaître les causes sociales de la violence, de la délinquance, les néolibéraux ont installé la culture perverse de la responsabilité individuelle, cette morale de bourreau qui vise à exonérer la société de toute responsabilité dans les méfaits commis par les déviants, cette morale qui vise même à transfigurer les victimes de leurs politiques – pauvres, chômeurs et autres estropiés de la guerre économique – en coupables d’une faute morale, en parasites qui vivent aux crochets des “braves travailleurs”. Une fois bien installée dans la culture ambiante, l’idée que l’individu est seul responsable de son sort persuade chacun qu’il n’a pas à “payer pour les autres”, et prépare l’opinion à la réduction ou à la privatisation des services sociaux et des biens publics.</span> <i><span class="font-size-5">La stigmatisation du désordre moral des individus, de la jeunesse et des familles sert à effacer le désordre social exponentiel engendré par le raz-de-marée néolibéral.</span><br/></i> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010 </span><br/> <span class="font-size-5">(p. 229-232, 234)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F2"><span class="font-size-5"> </span><br/> <br/></font></u></font> <font face="Academy Engraved LET"><br/></font></span></font></p>
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<p><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560356274?profile=original" target="_self"><font color="#0000F2"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560356274?profile=original" width="500" class="align-center"/></font></a></u></font></span></font></p>9 - "ils décident de résister et de préparer la reconstruction (...) parce qu’ils ont la certitude de ne savoir vivre autrement."tag:epanews.fr,2017-04-08:2485226:BlogPost:27543782017-04-08T09:00:14.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">De la sphère internationale aux relations familiales, rien ne semble pouvoir échapper à la force centrifuge de la Grande Régression, qui atomise tous les espaces de "liberté solidaire" en renversant la synergie positive individu-société en opposition irréconciliable. Rien sauf peut-être l'école, au moins un certain temps, mais pas n'importe quelle école. Les établissements privés réservés aux riches et/ou à une…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">De la sphère internationale aux relations familiales, rien ne semble pouvoir échapper à la force centrifuge de la Grande Régression, qui atomise tous les espaces de "liberté solidaire" en renversant la synergie positive individu-société en opposition irréconciliable. Rien sauf peut-être l'école, au moins un certain temps, mais pas n'importe quelle école. Les établissements privés réservés aux riches et/ou à une communauté religieuse particulière sont par définition des machines à dissocier et ne risquent pas d’opposer la moindre résistance à la dissociété extrême vers quoi nous entraîne la spirale de la Grande Régression. Nombre de ces établissements sont les meilleurs instruments de diffusion de la culture néolibérale dans une jeunesse privilégiée destinée à occuper les postes de commande de la guerre économique. Le label “chrétien” souvent attaché à ces établissements ne doit pas faire illusion : on y enseigne rarement l’amour du prochain ; on y apprend plutôt l’esprit de compétition, l’obsession de la réussite personnelle, le culte narcissique de la performance individuelle, et aussi le rejet et l’abandon des moins forts, de ces élèves qui ne satisfont pas aux exigences d’excellence nécessaires pour entretenir la réputation et le succès commercial de l’établissement. Ce n’est donc pas à ce type d’entreprises privées que je pense quand j’évoque ci-après l’école. Je parle d’établissements qui tentent encore d’assurer un service public d’instruction et d’éducation pour aider les enfants à “grandir”.</span> <br/> <span class="font-size-5">L’école dont je parle a pu faire de la résistance à la dissociété, parce qu’elle constitue un espace de vie en partie préservé contre la rivalité qui ravage les autres cercles sociaux. En ce lieu, outre les savoirs, on peut encore apprendre l’égalité, la sociabilité et les règles sociales qui étendent la liberté réelle de chacun, non par des cours d’instruction civique mais par la simple expérience quotidienne de la vie collective avec les autres élèves et l’ensemble des personnels enseignants et non enseignants. Mais, là encore, le délitement général des autres cercles sociaux met aussi l’école sous tension. Le désordre social et moral qui nourrit la délinquance juvénile fait naturellement entrer à l’intérieur de l’école la violence qui sévit à l’extérieur. Quand plus rien ne semble juste ni légitime dans le fonctionnement de la société, quand les parents ne savent plus instituer le respect d’une autorité légitime, quand le travail est dévalorisé par son exploitation indigne, quand la culture ambiante n’accorde de valeur qu’à l’argent, quand le discours politique encense la compétition, alors comment les enseignants pourraient-ils, tout à la fois, se faire respecter, maintenir l’ordre, enseigner les savoirs et éduquer les enfants à la vie solidaire en société?</span><br/> <span class="font-size-5">Comme on l’a dit pour la famille,</span> <i><span class="font-size-5">on ne peut demander à un seul cercle social d’assumer toute la charge résultant de la défaillance de tous les autres.</span></i> <span class="font-size-5">C’est pourtant bien ce qui arrive à l’école, de plus en plus confrontée à des exigences peu soutenables et contradictoires. Ainsi, les parents sont souvent dépassés par leur propre rôle d’éducateurs et attendent de l’école qu’elle pallie leur insuffisance dans la formation morale de leurs enfants. Ils sont par ailleurs angoissés pour l’avenir professionnel de leurs enfants dans une société qui écrase les faibles, méprise les savoir-faire sociaux, dénigre les fonctionnaires et plus généralement tous les métiers où l’on ne gagne pas beaucoup d’argent, exige non plus des salariés simplement disposés à bien faire leur travail, mais des individus compétitifs, des fantassins ou des officiers de la guerre économique. Les parents espèrent donc aussi que l’école donnera à leurs enfants les armes nécessaires pour s’en sortir, une fois jetés sur le champ de bataille qu’est devenu le marché du travail. Les responsables politiques reproduisent souvent cette double attente : confrontés au désordre moral, à l’incivilité croissante et à la délinquance juvénile, eux aussi demandent à l’école (et aux parents) d’assurer davantage la formation civique des jeunes. Dans le même temps, ils ne cessent de redéfinir leurs politiques éducatives en fonction des exigences de la compétition économique.</span><br/> <span class="font-size-5">Or, plus spécialement dans le contexte de la Grande Régression, ces deux attentes conjointes des parents et des politiques sont de plus en plus contradictoires.</span> <i><span class="font-size-5">L’école ne peut être à la fois la maison de la République qui fait grandir des citoyens et le camp d’entraînement des soldats de la guerre économique. Ces deux finalités et les moyens qu’elle mobilisent sont antinomiques.</span></i> <span class="font-size-5">En effet, si l’on doit “fournir” à la dissociété de marché les individus dont elle a encore besoin sur le marché du travail, il faut enseigner le culte de la performance économique et le mépris de ce qui “ne rapporte rien”, prédisposer les moins bons élèves à la servitude volontaire, entraîner à la compétition et non à la coopération, etc., en un mot, transmettre des valeurs morales et des traits de caractère contraires aux valeurs de la République et de la démocratie. Il faut, par ailleurs, supprimer ou négliger les disciplines qui n’ont aucune utilité dans la guerre économique : l’histoire, la littérature, la philosophie, les sciences humaines et sociales en général (avec une exception pour la science économique, mais à la seule condition que, par là, on entende uniquement la théologie néolibérale qui enseigne la religion des marchés autorégulés). En clair, il faut négliger tous les enseignements qui permettraient justement aux individus de devenir des citoyens avisés, disposant d’une certaine compréhension du monde et de la société, entraînés au débat d’idées et au questionnement philosophique.</span> <i><span class="font-size-5">C’est au fond l’intelligence elle-même qu’il faudrait atrophier pour satisfaire aux exigences d’une efficace préparation à la dissociété de marché.</span></i> <span class="font-size-5">Car des individus trop intelligents, trop initiés au bonheur du savoir et du débat argumenté, ne sauraient se contenter de n’être, pour le restant de leur existence, que des consommateurs passifs et des travailleurs aux ordres des marchés. Si la jeunesse venait à connaître ne serait-ce que le dixième de ce que nous révèlent les sciences humaines et sociales, elle saurait que le discours néolibéral est une fable dangereuse, et qu’une autre société est non seulement souhaitable mais encore possible. Un peuple de citoyens intelligents, c’est le cauchemar des néolibéraux comme celui de tous les charlatans!</span><br/> <span class="font-size-5">Entre l’école de la République et le camp d’entraînement des guerriers dont la nouvelle économie a besoin, il faut donc choisir. Il est ridicule d’imposer une petite heure d’instruction civique au collège, quand toutes les normes morales qui fondent la cité sont bafouées par les politiques publiques elles-mêmes, par les conditions d’existence de la majorité des élèves et de leurs parents, par la jungle économique à laquelle les jeunes savent très bien devoir être livrés. Si l’école devait vraiment apprendre la citoyenneté, elle deviendrait l’école de la rébellion contre le capitalisme et la société de marché. Les gouvernements néolibéraux font donc en réalité semblant de demander à l’école une contribution à l’éducation civique, et ce, seulement pour satisfaire une clientèle électorale qui exige un retour à l’ordre moral. En fait, les néolibéraux les plus déterminés ont fait le choix peu avouable de détruire peu à peu les écoles publiques démocratiques pour les remplacer par des entreprises de formation répondant aux attentes des marchés. Cela est quasiment écrit noir sur blanc dans les documents officiels de l’Union européenne qui définissent la stratégie de Lisbonne en matière d’éducation, dès le milieu des années 1990. Si donc la Grande Régression va à son terme, même l’enfance et l’adolescence finiront d’être colonisées par les exigences et le culte de la compétition marchande.</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi, l’un après l’autre, et jusqu’au dernier bastion de l’école, tous les cercles de la ronde humaine, qui, hier encore, élevaient l’individu vers un espace social élargi et diversifié, qui tissaient la trame des liens sociaux nécessaires à la liberté comme à la construction d’une identité singulière, tous ces cercles inversent désormais leur mouvement et entraînent l’individu dans une spirale descendante jusqu’à le renfermer dans un clan primitif ou dans la solitude.</span><br/> <span class="font-size-5">L’individu peut alors se sentir seul au monde, avoir le sentiment qu’en effet “il n’y a plus de société” : tous les étages de celle qu’il a connue se sont effondrés et il n’y a plus de refuge pour échapper à la nécessité nouvelle de vivre dans le stress permanent de la lutte contre autrui. Quelques individus s’écroulent eux-mêmes sous le poids de l’effondrement général ; certains s’inventent une nouvelle famille en s’abandonnant à une église, une bande ou une secte ; la plupart sont résilients, ils apprennent à circuler entre les ruines et à jouir intensément de toutes les poches résiduelles d’humanité ; enfin, une minorité d’individus dont le moi social est plus solide que d’ordinaire – les “militants” - décident de résister et de préparer la reconstruction, non pas qu’ils soient assurés de réussir, mais parce qu’ils ont la certitude de ne savoir vivre autrement.</span><br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010 </span><br/> <span class="font-size-5">(p.222-226)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F3"><span class="font-size-5"> </span><br/> <br/></font></u></font></span></font></p>
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<p style="text-align: center;"><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560352755?profile=original" target="_self"><font color="#0000F3"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560352755?profile=original" width="499" class="align-center"/></font></a></u></font></span></font></p>8 - ... "les êtres humains sont naturellement doués pour la coopération et la solidarité"tag:epanews.fr,2017-04-06:2485226:BlogPost:27536582017-04-06T14:48:49.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Je n'entends pas refaire l'inventaire des multiples reculs opérés depuis trente ans par les politiques sociales. La "régression” dont il est à présent question désigne un phénomène plus vaste et plus fondamental, une dynamique de déconstruction des liens sociaux qui constituent les individus en communautés humaines et rassemblent ces communautés en une grande société. En cette matière, comme dans toutes ses…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Je n'entends pas refaire l'inventaire des multiples reculs opérés depuis trente ans par les politiques sociales. La "régression” dont il est à présent question désigne un phénomène plus vaste et plus fondamental, une dynamique de déconstruction des liens sociaux qui constituent les individus en communautés humaines et rassemblent ces communautés en une grande société. En cette matière, comme dans toutes ses autres dimensions, la Grande Régression se distingue à nouveau par une inversion systémique : le renversement de la synergie positive qui avait fini par s’installer entre une émancipation inédite des individus et une intensification également inédite des liens sociaux. Depuis l’essor initial des premières sociétés sédentaires, il avait fallu près de douze mille ans pour en arriver à ce stade du développement humain. Jusqu’alors en effet, le renforcement de la société avait presque toujours été en opposition avec celui des libertés individuelles. La phase moderne de cette histoire avait même dégénéré dans une oscillation extrême entre des poussées libérales disloquant la société et des réactions antilibérales renforçant parfois l’emprise de la société jusqu’aux limites du totalitarisme. Toutefois, les conséquences dramatiques de ces extrémités avaient incité les sociétés modernes à sortir de l’opposition destructrice entre deux projets qui jouaient soit la société contre l’individu, soit l’individu contre la société.</span><br/> <span class="font-size-5">Durant une trentaine d’années seulement (des années 1950 aux années 1970), dans les plus vieilles démocraties occidentales, il a semblé qu’un compromis inédit autorisait une poussée simultanée d’individualisme et de socialisme. Mais ce ne fut qu’une parenthèse, avant le déferlement de la vague néolibérale décrite au début de ce livre.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Contrairement aux idées néolibérales en vogue, les êtres humains sont naturellement doués pour la coopération et la solidarité, autant et souvent davantage que pour la compétition, surtout au sein de petites communautés de proximité. C’est que la biologie et les traits fondamentaux du fonctionnement humain se sont installés, plusieurs millions d’années durant, au sein de petites bandes d’individus dont le succès évolutif tient au développement continu de leurs capacités de communication, d’interaction psychique, d’organisation sociale et d’action solidaire. Dans son ultime phase, cette longue histoire grégaire a mené vers l’espèce humaine contemporaine (</span><i><span class="font-size-5">Homo sapiens sapiens</span></i><span class="font-size-5">), dont toute l’évolution biologique et la quasi-totalité de l’histoire sociale se sont déroulées au sein de petites tribus nomades de chasseurs-cueilleurs partageant leur nourriture. Ce cadre primitif fait de l’humain un être social par excellence : il construit sa vie propre (matérielle, affective et symbolique) par et dans les liens qu’il noue avec sa famille et la communauté où il grandit ; son désir d’être lui-même, d’exister, est indissociable d’un désir d’être avec autrui ; son attrait pour l’autonomie et la singularité va de pair avec des pulsions grégaires et mimétiques. Tout cela participe de ce que j’appelle les “invariants anthropologiques” du fonctionnement humain. Il est essentiel de comprendre que ces traits fondamentaux se sont forgés pour permettre à chacun de bien grandir parmi les siens, c’est-à-dire de déployer son existence à peu près en harmonie avec une communauté humaine de proximité où tout le monde se connaît. Ils font de l’être humain un être social qui ne peut s’épanouir vraiment que par la qualité de ses liens sociaux, mais ils ne le pourvoient d’aucune prédisposition naturelle à surmonter le défi nouveau et très récent (à l’échelle de l’histoire de l’espèce humaine) que constitue la vie dans une “grande société” traditionnelle ou moderne. Savoir vivre bien avec les autres dans une sorte de grande famille nomade composée de quelques dizaines d’individus est une chose ; faire société avec des dizaines ou des centaines de milliers, voire des millions d’inconnus sédentaires, est une tout autre affaire.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, enfin, les nations démocratiques tirent les leçons des excès de la dissociété capitaliste et de l’hypersociété quasi totalitaire et s’efforcent de se tenir à bonne distance des deux. L’axe de tension oppose désormais le pôle associationniste et le pôle libertaire, c’est-à-dire deux conceptions de la liberté : la liberté par l’affranchissement des individus à l’égard de toutes leurs attaches sociales (dissociété individualiste) ; la liberté par l’association des individus et des diverses communautés dans une société plus liée, plus égalitaire, plus solidaire et respectueuse des multiples appartenances sociales grâce auxquelles les individus construisent une vie singulière.</span><br/> <span class="font-size-5">Sans le savoir vraiment, les gouvernements démocratiques de l’après-guerre ont amorcé un mouvement dans cette seconde voie. Je dis “sans le savoir”, parce que le chemin emprunté alors résulte d’un compromis politique quasiment imposé par les traumatismes des deux décennies précédentes et par le rapport des forces en présence. Il s’agit de restaurer une société et une économie très encadrées par un État au service de la prospérité, de garantir la paix sociale en partageant mieux les richesses produites et en développant la protection sociale, tout en prenant le contre-pied des pays communistes en matière de libertés publiques et de démocratie. En théorie, on peut voir là l’ébauche d’un mouvement vers le socialisme démocratique. Mais en fait, c’est une sorte de bricolage politique qui emprunte des outils aux diverses idéologies en se gardant bien d’en penser une nouvelle. Pour ceux qui repoussent alors, avec un égal dégoût, le stalinisme et le nazisme, rien ne paraît plus dangereux que la construction rationnelle d’un projet politique destiné à transformer la société. Ils vont donc transformer celle-ci en pratique, et même assez radicalement, mais sans théoriser ce changement.</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi, l’orientation vers une société de progrès humain l’a emporté politiquement sans être pensée intellectuellement.</span><br/> <span class="font-size-5">À l’opposé, le pôle libertaire est clairement défait politiquement, mais c’est alors qu’il va commencer d’être le plus brillamment pensé! La philosophie ultralibérale et l’utopie du marché libre sont relancées par Friedrich Hayek et Milton Friedman. Ces derniers posent aussi tous les jalons de la contestation du consensus keynésien. La théorie de l’État minimal et de la liberté maximale atteint un sommet avec des auteurs libertariens comme Robert Nozick. Et je n’évoque ici que les figures les plus célèbres d’une foule de penseurs qui vont préparer tous les outils de légitimation intellectuelle que pourront bientôt mobiliser les néolibéraux. Au moment où, pour toutes les raisons déjà décrites, le compromis bricolé durant les Trente Glorieuses entre en crise, le camp progressiste ne sait pas déchiffrer cette crise parce qu’il ne sait même pas en quoi consistait son modèle, ou plutôt parce que, n’ayant à proprement parler plus de modèle, plus de colonne vertébrale idéologique, il reste sans voix devant son Meccano social en panne. Le contraste avec les penseurs de la contre-révolution néolibérale est alors fatal. Eux disposent d’un grand récit bien rodé et voué au succès, puisque sans réel concurrent. Si les progressistes des années 1970 avaient pensé la voie sur laquelle ils étaient engagés, non seulement ils auraient pu anticiper ou identifier ses défaillances, mais surtout ils auraient su et pu convaincre que la pire des réactions à la crise de leur modèle consistait alors à en prendre le contre-pied.</span><br/> <span class="font-size-5">En effet, quand on pense le progrès humain, on comprend d’abord qu’il consiste désormais à sortir d’un cycle infernal d’alternance hyper-société-dissociété que l’évolution humaine ne pouvait pas totalement éviter. En caricaturant la dialectique analysée plus haut, il fallait bien que l’humanité progresse d’abord par la constitution et le renforcement de grandes sociétés à peu près assurées de leur existence – et ce au mépris de l’individu -, pour que puissent prospérer et prendre corps les idées de liberté personnelle et de bonheur individuel. En fait, la longue ère de l’hypersociété traditionnelle crée les conditions matérielles et sociales nécessaires au progrès d’une conscience et d’une identité personnelles, jusqu’au point de rupture entre cette poussée de l’individualisme et le cadre trop rigide qui l’avait abritée durant des millénaires. Il arrive ainsi nécessairement un moment où la permanence et l’emprise de la société entrent en contradiction avec le progrès des individus et des identités singulières qu’elles ont rendu possible. La synergie société-individu mue en conflit d’autant plus vif que les institutions et les pouvoirs en place se crispent dans une réaction conservatrice, stimulant ainsi en retour une radicalisation individualiste de la pensée moderne.</span><br/> <span class="font-size-5">(...) Les individus sont en effet des êtres sociaux qui ne peuvent construire une identité singulière qu’en tissant des liens sociaux. Par conséquent, instituer leur liberté en les déliant les uns des autres et de la société est une impasse qui ne conduit pas à la liberté des humains, mais au déchaînement de la compétition et à la domination des plus forts. (...) En cent cinquante ans (autant dire en un instant à l’échelle de l’histoire humaine), la dislocation des liens traditionnels par le libéralisme et le capitalisme a réactivé la tentation de l’hypersociété sous la forme nouvelle et extrême d’un anti-individualisme, d’un fantasme de fusion dans un grand tout social homogène. La leçon est claire :</span> <i><span class="font-size-5">un excès de dissociété libérale n’est pas le plus sûr moyen d’échapper à l’hypersociété, mais le plus sûr moyen de préparer son retour en pire!</span><br/></i> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">On peut aussi préciser plus avant la nature de ce que j’appelle la Grande Régression, et la place qu’elle occupe dans l’évolution des sociétés humaines. Elle constitue le dernier excès que la société moderne devait sans doute explorer (après l’expérience totalitaire) : l’ultime mouvement de balancier peut-être nécessaire pour clore l’ère moderne, ère de l’affrontement entre individu et société, qui devait bien aller au bout de ses fantasmes jumeaux – la société intégrale et l’individu roi, avant de s’effacer devant l’évidente nécessité d’une réconciliation. La Grande Régression mérite donc bien son nom, car elle ne se résume pas au recul général du progrès social par rapport à la phase précédente. En procédant à une déconstruction systématique de la société, le projet néolibéral n’est pas moins que l’abolition de douze mille ans d’évolution qui avaient mené l’humanité des communautés primitives jusqu’aux portes d’une grande société de progrès humain. Il avait fallu tout ce temps pour passer de microcommunautés, parfaitement soudées et ignorant l’idée même de vie personnelle, à d’immenses communautés politiques pluriculturelles, presque capables de combiner</span> <i><span class="font-size-5">l’émancipation des individus, la cohésion sociale et la coexistence pacifique de modèles de société variés.</span></i> <span class="font-size-5">Moins de trente ans ont suffi à la contre-révolution libérale pour “réussir” à combiner</span> <i><span class="font-size-5">la nouvelle aliénation des individus, le désordre social et la guerre des communautés, voire la guerre des civilisations</span></i><span class="font-size-5">. La tradition avait apporté à l’humanité la</span> <i><span class="font-size-5">cohésion</span></i> <span class="font-size-5">d’une grande société, la modernité avait introduit la</span> <i><span class="font-size-5">liberté</span></i> <span class="font-size-5">personnelle, l’esprit de l’après-guerre avait ébauché la réconciliation de ces deux apports, avec la</span> <i><span class="font-size-5">paix</span></i> <span class="font-size-5">des nations en prime. La Grande Régression nous reprend tout, la cohésion, la liberté et la paix.</span><br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010 </span><br/> <span class="font-size-5">(p. 157-158, 159-160, 187-190, 195-196)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F4"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></font></span></font></p>
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<p><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><font color="#0000F4"><span class="font-size-5"><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560352014?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560352014?profile=original" width="227" class="align-center"/></a></span></font></u></font></span></font></p>7 - "Une société moins riche, moins technicienne, mais plus soudée serait plus à même de s’élancer vers un nouveau monde."tag:epanews.fr,2017-04-05:2485226:BlogPost:27528522017-04-05T13:06:39.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">La bifurcation aujourd’hui nécessaire suppose d’inverser la logique de la Grande Régression en cours : il ne s’agit plus de concevoir un développement écologique adapté au caractère prétendument incontournable du capitalisme et de l’économie de marché, mais d’adapter l’économie aux exigences d’une bonne société offrant aux humains présents et futurs la capacité de bien vivre ensemble. J’ai nommé cette nouvelle…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">La bifurcation aujourd’hui nécessaire suppose d’inverser la logique de la Grande Régression en cours : il ne s’agit plus de concevoir un développement écologique adapté au caractère prétendument incontournable du capitalisme et de l’économie de marché, mais d’adapter l’économie aux exigences d’une bonne société offrant aux humains présents et futurs la capacité de bien vivre ensemble. J’ai nommé cette nouvelle perspective : “société de progrès humain”. Elle est fondée sur une anthropologie générale qui tient compte des savoirs accumulés sur le fonctionnement des êtres humains et des sociétés humaines. Une fois satisfaits les besoins biologiques liés à leur existence physique, les seuls besoins vraiment nécessaires à la vie humaine sont la liberté (besoin d’être soi-même), la solidarité et la fraternité (être ensemble et en sécurité), l’activité symbolique (parler, penser, imaginer...), la reconnaissance sociale (être digne, être aimé) et l’égalité (être traité justement). Ces aspirations en interaction permanente constituent le moteur complexe de la vie humaine. Elles peuvent entrer en contradiction, sources de tensions voire de souffrance psychique que des êtres singuliers peuvent tenter de surmonter soit par leur réconciliation, soit par l’addiction pathogène à l’une d’entre elles au détriment des autres. La société de progrès humain est celle qui tend à instaurer une dialectique positive entre ces aspirations: elle tisse</span> <i><span class="font-size-5">des liens sociaux qui libèrent les individus,</span></i> <span class="font-size-5">un cadre institutionnel, matériel et symbolique, dans lequel l’épanouissement des existences singulières peut prendre appui sur la solidarité sociale et la fraternité conviviale qui les unit sans les aliéner.</span><br/> <span class="font-size-5">Une telle société – comme les individus eux-mêmes – n’a nul besoin d’un développement durable des productions et des consommations matérielles. Elle supporte au contraire d’autant mieux la nécessaire décroissance de ces dernières qu’elle offre des perspectives d’expansion presque illimitées de l’activité humaine et du bien-être personnel. Libérés de l’impératif artificiel, aliénant et insoutenable de produire et de consommer toujours plus de marchandises, les individus peuvent récupérer un temps précieux pour produire de l’éducation, de la culture, de l’art, de la santé, du savoir, des services collectifs, pour produire une alimentation saine préservant les sols nourriciers, pour profiter de la vie familiale, pour participer à la vie de la cité par l’engagement politique associatif ou syndical et aussi pour rêver, méditer, se reposer, se promener, jouir de la lenteur, de la tranquillité, du plaisir simple d’être soi dans une bonne société. Si elle bannit le productivisme marchand inhérent au capitalisme, la société de progrès humain n’est pas improductive ; et si elle suppose la décroissance des consommations matérielles insoutenables, elle n’implique en rien la stagnation économique. Elle produit autre chose et autrement qu’une société capitaliste. Elle produit plus de liens, plus de services immatériels et moins de biens matériels. Et ce faisant, d’ailleurs, elle garantit plus sûrement la croissance de l’emploi et l’instauration durable du plein-emploi.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Ce serait une illusion funeste que d’espérer mobiliser la masse des humains en faveur d’une reconversion radicale de leurs modes de consommation et de production en agitant la menace de cataclysmes planétaires. Je l’ai déjà souligné, cette illusion transparaît dans le déploiement obsessionnel du catastrophisme climatique. Non seulement cette grande peur collective risque de masquer des défis encore plus assurés et immédiats, tels que la pénurie de denrées alimentaires, mais surtout, tant qu’elle est déconnectée du désastre social déjà engendré par le capitalisme, elle n’aura pas les vertus mobilisatrices escomptées. Quand les salariés vivent dans l’obsédante nécessité de travailler plus pour garder leur emploi, dans le stress de la compétition, dans la peur du chômage et du déclassement, dans une société qui survalorise l’accumulation des biens et méprise la sobriété, dans un système qui siphonne leurs revenus, leurs loisirs et leurs services publics au profit d’une minorité de nantis, en un mot, quand ils sont déjà tout occupés à survivre par le seul moyen qu’on leur offre – produire plus et plus vite - , on ne voit pas comment ils viendraient à se soucier vraiment d’une menace diffuse sur les écosystèmes et la survie de l’humanité. Cette observation vaut</span> <i><span class="font-size-5">a fortiori</span></i> <span class="font-size-5">pour la masse d’individus que les riches pays capitalistes maintiennent dans la marginalité sociale, sans emploi régulier, sans formation, sans accès au logement ou aux soins médicaux, voire sans papiers. Comment des populations qui éprouvent déjà au quotidien la peur du lendemain pourraient-elles se sentir concernées par une hausse des températures de quelques degrés dans cinquante ou cent ans?</span><br/> <span class="font-size-5">Pour le dire brièvement, se préoccuper activement d’écologie est un luxe que tout le monde ne peut pas se permettre. Cela peut même passer pour une préoccupation d’élites tranquilles bien employées et bien payées, quand des écologistes soutiennent un capitalisme vert, c’est-à-dire une injustice verte, une insécurité sociale verte, la verte spoliation des biens publics et la verte usure des hommes et des femmes au travail!</span> <i><span class="font-size-5">Pour rester la couleur de l’espoir, le vert doit s’allier au rouge des luttes sociales.</span></i> <span class="font-size-5">Si la confiance dans l’avènement d’une société plus juste est perdue, pourquoi se soucier de la survie d’une société injuste pour les générations futures? Pourquoi les ouvriers et les employés devraient-ils se préoccuper de sauver une planète pour les riches? Le projet écologique ne peut mobiliser les masses que s’il vient s’inscrire dans, et actualiser, le long combat pour le progrès social. Une société plus juste, plus solidaire, plus sûre, où l’on vit mieux ensemble est un bienfait immédiat qui peut mobiliser pour lui-même et qui crée les conditions nécessaires pour relever les défis écologiques. Une bonne société mérite d’être léguée aux générations futures et justifie l’effort de transformation du mode de vie demandé à la génération présente. Cette transformation ne peut en outre entraîner l’adhésion populaire sans la certitude d’un partage équitable des sacrifices et des bénéfices associés à de nouveaux modes de production, de transport et de consommation.</span> <i><span class="font-size-5">La planète ne sera donc pas sauvée grâce à la peur de la fin du monde, tant nourrie par des écologistes qui n’osent pas penser la fin du capitalisme ; elle sera sauvée grâce au progrès social.</span> <br/></i> <span class="font-size-5">En réalité, seules des sociétés solidaires, déjà pacifiées et unifiées par les progrès de l’égalité, de la coopération et de la convivialité, pourront conduire sereinement la transition écologique. Or, les sociétés modernes les plus industrialisées ont donné la priorité à la consommation sur la convivialité, à la rivalité sur la solidarité. Elle sont dès lors tentées de s’en remettre à leur génie technologique comme à leur richesse pour surmonter tous les défis à venir. Espérer un miracle technique qui repoussera toutes les menaces en quelques décennies, sans qu’il soit nécessaire d’assumer la transformation des modes de vie et les conflits de répartition des ressources : tel est le déni enfantin qui fascine nécessairement une société hypermoderne, car celle-ci pressent qu’elle a peut-être déjà perdu le savoir-faire social grâce auquel une société moins riche, moins technicienne, mais plus soudée serait plus à même de s’élancer vers un nouveau monde. Ainsi le délitement des liens sociaux vient-il ajouter sa force à l’engrenage d’une régression générale.</span><br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil </span><br/> <span class="font-size-5">octobre 2010 (p. 152-156)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F5"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></font> <font face="Academy Engraved LET"><br/></font></span></font></p>
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<p><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><font color="#0000F5"><span class="font-size-5"><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560352353?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560352353?profile=original" width="650" class="align-center"/></a></span></font></u></font></span></font></p>6 - "... il ne s’agit pas d’aller moins vite au bout de l’impasse, mais de changer de direction."tag:epanews.fr,2017-04-03:2485226:BlogPost:27498842017-04-03T12:51:13.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Le capitalisme globalisé n’a pas seulement accéléré et approfondi une crise écologique déjà programmée par deux siècles de croissance industrielle. Il a surtout bloqué la possibilité d’une bifurcation salutaire, au moment même où le monde occidental prenait conscience de sa nécessité. En effet, dès la fin des années 1970, après les “chocs pétroliers”, on savait que la prospérité moderne était en sursis,…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Le capitalisme globalisé n’a pas seulement accéléré et approfondi une crise écologique déjà programmée par deux siècles de croissance industrielle. Il a surtout bloqué la possibilité d’une bifurcation salutaire, au moment même où le monde occidental prenait conscience de sa nécessité. En effet, dès la fin des années 1970, après les “chocs pétroliers”, on savait que la prospérité moderne était en sursis, suspendue à des livraisons de pétrole promises à l’épuisement. L’opinion s’émouvait déjà des dégâts de la pollution chimique sur la santé et sur l’environnement. Il était alors temps, et déjà urgent, de penser la planification d’une nouvelle économie soutenable à long terme. 0r, c’est précisément le moment où, avec la contre-révolution libérale, le monde a emprunté le chemin inverse, celui de l’approfondissement et de l’extension planétaire d’une économie insoutenable pilotée par la seule exigence d’une rentabilité financière maximale.</span><br/> <span class="font-size-5">Dans ce tournant, l’humanité a pris trente ans de retard dramatiques dans la conception d’un autre mode de vie et de production.</span> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">On doit en effet reconsidérer le fonctionnement de l’économie et la substance du progrès, en sorte qu’ils soient compatibles avec une –coévolution harmonieuse entre productions humaines et écosystèmes. On peut aussi explorer l’idée qu’une économie refondée autour de préoccupations écologiques recèle un gisement considérable d’emplois et d’activités et donc une autre forme de croissance (compatible avec la nécessaire décroissance de diverses consommations matérielles) : croissance de l’emploi agricole, des services collectifs, du temps libre, du recyclage, de la recherche, etc. Il s’agit, en un mot, de concevoir une économie au service d’un projet de préservation d’un cadre de vie agréable et soutenable pour l’humanité.</span> <i><span class="font-size-5">Or, cette instrumentalisation de l’économie comme moyen au service d’une fin sociale est précisément l’inverse de ce que nous promet un “capitalisme vert”, à savoir : l’instrumentalisation de l’écologie comme nouvelle perspective de croissance du capital.</span><br/></i> <span class="font-size-5">L’argument affiché du capitalisme vert est l’éternelle rengaine selon laquelle le capital libéré de toute entrave s’empresse spontanément de satisfaire au mieux les besoins humains, car c’est ainsi qu’il peut maximiser le profit. On a suffisamment montré plus haut qu’il s’agissait là d’une fable. À la limite, et pour les esprits peu au fait des questions économiques, cette fable pouvait encore faire illusion, voici trente ans, quand aucune société ne s’était encore vraiment risquée à la mettre en pratique. Mais, trente ans après la grande liberté enfin donnée au capital de faire ce qu’il veut là où il veut, on sait où il va et ce qu’il y fait! Après trente ans de libre circulation du capital, un sixième de l’humanité reste malnutrie et n’a toujours pas accès à l’eau potable. Moins de 2% des flux financiers servent à financer une activité réelle ; tout le reste finance ... la finance! L’ouverture des pays en développement au capital “libéré” entretient une catastrophe écologique qui prépare une catastrophe alimentaire. Avant la “mondialisation heureuse” du capital, la “révolution verte” présentait bien des défauts aux yeux des écologistes, mais elle avait le mérite de viser l’autosuffisance alimentaire de populations en expansion. Il fallait préserver cette visée et corriger les méthodes de production pour les rendre soutenables. Au lieu de cela, la révolution néolibérale a contraint les pays en développement à repenser leur agriculture, non plus comme une source de nourriture pour leur population, mais comme une source de devises nécessaire à leur insertion dans le commerce international.</span><br/> <span class="font-size-5">Depuis lors, année après année, on exproprie illégalement des tribus indigènes ou des petits paysans, on rase les forêts primaires pour créer de véritables déserts verts : des monocultures destinées à fournir les multinationales de l’agroalimentaire ou l’industrie des agrocarburants, des plantations gigantesques qui éradiquent toute autre forme de végétation, détruisent les habitats de la faune sauvage et épuisent les sols. Pour quelle utilité? Pour faire rouler nos voitures à essence plus longtemps, au lieu de développer des énergies vraiment renouvelables et de nouveaux moyens de transport. Pour nourrir nos moteurs plus sûrement que nous-mêmes et pour bien d’autres “raisons” déraisonnables. Ainsi, entre autres, “grâce” à la destruction des forêts primaires, les Indonésiens fournissent aux Roumains l’huile de palme avec laquelle ils fabriquent leur “savon de Marseille” qui sera vendu pour tel sur la Canebière! Vendu (pourquoi pas?) à des touristes roumains qui, en fait de souvenir “typiquement provençal”, rapporteront de l’huile indonésienne transformée à deux pas de chez eux et dont la production saccage la biodiversité, prive de ressources des paysans pauvres et détruit les emplois des savonniers marseillais. Pourquoi tant d’échanges insensés et trompeurs dont le transport consomme des tonnes de carburants polluants? Pour satisfaire le “besoin de devises”. Devises qui serviront à quoi? Peut-être à importer la nourriture que les Indonésiens auraient pu produire eux-mêmes, voire à importer du faux “savon de Marseille”!</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">L’agriculture livrée à la logique capitaliste, c’est à ce jour l’aggravation de tous les méfaits d’une agriculture intensive qui est responsable de 20% des émissions de gaz à effet de serre, pollue et appauvrit les sols, accélère la déforestation et le déclin de la biodiversité, assèche les nappes phréatiques, dénutrit les uns et engraisse les autres. Ce modèle n’est plus soutenable à long terme. Or, en sus du milliard de personnes souffrant aujourd’hui de malnutrition, l’agriculture devrait nourrir trois milliards d’êtres humains supplémentaires d’ici à 2050. À ce jour, on ne sait pas comment cela sera possible, mais on sait au moins que la libre concurrence capitaliste ne peut être l’issue à l’impasse qu’elle a elle-même engendrée. L’usage et le partage de l’eau devront être planifiés, le libre échange des denrées alimentaires devra laisser la place à la relocalisation de l’agriculture (chaque région proposant une production adaptée aux besoins locaux), il faudra développer l’emploi agricole et des modes de production biologique économes en eau et en énergie. Comme toutes les autres dimensions de la gestion des écosystèmes, l’alimentation ne pourra plus être gérée comme un bien privé ordinaire, elle devra l’être comme un bien public à la fois national et mondial et suivre un plan arrêté par des instances politiques.</span> <i><span class="font-size-5">Il n’y aura donc aucun progrès écologique décisif sans l’abolition du pouvoir exorbitant dévolu depuis trente ans aux gestionnaires des capitaux et sans remise en question du libre-échange qui constitue le levier principal de ce pouvoir.</span><br/></i> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi, le capitalisme durable est un capitalisme qui souffrira de polluer moins et d’épuiser moins vite les ressources pour préserver sa capacité à polluer plus longtemps et à exploiter les ressources jusqu’au bout. Ce qui plaît tant aux capitalistes, dans la définition du développement durable, est qu’elle associe la “satisfaction des besoins” à l’idée d’un accroissement continu de moyens. Car tel est justement le moteur nécessaire au capitalisme : fabriquer du désir d’acheter en permanence, transformer le désir en besoin insatiable pour soutenir une croissance infinie qui maintient le profit en survie artificielle. Mais dans un monde fini, il n’y a pas de place pour un désir infini de consommation et de possession matérielle. Car il n’y a pas de rendements indéfiniment croissants dans l’usage d’une ressource épuisable. Soutenir un capitalisme durable revient donc à s’engager, plus lentement peut-être mais plus sûrement, dans la même impasse écologique où nous sommes déjà. À part les fous peut-être, tout le monde comprend qu’il ne s’agit pas d’aller moins vite au bout de l’impasse, mais de changer de direction. Voilà pourquoi la sauvegarde d’un environnement viable ne peut constituer une finalité en soi, indépendante d’un modèle de société capable de soutenir une coévolution harmonieuse entre l’humanité et son milieu physique.</span><br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil </span><br/> <span class="font-size-5">octobre 2010 (p. 138-139, 144-147, 151-152)</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F6"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></font> <font face="Academy Engraved LET"><br/></font></span></font></p>
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<p style="text-align: center;"><font size="5"><span><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560354576?profile=original" target="_self"><font face="Academy Engraved LET"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560354576?profile=original" width="350" class="align-center"/></font></a></span></font></p>5 - "... une réelle bifurcation vers le progrès humain."tag:epanews.fr,2017-04-02:2485226:BlogPost:27471032017-04-02T11:24:12.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p style="text-align: left;"><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">La phase précédant la Grande Régression avait enclenché une dialectique positive dans laquelle le capitalisme s’adaptait aux exigences de la société. La contre-révolution néo-libérale des années 1980 a mis ce moteur dialectique en marche arrière, contraignant désormais la société à s’adapter continuellement aux exigences toujours plus hautes du capital.…</span> <br></br></span></font></font></p>
<p style="text-align: left;"><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">La phase précédant la Grande Régression avait enclenché une dialectique positive dans laquelle le capitalisme s’adaptait aux exigences de la société. La contre-révolution néo-libérale des années 1980 a mis ce moteur dialectique en marche arrière, contraignant désormais la société à s’adapter continuellement aux exigences toujours plus hautes du capital.</span> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Second temps : à un moment variable selon l’état des rapports de force propre à chaque pays, la propagande anti-dépenses publiques a suffisamment progressé pour que les gouvernements néolibéraux s’engagent dans la réduction effective des services collectifs et des dépenses sociales, et favorisent leur remplacement progressif par des services marchands et des assurances sociales privées. Ce faisant, ils accomplissent leur idéal : l’abolition du modèle social européen hérité des années 1940, pour lui substituer un modèle américain.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Les instruments financiers devraient favoriser un financement adapté et sécurisé d’une économie réelle tendue vers la satisfaction équitable des besoins de tous. Au lieu de cela, ils sont conçus pour soutenir artificiellement une économie insoutenable qui épuise les hommes et les ressources pour satisfaire l’appétit insatiable des plus riches. (...) À ce stade, il est grand temps de sonner la fermeture du casino mondial et de reprendre le contrôle public des instruments et des flux financiers. Mais les pouvoirs publics, qui n’ont plus grand-chose de “public” hormis l’étiquette, décident de sauver le casino plutôt que leurs concitoyens. Il est dès lors certain que</span> <i><span class="font-size-5">la crise globale du capitalisme ne fait que commencer.</span></i> <span class="font-size-5">(...)</span> <i><span class="font-size-5">Ainsi, les gouvernements ont délibérément choisi de transformer une crise de surendettement privé en une crise de surendettement public!</span></i> <span class="font-size-5">Au lieu de laisser les spéculateurs assumer leurs risques, ils ont converti les pertes privées de ces derniers en charges publiques. Qu’ils l’aient fait par cynisme, cupidité, servilité ou pure imbécillité ne change rien au résultat. (...) Dès 2009, à peine sauvées par l’argent public, les grandes banques s’en vont spéculer contre la dette publique! En commençant par les pays les plus fragiles, la Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne...</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Tel est l’engrenage fatal qui a d’abord frappé la Grèce en 2010. Le traitement de la crise grecque est emblématique de l’hypocrisie des gouvernements européens et d’une impasse spécifique à l’Union européenne. Cette crise pouvait théoriquement être évitée par des interventions simples et immédiates : institution d’une garantie solidaire des dettes publiques des membres de l’Union, contrôle des mouvements de capitaux impliquant des opérateurs extérieurs à l’Union et concours financiers de la Banque centrale européenne (ensemble des instruments qui sont par exemple mobilisables aux Etats-Unis). Mais toutes ces interventions sont prohibées par les traités de l’Union. L’Union européenne s’est donc elle-même interdit l’usage de tous les instruments de la puissance publique mobilisables partout ailleurs dans le monde pour faire face à une attaque des marchés financiers. Ce n’est pas là un oubli malencontreux, mais un choix délibéré pour soumettre les États européens à la tutelle des marchés financiers. Si un pays tarde trop à se couler dans le moule de la rigueur budgétaire, il finira par subir les assauts des spéculateurs contre les titres de sa dette publique. (...)</span><br/> <span class="font-size-5">Les citoyens payent au prix fort une crise fabriquée par les spéculateurs, après que d’autres citoyens ont déjà payé cher pour sauver lesdits spéculateurs!</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Tant qu’il reste des États privés pour payer les frasques de leurs amis capitalistes, ce n’est qu’une partie remise! À moins que des gouvernements, enfin décidés à protéger leurs peuples, ne sonnent la fin de la partie en reprenant le contrôle des marchés, aucun pays ne peut échapper à cette mécanique folle.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...) Mais cette folie est cohérente avec le projet politique des néolibéraux :</span> <i><span class="font-size-5">leur but n’est pas d’éviter la crise, mais d’en profiter pour privatiser plus avant l’État et la société et pour se rapprocher de leur idéal américain.</span><br/></i> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Le seul moyen d’échapper durablement au dilemme posé par une montagne de dettes privées pourries consiste à apurer ces dettes rapidement et “pour de bon”, en répartissant le coût de l’opération de la façon la plus équitable possible. Pour cela, il faut accepter la faillite des opérateurs financiers privés, et intervenir uniquement pour protéger les agents non financiers victimes de la crise. Des banques publiques garantissent alors les dépôts, les emplois et les crédits précédemment gérés par les établissements défaillants. L’État décide quelles dettes devront être remboursées normalement (en fonction de leur utilité économique et sociale réelle) et quelles dettes seront restructurées ou annulées ; il met en place un système de garantie mutuelle du crédit interbancaire et des crédits à l’économie productive ; il reloge les ménages expulsés de leur maison et restructure leur dette ; il prélève une contribution exceptionnelle sur la fortune des plus riches et sur les profits des établissements financiers ; il a enfin recours à la création monétaire directe pour apurer une part du solde restant à sa charge, dans des limites compatibles avec une inflation soutenable.</span><br/> <span class="font-size-5">Un tel plan repose sur des principes très simples : laisser les fauteurs de crises et les spéculateurs supporter leur perte nette de richesse (ce qui élimine l’aléa moral provoqué par la socialisation des pertes privées) ; garantir les avoirs et créances des salariés et des entrepreneurs victimes de la crise ; financer partiellement la facture résiduelle par une ponction sur le patrimoine privé immobilier et financier accumulé par les plus riches depuis trente ans grâce au système qui a engendré la crise. Pour que la “solution” soit durable, il faut bien entendu immuniser le pays contre la réactivation du modèle à l’origine de la crise. Cela suppose de suivre quatre axes de réforme :</span><br/> <span class="font-size-5">1) le pouvoir exorbitant des gestionnaires de capitaux est aboli et partagé entre tous les acteurs de la production ;</span><br/> <span class="font-size-5">2) le financement de l’économie redevient un bien public réglementé, produit ou encadré par des institutions financières publiques ;</span> <br/> <span class="font-size-5">3) la politique des revenus réduit fortement les inégalités et autorise chaque citoyen à vivre décemment de son travail ;</span><br/> <span class="font-size-5">Les relations économiques internationales sont refondées sur la coopération solidaire des peuples au sein d’instances de réglementation des échanges et de stabilisation des taux de change.</span><br/> <span class="font-size-5">Inutile de souligner qu’à ce jour, pour la plupart des gouvernements, ces quatre axes de réforme ne sont tout simplement pas concevables! Ce refus quasi unanime ne change rien au fait qu’il n’y a pas d’autre solution durable. La fuite en avant par l’endettement privé ou public a clairement atteint ses limites ; elle n’est plus désormais une issue soutenable à la contradiction interne du mode de développement déployé depuis trente ans.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Autrement dit, si la régression déjà engagée pouvait suivre son cours sans résistances, les pays “les plus avancés” avanceraient désormais à reculons vers une économie et une société duales dignes d’une “république bananière” sous-développée, où le capitalisme moderne n’est qu’une succession d’enclaves pompant toutes les ressources profitables d’un pays sans rien distribuer dans le reste de la société, où la classe supérieure salariée et les capitalistes vivent retranchés dans des réserves fortifiées pour échapper à la convoitise et à la rancœur des pauvres.</span><br/> <span class="font-size-5">Cette perspective nous paraît évidemment surréaliste, car une telle évolution du capitalisme impliquerait le remplacement de notre société moderne et démocratique par une société éclatée et tenue par un État policier au service exclusif des riches. Comment la partie de la population destinée à l’exclusion pourrait-elle accepter pareille mutation sans se révolter? Pourquoi des individus grandis dans une culture individualiste adopteraient-ils soudain une mentalité de serfs soumis à leurs maîtres? On a donc sans doute raison de tenir cette perspective pour une vue de l’esprit qui serait concrètement insoutenable pour les Américains ou les Européens d’aujourd’hui. Mais on aurait tort d’ignorer qu’elle est pourtant la destination insensée d’une société soumise au pouvoir de l’argent. Tant que la société renonce à abolir la liberté et le pouvoir du capital, le capitalisme poursuit son mirage d’une puissance absolue émancipée de toute contrainte. Il faut être aveugle pour ne pas voir que</span> <i><span class="font-size-5">le fantasme ultime du capitalisme – qui a commencé de s’accomplir – est précisément de n’avoir plus besoin de rien ni de personne pour prospérer, plus besoin des travailleurs, ni de la société, ni de la démocratie, ni d’un territoire, ni même finalement d’une quelconque production!</span><br/></i> <span class="font-size-5">Ce fantasme est celui d’un “capitalisme pur” et c’est la régression vers ce qui constituait déjà l’essence du capitalisme primitif : le pouvoir de jouer avec l’argent, pour accumuler plus d’argent, sans se soucier de produire quoi que ce soit. La firme transnationale contemporaine tend vers cette utopie en externalisant peu à peu l’essentiel des activités de production vers un vaste réseau de sous-traitants disséminés sur la planète. Son idéal serait celui d’une “entreprise sans usine” ; une firme qui se concentre sur la recherche, le marketing et la captation des profits générés par ses sous-traitants. À la limite, la grande société d’actionnaires idéale n’a plus pour objet de produire et de vendre ; elle abandonne ce souci aux entreprises ordinaires (non cotées en Bourse) qui sont engagées de force dans une guerre impitoyable pour rester à son service. Les entrepreneurs sous-traitants assument donc la charge de mobiliser et d’intensifier le travail pour créer le maximum de valeur en vue de transférer celle-ci vers les “donneurs d’ordre”. Tel est l’ultime et unique métier de la firme capitaliste idéale : donner des ordres à une armée de vassaux chargés de pressurer à l’extrême les travailleurs pour en extraire le précieux “liquide”.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">On comprend à ce stade que la question urgente n’est pas de savoir si les sociétés capitalistes les plus avancées vont cheminer jusqu’à la destination logique de la régression en cours, à savoir un capitalisme pur parfaitement émancipé, dans une société intégralement asservie où la misère s’étend en proportion de l’opulence des maîtres. Nous échapperons forcément à une destinée qui n’est pas soutenable, ni matériellement ni socialement.</span> <i><span class="font-size-5">La seule question est de savoir si nous y échapperons grâce à une réorientation radicale et pacifique des politiques et du système économique, ou bien après l’effondrement violent de la société où nous conduit la dynamique enclenchée par la Grande Régression.</span></i> <span class="font-size-5">Il n’y a pas d’autre issue à cette alternative.</span><br/> <span class="font-size-5">(...) Ce n’est pas la régression économique qui, à elle seule, entraîne les autres ; elle n’a été possible que dans un contexte d’affaiblissement de la démocratie, de délitement des liens sociaux, d’abêtissement des élites et de soumission des individus. Et tous ces mouvements se renforcent l’un l’autre, dans une dialectique négative, une spirale régressive qui n’a aucune raison de s’éteindre d’elle-même, avant le grand chaos peut-être nécessaire pour ouvrir la voie d’une renaissance.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Car les sociétés occidentales sont aujourd’hui gouvernées par diverses castes alliées qui, pour des motifs divers, sont bien décidées à ne rien changer des comportements et des institutions qui ont conduit au désastre. Peu leur chaut que leur modèle ne soit pas soutenable pour les individus, la planète ou la société : ils sont résolus à forcer sa mise en œuvre, même impossible, c’est-à-dire à tendre toutes les contradictions jusqu’à ce qu’elles explosent. Cet entêtement peut manifester le cynisme des nantis qui, même en pleine crise, s’empiffrent comme jamais au détriment de tous les autres et se fichent pas mal de l’état du monde présent ou à venir ; il révèle aussi, chez certains responsables politiques, un fondamentalisme idéologique imperméable à tous les faits et/ou une bêtise abyssale ; il peut encore résulter d’une compétition politique carnavalesque qui sélectionne parfois les gouvernants les plus cabots, les plus fats ou les plus incompétents ; il est enfin soutenu par une armée de faiseurs d’opinion, désertée par l’intelligence et où s’entremêlent toutes les “qualités” susdites.</span><br/> <span class="font-size-5">Quelles qu’en soient les raisons variées, force est de constater l’entêtement absurde des élites aux commandes face au désastre économique de leur modèle préféré. (...) Face au cul-de-sac du capitalisme, ils nous disent qu’il faut sauver le capitalisme. Face aux méfaits de la libre concurrence, ils répètent qu’il faut sauver le libre-échange. Autrement dit : “ Tant que le poison ne vous a pas tué, continuez à en prendre!”. C’est à peine si, devant l’indécence des rémunérations patronales, ils osent risquer un “c’est pas bien”, en espérant que la populace sera réconfortée par une telle audace politique. Et même parmi les opposants, les soi-disant “progressistes”, les soi-disant “de gauche”, on peine à entendre les rares voix qui proposent une réelle bifurcation vers le progrès humain.</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi, trois ans après le déclenchement de la première crise mondiale du XXI° siècle, le citoyen américain ou européen peut contempler un quasi-consensus surréaliste pour s’efforcer de persévérer dans la même direction. Face à l’impasse, il y a comme une impuissance collective à reconnaître que c’est une impasse. Au lieu de cela, on invente de nouvelle fables merveilleuses où l’on raconte qu’en faisant comme avant on obtiendra d’autres résultats, qu’en reprenant le même chemin on ira ailleurs! C’est hélas, j’y viens maintenant, le même genre d’affabulation qui tend à s’installer désormais face au désastre écologique.</span><br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil </span><br/> <span class="font-size-5">octobre 2010</span><br/> <span class="font-size-5">(p. 105, 114, 122-126, 128, 130-132, 133-134, 135-137)</span><br/> <br/></span></font></font> <font face="Academy Engraved LET"><font size="4"><span><br/></span></font> <font size="5"><span><span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font></font> <font size="5"><span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F7"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></font> <font face="Academy Engraved LET"><br/> <br/> <a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560354820?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560354820?profile=original" width="400" class="align-center"/></a><br/></font></span></font></p>4 - "... c’était une promesse d’émancipation et de progrès pour tous les êtres humains, grâce à la connaissance, à l’égale liberté et à la loi démocratique."tag:epanews.fr,2017-04-01:2485226:BlogPost:27444552017-04-01T10:47:56.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Ce que les néolibéraux appellent “modernisation”, c’est l’adaptation des peuples au mouvement naturel et irrépressible de l’histoire que constituerait la guerre économique mondiale et la marchandisation des sociétés. Rien n’est en réalité plus antimoderne qu’une telle conception de l’histoire. Mais qui le sait encore, après trente ans de contamination de tous les discours par la novlangue…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Ce que les néolibéraux appellent “modernisation”, c’est l’adaptation des peuples au mouvement naturel et irrépressible de l’histoire que constituerait la guerre économique mondiale et la marchandisation des sociétés. Rien n’est en réalité plus antimoderne qu’une telle conception de l’histoire. Mais qui le sait encore, après trente ans de contamination de tous les discours par la novlangue néolibérale?</span><br/> <span class="font-size-5">Il est donc bien nécessaire de rappeler à nos contemporains en quoi consistait la promesse de la modernité en Occident, du siècle de Galilée (XVII°) au siècle des Lumières (XVIII°) :</span><br/></span></font></font></p>
<ul>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">le règne de la raison en lieu et place de l’obscurantisme religieux ;</span></span></font></font></li>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">la quête de l’autonomie individuelle à l’égard des déterminismes sociaux ;</span></span></font></font></li>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">la maîtrise technique de la nature au lieu de la soumission des humains aux aléas d’un ordre naturel ;</span></span></font></font></li>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">une communauté de citoyens liée par un contrat social et non par une autorité despotique ;</span></span></font></font></li>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">les droits de l’homme et les libertés publiques ;</span></span></font></font></li>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">l’idée d’une histoire ouverte à l’action humaine et donc au progrès ;</span></span></font></font></li>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">la démocratie, c’est-à-dire l’égalité des individus et la souveraineté du peuple pour définir les modalités du vivre ensemble.</span><br/></span></font></font></li>
</ul>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Pour le dire en raccourci, c’était une promesse d’émancipation et de progrès pour tous les êtres humains, grâce à la connaissance, à l’égale liberté et à la loi démocratique.</span><br/> <span class="font-size-5">Cette promesse moderne fut portée par trois siècles de combat des progressistes pour l’émancipation humaine, contre l’obscurantisme, le despotisme, l’exploitation économique, la maladie, la pauvreté, l’insécurité. (...)</span><br/> <span class="font-size-5">Quelle que soit la part d’ombre des Trente Glorieuses, la confiance dans l’avenir caractérisait ma génération. Nous avions la chance d’être nés dans l’une de ces rares nations où les idées progressistes avaient remporté une interminable bataille. Restait certes un long chemin à parcourir pour les inscrire pleinement dans la réalité, mais nous n’imaginions pas que les démocraties occidentales puissent régresser vers un âge sombre et réactionnaire, et surtout pas au moment où leur modèle de développement commencerait à séduire le reste du monde. C’est pourtant ce qu’il advint...</span><br/> <span class="font-size-5">Depuis trois décennies, on l’a vu, déferle la vague néolibérale. La généralisation de ce nouveau “modèle” occidental était censée diffuser au monde entier les acquis de la modernité : le progrès matériel, une société pacifiée par le progrès social plutôt que par la police, un État de droit garant de l’intérêt général, les libertés publiques, la démocratie et l’autonomie croissante des individus. Or, non seulement nous n’assistons pas à la diffusion planétaire de ces “acquis”, mais encore nous constatons leur déconstruction et leur régression générale dans le monde occidental lui-même. (...) Il s’agit ici de comprendre comment et pourquoi le mouvement du progrès moderne s’inverse en une régression générale. Cela suppose de concentrer l’attention sur les pays qui étaient les plus avancés dans ce mouvement.</span><br/> <span class="font-size-5">Or, dans ces pays les plus “modernes”, la promesse du progrès matériel pour tous s’évanouit dans l’autodestruction du système économique et le saccage des écosystèmes ; la cohésion sociale se dissout dans une dissociété atomisée ou communautarisée ; la démocratie s’efface devant l’État privé et la montée d’un “fascisme néolibéral” ; le culte officiel de l’autonomie individuelle masque un effondrement moral et intellectuel qui livre à nouveau les individus à diverses servitudes. Telles sont les multiples dimensions concomitantes de la Grande Régression. Le chapitre 3 traite de la régression économique et écologique, le chapitre 4 de la régression sociale, morale et politique.</span><br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010</span><br/> <span class="font-size-5">(p. 102-104)</span><br/> <br/></span></font></font> <font face="Academy Engraved LET"><font size="4"><span><br/></span></font> <font size="5"><span><br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font></font> <font size="5"><span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F8"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></font></span></font></p>
<p></p>
<p></p>
<p style="text-align: center;"><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><font color="#0000F8"><span class="font-size-5"><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560347606?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560347606?profile=original" width="550" class="align-center"/></a></span></font></u></font></span></font></p>3 - Le "mythe des marges de manœuvre disparues".tag:epanews.fr,2017-03-29:2485226:BlogPost:27440652017-03-29T14:09:48.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">À chaque nouvelle crise économique ou financière, l’establishment médiatique, politique et patronal nous rejoue la même tragi-comédie. En ouverture, on a droit à une forme d’absolution générale sur le thème “personne ne l’avait prévu”, ce qui, appliqué au fonctionnement du capitalisme, est aussi comique que de s’écrier : “Personne n’avait prévu qu’en laissant le robinet ouvert, la baignoire finirait par…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">À chaque nouvelle crise économique ou financière, l’establishment médiatique, politique et patronal nous rejoue la même tragi-comédie. En ouverture, on a droit à une forme d’absolution générale sur le thème “personne ne l’avait prévu”, ce qui, appliqué au fonctionnement du capitalisme, est aussi comique que de s’écrier : “Personne n’avait prévu qu’en laissant le robinet ouvert, la baignoire finirait par déborder! “ Vient ensuite une phase d’exégèse sur les causes de cet accident imprévisible, qui se reproduit pourtant de plus en plus souvent pour à peu près les mêmes raisons (on a oublié de fermer le robinet!). Alors, immanquablement, tombent deux conclusions :</span> <i><span class="font-size-5">primo</span></i><span class="font-size-5">, le bon capitalisme est victime de quelques méchants capitalistes sans foi ni loi ;</span> <i><span class="font-size-5">secundo</span></i><span class="font-size-5">, il faut adapter et renforcer les “régulations” du système financier. Pour donner crédit à ces bonnes résolutions, on envoie en prison quelques escrocs, on convoque des sommets internationaux qui nous promettent un meilleure “surveillance” des marchés, plus de “transparence”, de nouvelles normes “prudentielles” pour les banques, etc. Fin du spectacle... en attendant le</span> <i><span class="font-size-5">remake</span></i><span class="font-size-5">. Car, quelques années plus tard, on assiste au même genre de crise, que “personne n’avait prévue”, on regarde les mêmes images d’escrocs condamnés à des siècles de prison par une justice américaine qui ne plaisante pas en matière de moralisation du capitalisme. Quand on a déjà vu ce film deux ou trois fois, on peut difficilement soutenir que l’on ne prévoit pas la suite. Même si personne ne connaît ni le jour ni l’heure de la prochaine débâcle, rien n’est plus certain que la récurrence systématique des crises en régime capitaliste. (...)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Dans le monde réel, trois séries de contraintes limitent le pouvoir du capitaliste et peuvent le conduire à composer avec les intérêts des autres acteurs :</span> <br/></span></font></font></p>
<ul>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">contraintes morales : la pression des conventions sociales ou religieuses qui imposent des devoirs envers les autres et des limites au mobile de l’intérêt personnel ;</span></span></font></font></li>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">contraintes politiques : les lois et les interventions d’un gouvernement lui-même contraint de satisfaire une majorité d’électeurs et/ou de contenir le mécontentement du peuple ; la force et les actions des organisations syndicales ;</span></span></font></font></li>
<li><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">contraintes territoriales : les conditions de production rendent la firme dépendante d’un territoire et de ses habitants (pour disposer de main-d’œuvre, de débouchés, d’infrastructures, etc.).</span><br/></span></font></font></li>
</ul>
<p style="text-align: left;"><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">La Grande Régression coïncide d’ailleurs avec l’arrivée à maturité d’une industrie de la communication de masse qui constitue une puissante fabrique de l’opinion publique au service d’intérêts privés.</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi, dans la seconde moitié du XX° siècle, mouvements propres de la société, mutations technologiques et batailles idéologiques déterminées interagissent et se renforcent mutuellement pour relâcher les contraintes pesant sur le pouvoir du capital. (...)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Mais les capitalistes soutiendront, jusqu’à nos jours, tous les mouvements réactionnaires pour contrer l’avènement d’une démocratie trop forte qui menacerait inéluctablement leur pouvoir absolu dans l’entreprise. Ce n’est pas au capitalisme et à la main invisible du marché que nous devons l’amélioration des conditions de travail et des droits sociaux. (...) En un mot, le capitalisme reste et demeure ce qu’il est par essence, le pouvoir exorbitant dont dispose un acteur de la production pour imposer sa volonté et le primat de son intérêt sur tous les autres. Son essor ne peut donc coïncider avec d’éventuels progrès pour les autres qu’en raison des limites imposées à son potentiel intrinsèque de domination.</span> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Chaque capitaliste doit investir (accumuler du capital) pour développer son offre et tenter d’accroître sa part de marché. Mais pour dégager des marges en dépit d’une forte concurrence, les firmes doivent aussi maintenir les salaires au niveau le plus bas possible, c’est-à-dire à la fois réprimer le travail dont dépend pourtant leur production et contenir le revenu distribué qui détermine pourtant la demande globale des consommateurs. Cette contradiction engendre à intervalle régulier des crises de surproduction (ou de suraccumulation de capital), la montée du chômage et la faillite des entreprises les plus fragiles.</span><br/> <span class="font-size-5">Si la crise et le chômage sont un problème pour la population, ils sont en revanche la solution pour le capitalisme. (...)</span><br/> <span class="font-size-5">Dès le premier âge du capitalisme, il apparaît ainsi que la libre concurrence susceptible de menacer les profits est en même temps l’outil nécessaire à l’élimination de la concurrence, car elle n’est au fond que la loi du plus fort qui élimine les plus faibles. (...)</span><br/> <span class="font-size-5">En fait,</span> <i><span class="font-size-5">derrière l’apparente compétition des produits sur les marchés, se joue une véritable compétition pour le pouvoir.</span></i> <span class="font-size-5">Le capitaliste détient, potentiellement, un pouvoir absolu pour imposer sa volonté aux autres acteurs de la production, mais il ne peut réaliser ce potentiel qu’en desserrant les trois contraintes décrites plus haut et en combattant la propension des autres acteurs à se constituer en contre-pouvoirs. Et cela, il y parvient toujours grâce à une intensification de la concurrence sur les marchés. Celle-ci permet en effet de mettre les entrepreneurs, les salariés et les territoires en compétition les uns contre les autres, de laminer ainsi leur capacité à s’opposer au capital, et d’aligner peu à peu les conduites et et les normes sociales sur les exigences des capitalistes survivants. </span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Nous allons voir à présent comment ce que l’on a appelé la “globalisation” constitue un processus politique par lequel, grâce à la compétition généralisée, le capital s’est trouvé enfin libéré de toute contrainte morale, politique ou territoriale et a pu déployer tous les effets potentiels d’un pouvoir absolu.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Le défi contemporain des démocraties n’est donc certainement pas de remettre l’économie sous le contrôle du politique, vu qu’elle ne l’a jamais autant été, et rarement au service d’un projet aussi antidémocratique. Le seul vrai défi est de remettre les États sous le contrôle des citoyens et au service du bien commun.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Alors bien sûr, si l’on est idiot, on peut se lamenter sur la “perte des marges de manœuvre” des gouvernements : “Ah, les malheureux États qui ont perdu leur monnaie et la possibilité d’une politique de crédit, leurs droits de douanes, leur liberté budgétaire, la capacité d’affronter la concurrence de pays à bas salaires et à faibles charges sociales.” Mais l’esprit le plus simple et juste en bonne santé ne peut échapper à cette évidence que ce sont les gouvernements eux-mêmes qui ont décidé de tout cela en vue de mettre en œuvre leur politique préférée. Aussi est-on médusé de constater combien de journalistes, d’intellectuels ou de responsables politiques tiennent encore ce discours imbécile sur la disparition des marges de manœuvre.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Comme l’a notamment montré Bruno Amable, malgré la pression de la globalisation, il n’y a pas qu’un visage du capitalisme mais plusieurs ; les traits majeurs des sociétés reflètent encore des spécificités nationales dans les rapports de force politiques, les cultures, les héritages historiques et les conventions sociales. Et, on le verra plus loin, le bilan comparé de ces nations en termes de bien-être collectif est sans ambiguïté : la palme revient aux pays qui conservent le plus haut niveau de dépenses publiques, d’impôts, et de sécurité des revenus pour les salariés.</span><br/> <span class="font-size-5">La pression de la concurrence ne bouleverse donc pas les sociétés aussi bien et aussi vite que l’espéraient les néolibéraux : c’est pourquoi ceux-ci, impatients d’aboutir, usent et abusent du mythe des marges de manœuvre disparues. C’est parce que cet argument est faux qu’il est urgent de persuader l’opinion du contraire, avant que le poison de la vérité ne fasse son office : si d’aventure les citoyens prenaient conscience que ce sont encore les rapports de force politiques qui déterminent principalement le destin collectif de leur pays, les capitalistes et les néoconservateurs auraient bien du souci à se faire. C’est pourquoi, avec le concours zélé de la presse, des télévisions et des intellectuels courtisans, un bourrage de crâne intensif nous assène depuis trente ans le mythe des marges de manœuvre disparues.</span> <i><span class="font-size-5">Ce monde néolibéral qui a tant de mal à advenir dans les faits doit advenir dans les esprits, de telle sorte que chacun agissant et pensant comme s’il était déjà là, plus personne ne songe à lui résister, le jour où il s’avance pour de bon.</span></i> <span class="font-size-5">C’est la tactique grossière qui tente de persuader les soldats ennemis que la bataille est déjà finie, en sorte qu’ils cessent effectivement de combattre. C’est une tentative d’hypnose collective : on voudrait nous suggérer que nous n’avons plus de bras jusqu’à nous faire oublier la scie qui est en train de nous amputer. Oublier non pas le passé, mais ce qui est encore là, sous nous yeux! Les historiens qui se pencheront peut-être un jour sur notre civilisation, si elle vient à disparaître, relèveront sans doute cette amnésie singulière. Ils constateront médusés que, dans notre cas, l’amnésie collective soulignée par Jacobs n’était pas postérieure, mais antérieure à l’effondrement. Un auteur du futur pourrait bien faire ce récit étrange sur notre époque :</span><br/> <br/></span></font></font> <font face="Academy Engraved LET"><font size="4"><span><span class="font-size-5">Les intellectuels expliquaient que les États n’avaient plus de pouvoir, quand ceux-ci étaient en réalité au faîte de leur puissance ; les socialistes ne concevaient plus l’idée d’une alternative au capitalisme alors même que les trois quarts des entreprises n’étaient pas capitalistes ; la plupart des individus estimaient la compétition marchande nécessaire à la société, mais la bannissaient dans leurs propres relations sociales ; ils vouaient un culte à l’épanouissement individuel, mais ne s’épanouissaient vraiment que dans les espaces d’amitié fraternelle ou d’action collective fondées sur l’égalité, le partage et le don ; tous, en somme, honnissaient le communisme mais n’étaient heureux que dans les relations où ils le pratiquaient ; à la fin, plus personne ne votait, et pourtant c’était toujours des gouvernements élus qui faisaient les lois! Ils semblaient ainsi avoir oublié tout ce qui, au moment même où ils l’oubliaient, soutenait encore leur vie et leur société. C’était comme si les piliers fondant leur civilisation avaient disparu dans leurs esprits, bien avant de s’effondrer dans la réalité. Il se pourrait bien alors que, dans ce cas, contrairement à ce que l’on avait constaté pour les civilisations précédentes, l’amnésie n’ait pas été la conséquence de l’effondrement, mais sa cause.</span><br/></span></font> <font size="5"><span><br/> <span class="font-size-5">La fable des marges de manœuvre disparues tend à effacer de nos esprits tout ce que nous savons et pouvons faire, et même tout ce que nous faisons encore ; elle nourrit ainsi une</span> <i><span class="font-size-5">amnésie autoréalisatrice</span></i><span class="font-size-5">, un oubli de l’existant qui facilite sa disparition effective.</span><br/> <span class="font-size-5">Cette manipulation psychologique à grande échelle a pu fonctionner parce que ses maîtres d’œuvre se présentèrent insidieusement comme les ennemis d’un État omniprésent, coûteux et liberticide, et comme les défenseurs de l’initiative individuelle et des marchés libres. Ce positionnement idéologique était ainsi en pleine cohérence avec un discours qui disait en substance : “N’attendez plus rien de cet État-nation qui a perdu tous ses pouvoirs, hormis celui de taxer vos revenus et d’entraver votre liberté d’agir.” Personne ne pourrait alors soupçonner que ce discours sur l’impuissance de l’État et la vertu du marché libre n’était qu’un écran de fumée masquant</span> <i><span class="font-size-5">un nouvel étatisme antilibéral!</span><br/></i> <span class="font-size-5">Comme je l’ai montré, les néolibéraux n’ont ni affaibli ni combattu le pouvoir de l’État, ils l’ont colonisé et étendu comme jamais pour le mettre au service d’intérêts très privés. Le capitalisme a tout à gagner à la puissance de l’État, à la seule condition que celui-ci ne devienne ni vraiment “libéral” (qui protège l’égale liberté de tous les citoyens), ni démocratique (gouverné par une réelle souveraineté populaire).</span> <i><span class="font-size-5">Les ennemis du capital et des néolibéraux ne sont donc certainement pas l’État et la politique, ce sont tout à la fois la nation, le peuple, le citoyen et la démocratie.</span></i> <span class="font-size-5">Si les artisans de la Grande Régression ont tant nourri les mythes de l’État-nation impuissant et de la politique dominée par l’économie, c’est pour dissuader les peuples de convoiter un pouvoir toujours bien réel, mais que les riches entendent exercer à leur seul profit.</span><br/> <br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010</span><br/> <span class="font-size-5">(p. 51–52, 58, 62-63, 67, 68-70, 71, 78, 80-81, 85-88)</span><br/></span></font> <font size="4"><span><br/></span></font> <font size="5"><span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font></font> <font size="5"><span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000F9"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></font> <font face="Academy Engraved LET"><br/> <br/> <a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560347993?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560347993?profile=original" width="520" class="align-center"/></a><br/></font></span></font></p>2 - "... la voie du progrès humain est connue et possible."tag:epanews.fr,2017-03-28:2485226:BlogPost:27408732017-03-28T15:25:02.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Un choc quelconque et une grande peur collective peuvent engendrer des réactions de panique, des réactions conservatrices, et étouffer momentanément les appels et les aspirations au progrès social. Ils ne peuvent toutefois pas les étouffer durablement si une part suffisante de la population garde l’intelligence de ce qui est arrivé, comprend que la négligence passée à l’égard de la justice et du lien social est…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Un choc quelconque et une grande peur collective peuvent engendrer des réactions de panique, des réactions conservatrices, et étouffer momentanément les appels et les aspirations au progrès social. Ils ne peuvent toutefois pas les étouffer durablement si une part suffisante de la population garde l’intelligence de ce qui est arrivé, comprend que la négligence passée à l’égard de la justice et du lien social est à la source des catastrophes endurées, conçoit, enfin, qu’un autre monde et d’autres politiques sont possibles. Cette intelligence, cette mémoire préservée semblent avoir été à l’œuvre au lendemain de la Seconde Guerre mondiale où l’on vit les gouvernements occidentaux contester et réformer le système économique et social en vigueur avant la guerre.</span><br/> <span class="font-size-5">Qu’adviendrait-il du capitalisme si, en ces temps de crises financières récurrentes, de déshumanisation du travail, de saccage du monde vivant par des investisseurs en quête de profits éclairs, de délitement des liens sociaux, d’injustices insoutenables, de désordre international, etc., qu’adviendrait-il donc du capitalisme si nous étions soudain inspirés par le souvenir de nos ancêtres et convenions de la nécessité d’une bifurcation historique vers une autre société? Quel serait l’avenir des profiteurs de notre économie inhumaine si nous comprenions, avec le recul, que la sagesse de nos grands-parents fut de s’écarter autant qu’ils le purent du capitalisme, et que leur testament implicite nous enjoint d’achever le travail en inventant autre chose? Poser ces questions, c’est y répondre.</span><br/> <span class="font-size-5">Voilà pourquoi, aujourd’hui, les artisans de la Grande Régression s’emploient si activement à ridiculiser le souvenir d’un autre monde, à brouiller la mémoire des survivants d’une époque où le progrès social semblait, mieux que souhaitable, possible! (...)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Ce n’était pas le paradis, juste le progrès</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Pour ma part, je n’ai rien oublié.</span><br/> <span class="font-size-5">J’ai grandi en un temps où le progrès social consistait à travailler moins pour vivre mieux, tout en gagnant davantage, et à étendre les droits des travailleurs et la protection sociale. Un temps où les actionnaires n’avaient pas tout pouvoir pour imposer l’intensification du travail, la baisse des “charges” sociales ou fiscales et le recul des salaires. Un temps où les détenteurs des capitaux n’avaient pas toute liberté pour délocaliser leurs investissements, pour spéculer à tout va sur le prix des immeubles ou sur le cours de produits financiers composés d’on ne sait quoi par on ne sait qui. (...) Pas facile alors d’aller vers d’autres cieux plus cléments pour le capital : les mouvements de capitaux étaient étroitement limités et surveillés. Les gouvernements pouvaient donc gouverner, et les entrepreneurs entreprendre, sans être obsédés par la rentabilité du capital.</span><br/> <span class="font-size-5">Du coup, en ce temps-là : le pouvoir d’achat ouvrier doublait en vingt ans et tout le monde avait du travail ; le sens commun estimait que les services collectifs (énergie, transports collectifs, télécommunications, poste, etc.) devaient, d’une manière ou d’une autre, être assurés ou encadrés par les pouvoirs publics ; on construisait plus de maisons de la jeunesse que de prisons ; il n’y avait pas de “crises financières” à répétition, ni d’émeutes dans les banlieues ; on ne croisait pas des travailleurs pauvres à tous les coins de rue...</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Par conséquent, si les progrès économiques et sociaux furent notables durant les trois décennies qui suivirent la Seconde Guerre mondiale, ils ne doivent rien à la vertu des marchés autorégulés ou du capitalisme ; ils furent ceux d’une économie largement pilotée par l’État et à nouveau “encastrée” dans la société par des normes et institutions sociales.</span><br/> <span class="font-size-5">Cela dit, aussi notables soient-ils, ces progrès ne peuvent effacer de notre mémoire la face sombre de ces années-là. La société des Trente Glorieuses, issue de compromis et des réformes de l’après-guerre, n’était certes pas une société idéale.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">En dépit de multiples points noirs, elles furent le lieu d’un certain progrès parce que la génération de l’après-guerre eut la sagesse de refuser le culte du marché et de s’éloigner fort loin du modèle capitaliste qui avait prévalu avant la guerre.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Autrement dit, à la fin des années 1970, nous étions en état d’établir un double inventaire : d’abord, celui des avancées réalisées grâce à une première mise au pas du capitalisme et des marchés, puis celui des nouveaux progrès à accomplir.</span><br/> <span class="font-size-5">Si nous étions alors encore à mille lieues d’une société juste, pacifiée et capable de léguer aux générations futures un écosystème viable, c’est que nous n’étions qu’au début du chemin emprunté après 1945 ; il fallait donc nous y engager plus avant, nous éloigner plus radicalement d’une société commandée par les marchands, contenir plus sûrement la rivalité des nations et les tentations hégémoniques. Il fallait à cette société encore plus d’égalité, plus de souci des biens publics, plus de démocratie réelle, plus de coopération entre les peuples, plus de solidarité et moins de compétition, plus d’attention à la qualité des liens sociaux et moins d’appétit pour les consommations matérielles profitant surtout à une minorité de privilégiés, plus d’internationalisme et moins de nationalisme.</span><br/> <span class="font-size-5">Or, en lieu et place de ce nouveau bond en avant vers le progrès humain, au tournant des années 1970 vers les années 1980, le monde amorça un virage à 180° et prit le chemin inverse ; il effectua un grand bond en arrière en étendant à la planète entière non pas ce qui avait nourri le progrès, mais ce qui l’interdirait à nouveau, à savoir : le productivisme, le bon vouloir du capital, le culte de la performance individuelle, la rivalité exacerbée des individus et des nations, la guerre économique et la marchandisation de toutes les activités humaines. Ce retour en force du désordre économique et social allait réveiller les peurs qui font le lit de l’obscurantisme, des intégrismes religieux, des populismes fascisants, du racisme, en un mot de la bêtise asservissante.</span><br/> <span class="font-size-5">Le grand art des gourous, des marchands et des gouvernants qui imposèrent ce renversement fut de travestir cette régression générale en nouvelle voie nécessaire du progrès. La grande question est de savoir comment pareille défaite de la raison put s’imposer sans plus de résistance!</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Et voici le premier indice d’une grande régression psychique et culturelle, au début des années 1980 : dans ce monde occidental qui, depuis trois siècles, proclame le règne nécessaire de la raison, les élites intellectuelles et les gouvernements ont restauré et promu une antique doctrine économique et sociale invalidée par les faits et les connaissances. Ce n’est donc pas une nouvelle science de la société accessible par la raison qui fut alors instaurée, mais un culte irrationnel du marché exigeant une foi aveugle et hermétique à tout débat raisonné. (...)</span><br/> <span class="font-size-5">Mais ne nous méprenons pas ici sur l’objectif poursuivi par les grands prêtres de la nouvelle politique : la diffusion de leurs dogmes n’est jamais qu’un instrument au service d’une autre fin. Comme dans toute secte, les grands prêtres ne cherchent qu’à assurer leur pouvoir et/ou leur fortune : que leurs préceptes soient fondés ou non n’a aucune espèce d’importance ; ils ne retiennent pas des idées parce qu’elles sont justes et applicables, mais seulement si elles permettent de raconter une histoire à laquelle suffisamment d’adeptes pourront et auront l’envie de croire. C’est exactement ainsi qu’ont en réalité procédé les artisans du retournement de l’opinion en faveur du marché libre et de la dérégulation du capitalisme.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span> <br/> <span class="font-size-5">Les uns après les autres, la plupart des gouvernements et des journalistes se convertissaient au nouveau dogme, si bien qu’en quelques années à peine, on vit s’inverser les valeurs et les politiques. Tout ce que mes parents avaient considéré comme les marques du progrès (droits sociaux, services publics, sécurité sociale, réglementations, redistribution, amélioration des conditions de travail, développement du temps libre, etc.) nous fut désormais présenté comme des “rigidités”, des “archaïsmes” et des “charges excessives” qui bloquaient l’ “initiative” et la “création de richesses”. Les chômeurs et les pauvres nous étaient montrés du doigt comme des parasites vivant délibérément aux crochets des travailleurs. Il n’était plus question de compter sur l’État, les normes collectives et les biens publics pour construire une bonne société ; nous ne devions compter que sur nous-mêmes, nos efforts et nos talents personnels, dédaigner la quête de sécurité – médiocre ambition des assistés -, aimer le risque et adhérer à la nouvelle règle du jeu social : que le meilleur gagne!</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span> <br/> <span class="font-size-5">Tout cela constituait les bases d’une idéologie “néolibérale”, pour bien la distinguer du libéralisme classique.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Ainsi se constituait l’attelage composite censé nous remettre dans le droit chemin. Un mélange d’ultraliberté pour le capital et d’ultrasoumission des esprits. Bien entendu, on ne nous expliqua pas les détails de cette potion magique et surtout pas le lien consubstantiel entre la libération des marchés et l’aliénation des individus. Ce lien était d’autant moins apparent que la potion nous fut administrée en deux temps : il fallait bien que la libération du capital accomplisse d’abord tout son potentiel de désordre social et moral pour susciter ensuite le besoin pressant d’un rappel à l’ordre.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...) Ce que les grands prêtres de la mondialisation heureuse tiennent donc pour la solution est en réalité une menace pour l’humanité. L’urgence n’est pas de retrouver notre “bonne vieille” croissance, elle est de préserver la capacité de nos petits-enfants à mener une vie humaine sur notre unique planète et d’offrir une perspective nouvelle au progrès humain.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Je rappelle qu’à ce stade de l’ouvrage, le chapitre 2 aura déjà évacué la réponse éculée selon laquelle les politiques nationales n’auraient désormais plus aucune prise sur la réalité dans une économie mondialisée. Si donc les peuples ont encore la capacité de transformer leur société en changeant de politique, la soumission du plus grand nombre aux politiques qui nourrissent la Grande Régression suppose un étrange aveuglement général, une pandémie affectant l’entendement humain, ou l’œuvre occulte d’un piège qui inhibe l’action collective.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">En dépit des apparences et de son titre, ce livre n’est pas pessimiste! Il dit au fond que la voie du progrès humain est connue et possible. Il annonce que nous sommes allés à peu près au bout de toutes les impasses des temps modernes. Tant et si bien qu’au bout de la Grande Régression où nous voilà bientôt rendus, l’humanité devra bien, d’une manière ou d’une autre, prendre un autre chemin. La seule question est de savoir s’il nous faudra pour cela endurer la régression jusqu’à l’effondrement, ou si une nouvelle majorité authentiquement progressiste pourra engager à temps une grande transformation démocratique : celle qui nous sortira de la dissociété de marché pour nous emmener vers la société du progrès humain. (...)</span><br/> <br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010</span><br/> <span class="font-size-5">(p.</span></span></font></font> <font size="4"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">14-17, 19-20, 21, 22-23, 29-30, 31-33, 34, 41, 45-46, 49)</span><br/></span></font></font> <font face="Academy Engraved LET"><font size="5"><span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font></font> <font size="5"><span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000FA"><span class="font-size-5"> </span></font></u></font></span></font></p>
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<p><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><font color="#0000FA"><span class="font-size-5"><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560347372?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560347372?profile=original" width="400" class="align-center"/></a></span></font></u></font></span></font></p>1 - "... un savoir vivre ensemble, un vouloir vivre ensemble, que l’on ne saurait conserver ailleurs que dans le cœur des hommes. "tag:epanews.fr,2017-03-27:2485226:BlogPost:27397062017-03-27T08:46:25.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Durant les vingt premières années de ma vie, j’ai grandi dans un monde où le destin des enfants semblait naturellement devoir être plus heureux que celui de leurs parents; au cours des trente suivantes, j’ai vu mourir la promesse d’un monde meilleur. En une génération, la quasi-certitude d’un progrès s’est peu à peu effacée devant l’évidence d’une régression sociale, écologique, morale et politique, la “Grande…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Academy Engraved LET"><span><span class="font-size-5">Durant les vingt premières années de ma vie, j’ai grandi dans un monde où le destin des enfants semblait naturellement devoir être plus heureux que celui de leurs parents; au cours des trente suivantes, j’ai vu mourir la promesse d’un monde meilleur. En une génération, la quasi-certitude d’un progrès s’est peu à peu effacée devant l’évidence d’une régression sociale, écologique, morale et politique, la “Grande Régression” qu’il est temps de nommer et de se représenter pour pouvoir la combattre.</span><br/> <span class="font-size-5">Car la première force des malades et des prédateurs qui orchestrent cette tragédie est leur capacité à présenter celle-ci comme le nouveau visage du progrès. Et leur première alliée, c’est la perméabilité des esprits stressés, trop heureux de s’accrocher à n’importe quelle fable qui fasse baisser d’un cran la pression et l’angoisse. À l’âge de la démocratie d’opinion, les réactionnaires ne peuvent se contenter de démolir l’acquis des luttes passées en faveur d’une vie meilleure pour tous ; il leur faut aussi anesthésier les résistances, susciter l’adhésion ou la résignation de leurs victimes ; ils doivent remporter une bataille culturelle dont l’enjeu est de nous faire aimer la décadence.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">En nommant “Grande Régression” la mutation entamée par les sociétés occidentales au cours des trente dernières années, j’entends d’abord et paradoxalement restaurer le sens et le goût véritables du mot “progrès”. La tâche n’est pas si simple, après le lavage de cerveau intensif infligé à ma génération pour effacer les leçons de son histoire. La résistance à la marche présente du monde suppose la mémoire d’un temps où un autre chemin semblait possible, et l’intelligence de ce qui nous est arrivé depuis lors. Or, l’histoire nous prévient qu’aucune civilisation n’est à l’abri d’une amnésie collective qui ferme pour longtemps la voie du progrès en coupant les ponts avec le savoir-faire accumulé par les générations antérieures. Jane Jacobs* souligne à juste titre que cet improbable oubli général est le syndrome le plus frappant chez les survivants des civilisations mortes : ils n’ont pas seulement et irrémédiablement perdu les outils, les techniques, les institutions de leurs ancêtres, mais encore toute idée de ce qui a été oublié, la conscience même que quelque chose a été oublié. C’est pourquoi on parle à juste titre d’une “renaissance”, quand une société longtemps piégée dans cet oubli – comme le fut un temps l’Occident du Moyen Âge – renoue le contact avec son héritage perdu : comme un nouveau-né, il lui faut réapprendre à penser. Car la culture d’une société humaine n’est pas un simple paquet d’informations qu’il suffirait de réinstaller dans les cerveaux pour la restaurer ; c’est un ensemble complexe de savoir-faire intellectuels, manuels et sociaux qui s’acquièrent par l’éducation, l’apprentissage, l’exemple et l’expérience, sans quoi la somme brute des informations disponibles est presque inutilisable.</span><br/> <span class="font-size-5">Aussi Jacobs n’hésite-t-elle pas à prévenir le peuple américain que sa maîtrise des techniques de stockage et de traitement de l’information ne le prémunit en rien contre un nouveau Moyen Âge, contre une perte durable de la civilisation. Même si une simple clé USB peut désormais contenir une encyclopédie des sciences contemporaines, elle ne constitue qu’une “mémoire morte” et ne serait d’aucun secours si se trouvait rompue la chaîne de transmission et d’apprentissage de l’intelligence du monde entre les générations.</span><br/> <span class="font-size-5">Peut-être Jacobs est-elle, à dessein, plus alarmiste que de raison en ce qui concerne l’éventualité d’un effondrement du savoir-faire technique. Mais ce n’est de toute façon pas cette éventualité-là dont je veux parler dans ce livre. Le danger aujourd’hui bien réel d’une régression de la civilisation procède de l’oubli d’un savoir-faire social et politique, d’un savoir vivre ensemble, d’un vouloir vivre ensemble, que l’on ne saurait conserver ailleurs que dans le cœur des hommes. On peut bien préserver tous les autres traits apparents de la civilisation, mais si l’on perd le désir et la capacité de faire progresser l’égalité, la solidarité et la convivialité entre les hommes, la plus avancée des sociétés peut sombrer dans la barbarie ; telle est la leçon du XX° siècle, où l’on vit des peuples – ô combien brillants par leur culture! - s’abîmer dans l’horreur totalitaire. La leçon peut se résumer ainsi :</span> <i><span class="font-size-5">entre les êtres humains, le seul progrès qui compte vraiment, c’est le progrès social, au sens le plus large du terme, c’est-à-dire l’extension de leur capacité à faire société, à vivre bien avec autrui et tous ensemble.</span></i> <span class="font-size-5">Sans ce dernier, le progrès des connaissances et des techniques ne protège aucune civilisation contre une régression et, pire encore, il peut servir à sa destruction. Quand les humains perdent de vue la priorité qui a présidé au processus même de l’hominisation – la constitution et le renforcement de leur alliance – et s’adonnent au culte de l’accumulation et de la compétition, alors l’essor de leurs techniques n’étend plus que leur capacité à se combattre et à épuiser la Terre. Ainsi meurent les civilisations, par la guerre ou par la destruction de leur écosystème.</span><br/> <span class="font-size-5">Voilà pourquoi, plus que toute autre, c’est la mémoire vivante de nos savoir-faire sociaux qu’il importe de préserver et de transmettre. Ce fut vrai pour toutes les civilisations passées. Ce l’est encore d’une façon plus urgente pour celles d’aujourd’hui, car ce qui se joue dans notre faculté de recentrer ou non le progrès humain sur celui du vivre ensemble n’est plus seulement la survie de telle ou telle civilisation, mais celle de l’humanité. En effet, notre capacité à exploiter le monde matériel atteint ses limites. Le projet moderne d’une nature dominée par la raison et la technique a tellement bien “réussi” durant trois siècles que nous voici rendus au moment où de multiples seuils critiques pour la survie de l’espèce ont été franchis ou le seront bientôt (déforestation, appauvrissement des sols, prélèvement des ressources fossiles, pollution de l’atmosphère et des fonds marins, recul de la biodiversité, épuisement des nappes phréatiques, etc.). Si l’humanité a déjà si peu évité les guerres au temps d’une relative abondance naturelle, qu’en sera-t-il dans un monde où le simple accès à l’eau, à la nourriture et à un climat supportable deviendra de plus en plus problématique? Surmonter le défi écologique et les conflits qu’il recèle suppose à l’évidence une bifurcation radicale de nos systèmes économiques et sociaux, en sorte de privilégier la qualité du vivre ensemble plutôt que l’accumulation privative des consommations matérielles, c’est-à-dire</span> <i><span class="font-size-5">les liens plutôt que les biens</span></i><span class="font-size-5">. Cela nécessite aussi un usage plus rationnel et économe des biens, et donc un usage mutualisé des équipements que nous possédons aujourd’hui vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour n’en jouir effectivement que quelques jours ou heures par mois. Cela implique enfin de concevoir une distribution des ressources fondée sur les besoins réels et le partage équitable, plutôt que sur la libre compétition. En bref, le “progrès social” au sens large, le savoir-faire dans la construction de relations équitables, coopératives et solidaires entre les hommes, est la clé du défi écologique. Telle est l’évidence que l’idéologie dominante s’efforce d’effacer dans nos esprits depuis une trentaine d’années, car elle contrarie l’intérêt immédiat des plus riches qui préfèrent la loi dévastatrice du plus fort et du chacun pour soi. Or, les nouvelles menaces qui pèsent sur l’avenir de l’humanité pourraient paradoxalement conforter la folle domination de ces derniers au lieu de la contrarier.</span><br/> <span class="font-size-5">Un piège insidieux guette en effet l’humanité. La nécessaire prise de conscience écologique quant aux menaces accumulées par des siècles de productivisme, loin de recentrer les esprits sur l’impératif du progrès social, peut tout aussi bien nourrir l’illusion que la question sociale est devenue secondaire au regard d’une question de simple survie de l’humanité. Tel est précisément le danger qui prend corps de nos jours quand l’écologie tend à se penser comme au-delà ou en dehors du clivage gauche-droite (ou libéraux-conservateurs dans le monde anglo-saxon). Et, quoiqu’ils emboîtent le pas des écologistes tardivement et à reculons, les conservateurs et les profiteurs de la gabegie capitaliste ne manqueront pas d’exploiter la peur d’un désastre planétaire, quitte à en exagérer la probabilité après l’avoir longtemps occultée. Car la peur du désordre et des catastrophes ne soutient jamais l’aspiration au progrès social. Dans un monde à feu et à sang, tout comme dans un cinéma en flammes, des individus atterrés et dissociés ne revendiquent pas la justice et la solidarité, ils sauvent leur peau et n’espèrent qu’un retour à l’ordre. La victoire de la peur soutient toujours celle de la droite conservatrice, quand ce n’est pas celle des fascistes. De tout temps, les classes dominantes ont exploité et amplifié la hantise d’une agression étrangère, d’une catastrophe économique ou d’un désastre naturel, pour reléguer l’exigence de justice derrière le souci de l’ordre public et pour masquer la scandaleuse inégalité des conditions de vie sous le factice intérêt général de la survie.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">* Urbaniste canadienne mondialement reconnue pour son travail sur les mutations des villes américaines. </span><br/> <br/> <br/> <b><span class="font-size-5">La Grande Régression Jacques Généreux</span></b> <span class="font-size-5"> Éditions du Seuil octobre 2010</span><br/> <span class="font-size-5">(p. 9-14)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Source à joindre pour diffuser cet article sur votre site :</span><br/></span></font> <span><font color="#0000FF"><font face="Bell MT"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font></font> <font face="Bell MT"><u><font color="#0000FB"><span class="font-size-5"> </span></font></u></font></span></font></p>
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<p><font size="5"><span><font face="Bell MT"><u><font color="#0000FB"><span class="font-size-5"><a href="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560355131?profile=original" target="_self"><img src="http://storage.ning.com/topology/rest/1.0/file/get/1560355131?profile=original" width="697" class="align-center"/></a></span></font></u></font></span></font></p>10 - "... nous sommes capables de faire une chose inouïe : provoquer une bifurcation de la civilisation humaine, comme nous l’avons déjà fait une fois, en 1789."tag:epanews.fr,2017-03-19:2485226:BlogPost:27389442017-03-19T18:50:22.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">- Vous avez donc un discours de mobilisation sur un projet écologique, mais aussi d'avenir. Si j'ose une référence américaine, vous en appelez quasiment à une nouvelle frontière. Il est vrai que la fulgurance de l’économie américaine dans les années 1980 est liée également au lancement du programme spatial, amorcé vingt ans plus tôt par Kennedy.</span><br></br> <br></br> <span class="font-size-5">Oui, je parle d’ailleurs de…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">- Vous avez donc un discours de mobilisation sur un projet écologique, mais aussi d'avenir. Si j'ose une référence américaine, vous en appelez quasiment à une nouvelle frontière. Il est vrai que la fulgurance de l’économie américaine dans les années 1980 est liée également au lancement du programme spatial, amorcé vingt ans plus tôt par Kennedy.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Oui, je parle d’ailleurs de nouvelles frontières de l’humanité. La mer et les océans : nouvelle frontière, 70 % de l’espace de la Terre, plus mal connu que la Lune. Deuxième frontière : le monde virtuel. Le mot “virtuel” vient ici par confort intellectuel. Il est extrêmement concret ce monde virtuel. Quiconque a joué une fois à un jeu vidéo sait que la décharge d’adrénaline qu’on a dans les veines est très concrète. Mais bon, ce sont des idées et des concepts qui vont se développer dans les décennies qui viennent. Au fond, j’ai une vision un peu prométhéenne de la France. Je crois que nous sommes capables de faire une chose inouïe : provoquer une bifurcation de la civilisation humaine, comme nous l’avons déjà fait une fois, en 1789. On a fait changer la civilisation humaine. Il y a une sorte de mécanisme bien plus large et international qui l’a rendu possible, mais c’est quand même là que ça s’est passé. Les civilisations humaines ne sont pas seulement mortelles, comme le disait Paul Valéry, elles peuvent aussi bifurquer. Je pense que l’on peut bifurquer à partir de la France. Mais pour cela il faudrait déjà qu’elle accepte elle-même de devenir une nouvelle France. Notre pays, au lieu d’être subjugué par ses vieux schémas et ses fantasmes, qui sortent d’un passé colonial obsessionnel, devrait passer à autre chose. Ce qui nous permettrait de nous fédérer, nous rassembler. Chacun continuera à être comme il est. Mais pour cette nouvelle ligne d’horizon, la France doit se débarrasser de ses fantasmes. Elle doit s’appuyer sur la diversité de sa population. Notre métissage est là. Ce n’est pas un projet, mais une réalité qui est faite depuis deux générations. Et puis nous sommes devenus un peuple urbain. Quand j’étais enfant, les proportions étaient à l’inverse de ce qu’elles sont aujourd’hui entre la ville et la campagne. Nous sommes un peuple extraordinairement instruit.</span><br/> <span class="font-size-5">Que faire de tout cela? Cela peut être un sujet de jérémiades permanentes, de disputes et de conflits inépuisables. En réalité, les guerres de religion, d’apparences, la cupidité comme moteur de la société, la peur comme liant social ne nous mènent nulle part. Je crois que nous sommes bien équipés pour faire tout autre chose. Lorsqu’on a un objectif commun, combien de différences s’estompent! Pour cette raison, je pense que les enthousiasmes collectifs n’ont pas de prix, dans tous les sens du terme. Ils peuvent nous porter plus loin que nous pouvons l’imaginer, surtout dans le moment politique glauque que nous vivons. En plus, il ne faut pas oublier que nous allons être les plus nombreux en Europe. L’avenir nous appartient.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Je vais faire la campagne décisive de ma vie politique. C’est la deuxième fois que je suis candidat à l’élection présidentielle, l’élection la plus importante de notre pays. Je vois bien que je dois faire davantage qu’une campagne électorale. Parce que j’ai aussi mon âge, je ne suis pas un jeune homme qui est en train de spéculer sur son plan de carrière. J’ai eu la chance d’avoir connu toutes les onctions du suffrage universel. Je n’ai plus rien à prouver, ni à moi, ni aux miens, ni à personne. J’agis les pieds sur terre, mais je reconnais que j’ai la tête dans les étoiles. J’ai le goût du travail bien fait et des affaires bien bordées. Je dois non seulement gagner pour changer le cours de l’histoire, mais je dois aider de toutes mes forces à refonder le mouvement progressiste en France, qui est à l’agonie, éparpillé dans d’innombrables petites chapelles sous toutes les étiquettes. Il s’agit de reformater un espace politique qui est une force pour notre pays.</span><br/> <span class="font-size-5">Il y a évidemment une hypothèse de victoire. Mais je n’y résume pas tout le sens de ce que j’entreprends. Un seul objectif atteint ne règle pas tout. Non, il faut surtout se préoccuper de ce qui va s’inscrire dans la longue durée. Et d’abord de la prise de conscience qui s’approfondira dans le grand nombre et notamment dans la jeune génération qui va se mobiliser. On doit faire une campagne instructive. Pour instruire, conscientiser, élever le niveau de compréhension et d’exigences de notre peuple. On va faire tout cela en même temps. Et quelque part, sans que l’on sache qui, ni où, vont surgir de nouveau, parmi la génération montante, des femmes et des hommes qui vont mener la cause un grand cran plus loin. Quoi de mieux? Au fond, ce fil rouge qu’on voit passer dans les mains de tous les rebelles de tous les temps aura continué son parcours avec nous, en passant par toutes sortes de gens, des mieux connus aux plus anonymes. S’il faut donner une racine à notre lignée d’insoumis, que ce soit là.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> - Lors d’une précédente entrevue, vous m’aviez expliqué qu’il fallait du temps pour maturer une nouvelle génération politique. Donc tout cela est fragile?</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Bien sûr, c’est fragile, mais ça l’a toujours été. Souvent nous sommes décimés par les guerres et les tyrans. Pourtant, la vie est toujours la plus forte. Le terreau du renouveau existe dans notre pays. Parce que, depuis 2005, les strates de la conviction se sont renforcées. Durant la dernière manifestation contre la loi El Khomri à laquelle j’ai participé, j’ai été interpellé par trois lycéens de classe de quatrième qui sont venus me voir pour que je leur dédicace mon livre. Comme j’étais fier! La discussion ne laissait aucune place au doute : ils savaient exactement ce qu’ils étaient en train de faire là. Par conséquent, le temps où nous avons failli disparaître est derrière nous. À nous maintenant de créer les conditions de la durée qui fait qu’une génération peut suivre l’autre. Tout y est, tout est en place. Et je sais que non seulement les gens sont là, mais la profondeur de champ est là. Dans la jeune génération, la conscience écologique est première. Tous sont conscients qu’il y a là un intérêt général humain. Et c’est extraordinaire, parce que auparavant ça n’existait pas. Une conscience politique implicite aussi large dans une population n’existait pas, n’a même quasiment jamais existé depuis la fin de la guerre contre les nazis. Maintenant, même un jeune qui a des opinions de droite a une conscience écologiste. Et, par conséquent, on peut dire qu’au fond, l’espace d’adhésion aux Lumières s’est élargi. Préservons coûte que coûte, notre optimisme. C’est la mère de notre patience. L’aube se lève toujours.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Jean Luc Mélenchon LE CHOIX DE L’INSOUMISSION Seuil</span> <br/> <span class="font-size-5">(p. 370-373)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Pour diffuser cet article sur votre site, voici la source à joindre :</span> <br/> <font color="#0000FF"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font> <u><font color="#0000FC"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u></span></font></font></p>9 - "Les déplacements de populations vont permettre à nos sociétés de prendre conscience de l’effet du dérèglement climatique."tag:epanews.fr,2017-03-18:2485226:BlogPost:27344202017-03-18T10:39:03.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Bell MT"><span> <span class="font-size-5">- Vous parlez de la “psyché des gens”, abreuvés d’informations ou de désinformations. Quelle est votre analyse au sujet de la crise des migrants qui est aussi l’une des conséquences les plus visibles de la guerre au Moyen-Orient et en Afrique?</span><br></br> <br></br> <span class="font-size-5">Sur la crise des réfugiés, mon discours est celui de la raison. Je pense que je passerai encore beaucoup de temps à le faire. Si on ne veut…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Bell MT"><span> <span class="font-size-5">- Vous parlez de la “psyché des gens”, abreuvés d’informations ou de désinformations. Quelle est votre analyse au sujet de la crise des migrants qui est aussi l’une des conséquences les plus visibles de la guerre au Moyen-Orient et en Afrique?</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Sur la crise des réfugiés, mon discours est celui de la raison. Je pense que je passerai encore beaucoup de temps à le faire. Si on ne veut pas que les gens viennent, ils vaut mieux qu’ils ne partent pas. Et il faut cesser de croire que les gens partent par plaisir. Donc éteignons l’une après l’autre les causes de leur départ. Elles sont très simples, c’est la guerre et la misère. Donc, premièrement, arrêtons les causes du départ. Une fois que les gens sont là, que voulez-vous faire? Les rejeter à la mer? Non, c’est absolument impossible. Donc, il vaudrait mieux qu’ils restent chez eux. Pour cela, retour au point précédent : il faut que la guerre cesse, et il faut que la misère cesse. La guerre, on peut l’arrêter. Ce serait déjà un grand projet. On peut le faire beaucoup plus rapidement que d’arrêter la misère. Mais elle aussi on peut la réduire davantage et plus vite qu’il n’y paraît. Mais pour les gens qui sont là, vous n’avez pas d’autre choix que de les accueillir jusqu’au jour où ils pourront repartir s’ils le souhaitent. J’ajoute que plus on diminue les raisons de partir, plus on augmente celles qui poussent à revenir chez soi. Je demande à tous ceux qui me disent le contraire ce qu’ils comptent faire. De manière rationnelle.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> - Cette question des migrations percute aussi celle de l’écologie...</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Oui! Les déplacements de populations vont permettre à nos sociétés de prendre conscience de l’effet du dérèglement climatique. L’ONU annonce 250 millions de réfugiés climatiques. 80 % des déplacements de populations se font au Sud. Alors on pourrait dire que, comme c’est loin de chez nous, cela ne nous concerne pas. Sauf que les populations du Sud qui se déplacent vers un autre pays du Sud désorganisent des régions entières. Et désorganisent ainsi le Nord, parce que les gens qui sont dans ces zones désorganisées, il faut bien qu’ils vivent quelque part, et ils se mettent donc aussi en mouvement. Il faut se rendre compte que c’est une quantité considérable d’êtres humains et qu’aucun système aujourd’hui ne peut encaisser un choc pareil. Aucune société.</span><br/> <span class="font-size-5">Ensuite, pour ne rien arranger, vont survenir des événements climatiques extrêmes sur tous les pays du Nord. Ces dérèglements vont mettre à nu la fragilité de l’actuelle civilisation humaine. Car un typhon qui passe sur la mer, c’est une chose, sur des îles que nous considérons comme “exotiques”, c’en est une autre, mais sur un espace comme la Louisiane, c’est un sacré problème, parce que dix ou vingt ans après, rien n’est réparé! Ainsi, le jour où les mêmes événements climatiques extrêmes vont passer sur les centres névralgiques de la planète, nous aurons l’occasion de nous rendre compte que sans l’électricité, sans Wall Street, le monde n’est plus le même. Or, cela va avoir lieu inévitablement. Malheureusement, cette perspective est niée par une bonne partie des élites en place, pour des raisons diverses et multiples. Cela devrait pourtant changer radicalement notre rapport à la politique. D’autant que le paramètre fondamental est que nous n’avons plus le temps. De plus, nous entrons dans une période où la rareté va être croissante. Avant, c’était à partir de la mi-décembre que la Terre n’était plus en état de reconstituer ce qu’on lui prélevait, aujourd’hui, c’est à partir de la mi-août. Et l’on voit bien que ce phénomène, loin de se résorber, s’accroît. La traduction concrète de cela va être de parler d’une “augmentation de la rareté”. Rareté des terres arables, rareté des ressources de nourritures, rareté des espaces profitables...</span><br/> <span class="font-size-5">Ensuite, un autre concept apparaît dans l’espace politique, c’est celui de l’irréversibilité des décisions. Nous sommes habitués à prendre des décisions et à y revenir ensuite. Lorsque les décisions ont pour conséquence la destruction des capacités de la nature, ces décisions sont irréversibles. C’est un changement considérable dans le paradigme de l’action politique. Notamment dans l’idée républicaine traditionnelle, qui dit que, quand la roue est mauvaise, on peut la changer. On peut la changer en effet, mais ses effets, eux, seront définitivement mauvais. Avoir méconnu le fait que l’on ne savait pas comment traiter les déchets nucléaires veut dire que nous avons pris des décisions irréversibles. Pendant plusieurs millénaires, nous serons encombrés de colis irradiés et irradiants, dont nous ne savons que faire.</span><br/> <span class="font-size-5">Donc, le paradigme de l’écologie politique est devenu, dans mon esprit aussi bien que dans la réalité, un paradigme central. Il a réorganisé les priorités. D’abord, en rappelant que l’on n’avait pas le temps, deuxièmement, en centralisant un concept hier moqué : l’intérêt général humain. On pensait que c’était une construction idéologique, en permanence, on adhérait à l’idée de l’intérêt de classe, en reportant sur l’action d’une classe sociale particulière le bien-être de tous. </span><br/> <span class="font-size-5">Face à l’état d’urgence écologique, il faut regarder ce que valent les méthodes et les logiciels politiques que nous avons. Il y en a clairement deux qui sont morts. Le premier, c’est le libéral et la politique de l’offre. Elle suppose qu’on produit ce que l’on veut quand on veut et où l’on veut, tant qu’on veut, du moment qu’il y a des acheteurs dont on stimule ou crée le besoin par la publicité. Le deuxième est le logiciel social-démocrate, indépendamment même des trahisons multiples des sociaux-démocrates. Ils partent de l’idée que l’on corrige des inégalités par une production croissante, sans cesse, alors que la Terre a des ressources limitées. Est-ce si compliqué de raisonner autrement? Faire le constat qu’il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine met les idées en ordre. Je ne comprends pas que la gauche ait tant de mal à adopter le paradigme de l’écologie politique. S’il n’y a qu’un seul écosystème compatible avec la vie humaine, la démonstration n’est-elle pas faite de la similitude des humains et du triomphe de l’égalité des droits fondamentaux? La tradition des Lumières n’y trouve-t-elle pas tout son compte? Si l’on accepte l’idée qu’il y a des biens communs incontestables, comme l’air et l’eau par exemple, est-ce que cela ne vérifie pas l’intuition fondamentale du communisme? La similitude des êtres humains et de leurs besoins refonde et valide la thèse centrale du socialisme, à savoir que l’on ne s’en sort que tous ensemble. L’idée que l’on doit tous délibérer de ce qui est bon ou non pour soi-même et pour tous, est-ce que cela ne donne pas tout son sens au républicanisme?</span><br/> <span class="font-size-5">Je ne fais ces mentions que pour souligner combien il est faux de croire que l’adhésion à la centralité du paradigme écologique nierait la tradition intellectuelle des familles progressistes que je viens d’évoquer. C’est le contraire. En tout cas, pour moi, cela aura été un bouleversement qui a laissé sa trace en moi, étape par étape, et qui a complètement transformé ma manière de voir l’action politique. Peut-être que cela a commencé le jour où j’ai compris qu’EDF me donnait des réponses inacceptables, pour une intelligence ordinaire comme la mienne, à propos de Tchernobyl, en essayant de me faire croire que, premièrement, le nuage s’était arrêté aux frontières et que, deuxièmement, il n’y avait aucun problème avec les centrales françaises. Une fois mes certitudes ébranlées, je suis allé au bout des raisonnements que mon doute appelait. Petit à petit j’ai cheminé, comme beaucoup. En 1991 déjà, j’ai inclus dans mon premier livre,</span> <i><span class="font-size-5">À la conquête du chaos</span></i><span class="font-size-5">, les concepts de développement durable. À l’autre bout du parcours, en 2013, après tant d’articles, de posts, de blogs et de chapitres de livres, j’ai concentré dans un autre ouvrage,</span> <i><span class="font-size-5">La règle verte</span></i><span class="font-size-5">, mes analyses et propositions, et j’ai développé l’impératif de ne plus prendre davantage que ce que la planète peut reconstituer et que cela soit inscrit dans la Constitution. L’effort intellectuel ne s’est jamais relâché. À peine sorti de la campagne présidentielle, je me suis remis au travail avec Martine Billard et Corinne Morel Darleux pour formaliser cette nouvelle conception politique. On l’a appelée l’écosocialisme. Je crois que ce serait mieux de l’appeler “écohumanisme”. Car, dans un certain nombre de pays, nos amis nous disent que le souvenir qu’ils ont du “socialisme” est tellement lié au productivisme, que les deux termes fonctionnent comme un oxymore! Sans parler du reste... Deuxièmement, parce que le fait que le lien humain soit un lien social n’est pas le seul aspect de la nouvelle écologie politique que nous mettons en avant, puisqu’elle inclut absolument toute la biodiversité. Il faut que l’humanité prenne conscience qu’elle n’est pas la seule espèce vivante, et qu’elle ne peut pas être cette espèce vivante sans toutes les autres. Par conséquent, je préfère que l’on parle d’humanisme parce que cela replace les choses au bon endroit. C’est-à-dire que l’être humain est pris comme un tout et ne peut se penser sans comprendre que la nature est son corps inorganique, comme disait Karl Marx.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Et aujourd’hui, si je devais gagner la prochaine élection présidentielle, je pense que je serais le premier président d’un grand pays à mettre au centre de la signification de la concorde nationale la question de l’écologie, de notre destin commun d’êtres humains.</span><br/> <span class="font-size-5">Ensuite, je pense que quel que soit le résultat des élections, mieux vaut préparer les esprits. Car, de toute façon, les événements extrêmes arriveront. Il vaut mieux préparer tout le monde à l’idée qu’on va devoir y faire face, à essayer de rationaliser les problèmes, car, évidemment, quand ces événements extrêmes vont avoir lieu, les pulsions les plus morbides de la société vont s’exprimer.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> - Là aussi, vous essayez de lutter contre le risque de guerre...</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Oui, contre la guerre et pour la paix, mais aussi pour la lucidité. Quand l’eau va monter et que le vent va souffler plus fort, ce que l’on aura vu en 1999 dans l’estuaire de la Gironde, où se trouve la centrale nucléaire de Blaye, deviendra imparable, sauf si on arrête la centrale. Mais personne n’a l’air de vouloir l’arrêter. La dernière fois, c’est un ingénieur qui a compris que s’il laissait la centrale en activité pendant la tempête, la catastrophe se produirait.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> - C’est en partant de ces cas très concrets que vous voulez convaincre? Nous avons déjà parlé de la difficulté de parler de l’écologie auprès des Français...</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Je pense effectivement que la question écologique ne se présente pas seulement comme un thème idéologique : c’est un thème très concret. Le problème est là tous les jours, à présent il est même devenu dangereux de respirer. Alors la confrontation à ces problèmes devrait plutôt donner un avantage en termes d’efficacité électorale aux lanceurs d’alerte, et surtout qui proposent des solutions.</span><br/> <span class="font-size-5">Là où votre question touche à un point très sensible, c’est que nous sommes entièrement formatés par une société du désir inépuisable. Et que les outils de la production de ce désir, que sont la publicité et l’idéologie consumériste, fonctionnent à plein régime. C’est pourquoi je parle au début de “planification écologique”. Car pour passer d’une façon de produire à une autre, il faut organiser méthodiquement la mutation. Il faut la main-d’œuvre et les matériaux qui correspondent, les recherches fondamentales qui correspondent, il faut une mise en œuvre au rythme de l’urgence.</span><br/> <span class="font-size-5">Prenons un exemple. On sait que l’air qui devient irrespirable est un danger. Il faut donc changer de mode de production, et aussi les véhicules individuels, qui produisent beaucoup de pollution. Voyons les véhicules. On a proposé des voitures électriques, mais il faut aussi se demander d’où viendrait l’électricité. Pour faire un million de voitures électriques, il faut une centrale nucléaire. Et 38 millions de véhicules roulent dans notre pays. Pour disposer de l’équivalent d’une centrale nucléaire en énergie alternative, tout cela doit s’organiser. Pas question de produire un million de voitures électriques avant qu’on ait les moyens de produire une électricité qui ne soit pas plus dangereuse que les particules fines qui sortent des pots d’échappement. Articuler tous les facteurs d’une question à régler, voilà l’importance de la planification écologique.</span><br/> <span class="font-size-5">Mais je me suis rapidement rendu compte que ce concept n’était pas assez englobant. Il s’agit en fait de modifier la matrice productive du pays. Car ce qui conduit à la production dans des systèmes capitalistes, c’est un tout. C’est aussi la publicité, et c’est la proposition permanente de désirs nouveaux. Il faut changer cela. Ça veut dire que cela passe par des batailles qui peuvent paraître extrêmement éloignées du cœur de notre affaire, mais qui ont une très grande importance, comme la lutte contre le harcèlement publicitaire. La matrice désigne tout ce qui dans la société conduit au productivisme.</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Jean Luc Mélenchon LE CHOIX DE L’INSOUMISSION Seuil</span> <br/> <span class="font-size-5">(p. 358-359, 360-364, 365-367)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Pour diffuser cet article sur votre site, voici la source à joindre :</span> <br/> <font color="#0000FF"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font> <u><font color="#0000FD"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u> <br/> <br/> <br/></span></font></font></p>8 - " Je pense que tout cela a rendu le peuple plus mûr et plus conscient"tag:epanews.fr,2017-03-17:2485226:BlogPost:27321492017-03-17T12:59:02.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font face="Verdana, Helvetica, Arial"><span><span class="font-size-5">-</span></span></font> <font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">Tout à l’heure, vous disiez : “ Il faut que la peur change de camp.” Mais élargissons le sujet. Car comment faire de la politique après une année aussi sombre que 2015? où la France a été très fortement frappée, et encore touchée, cet été, par le terrorisme? Et comment répondre à cet enjeu-là, sur un plan sécuritaire notamment?…</span></span></font></font></p>
<p><font face="Verdana, Helvetica, Arial"><span><span class="font-size-5">-</span></span></font> <font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">Tout à l’heure, vous disiez : “ Il faut que la peur change de camp.” Mais élargissons le sujet. Car comment faire de la politique après une année aussi sombre que 2015? où la France a été très fortement frappée, et encore touchée, cet été, par le terrorisme? Et comment répondre à cet enjeu-là, sur un plan sécuritaire notamment? Avez-vous réfléchi à des propositions pour assurer la sécurité des Français, qu’elles soient d’ailleurs sécuritaires, politiques ou diplomatiques?</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...) Je crois que l’esprit public s’est expérimenté : les gens ont commencé à dépasser certains réflexes aveuglés. Ils ont aussi observé que les mêmes méthodes étaient à l’œuvre dans le monde entier. Ils ont vu comment ceux qui ont le plus souffert des attentats, ce sont des musulmans, ceux d’Irak, de Turquie, ceux d’Afrique, au-dessus et au-delà du Sahara. Les Français identifient la nature du combat qui se mène. L’équation spontanée qu’on entretenait dans leur esprit, à savoir terroriste égal musulman, a commencé à se démembrer. Ils ont compris que c’était plus compliqué.</span><br/> <span class="font-size-5">(...) D’innombrables gens ont compris qu’il n’existe pas de moyens efficaces à 100 % contres les méthodes d’action terroriste. Je pense que tout cela a rendu le peuple plus mûr et plus conscient, il a appris à bien distinguer les problèmes. Les Français savent qu’un attentat nécessite un conditionnement, des moyens matériels et des structures organisées.</span><br/> <span class="font-size-5">Les Français ont compris qu’une sécurité à 100 % n’existait pas et que, de surcroît, les critiques dans ce domaine sont malvenues. Car il est absolument certain que, quel que soit le gouvernement, et quelles que soient les équipes policières, tout le monde fait pour le mieux. Personne n’a envie qu’un attentat ait lieu. Je suis certain que de nombreux attentats ont été déjoués.</span><br/> <span class="font-size-5">Mais il faut traiter d’abord la cause profonde du problème, la base de départ des ordres et des moyens matériels de l’action terroriste. Il faut mettre fin à la guerre au Moyen-Orient. La guerre qui a lieu en Irak et en Syrie n’a rien à voir avec la religion, c’est une guerre de gazoducs et de pipelines. (...)</span><br/> <span class="font-size-5">Sur tous ces sujets, j’ai discuté très longuement avec des responsables de services de sécurité du pays. Certains, à l’écoute de ce que je disais à la radio ou à la télévision, ont voulu me rencontrer. De ce fait, je pense porter une parole bien informée.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">- De ces problématiques, vous en avez peu parlé ces derniers mois, pourquoi?</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Si, évidemment, à chaque émission on m’interroge dessus. Il faut se rendre compte que c’est le genre de matière qui ne peut pas se traiter comme une autre, à la va-vite. Donc souvent j’ai trouvé en face de moi des interlocuteurs totalement désarmés dès que j’énonce autre chose que l’un des refrains habituels. Je me souviens si bien d’une scène caricaturale, dans une émission, où je suis interrogé par M. Ali Badou. C’est quelqu’un de fin, d’un haut niveau intellectuel. Il me demande comment je compte arrêter la vague d’attentats. Je commence ma réponse en disant : “On arrête la guerre”, et il me réplique : “C’est aussi simple que ça?”, au lieu de me demander comment je comptais faire pour arrêter la guerre. Ma réponse est tellement hors norme que la dépêche de l’AFP m’attribue à moi la formule “c’est aussi simple que ça” et même “il faut arrêter de bombarder là-bas”. L’info commence à circuler sur cette base et me vaut l’habituelle mise au pilori que l’on devine. Seul l’hebdo</span> <i><span class="font-size-5">Marianne</span></i> <span class="font-size-5">s’excusera d’avoir repris l’information fausse de la dépêche. Les autres ont continué leur vie comme si de rien n’était. On voit donc que, dans des domaines complexes, les gens qui devraient écouter n’écoutent pas en réalité.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Donc le premier aspect est politique : il s’agit de mettre à nu les raisons de la guerre. Deuxièmement, mettre à nu les systèmes d’alliances. Troisièmement, couper les sources de financements. Quatrièmement, ne bombarder que les réfractaires à la paix. Et pour vérifier ça, place à la diplomatie. C’est la partition qui doit nous occuper nous, les Français, pour garantir notre sécurité.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">Quoi qu’il en soit, le rôle de l’ONU dans la région moyen-orientale doit être restauré. C’est le futur de l’humanité qui est en cause. Nous avons besoin d’un organisme international qui ordonne le monde. C’est l’ONU. L’enjeu, ce n’est pas seulement les guerres que nous avons sous les yeux. Mais celles dont les causes mûrissent sous nos yeux. Face à la course aux matières premières, il faut placer sous protection du droit international et de l’ONU, les immenses zones sans propriétaires comme l’espace, les planètes, les abysses marins, les pôles. Oui, par rapport à l’espace aussi, parce que les Américains ont décidé qu’on avait le droit de s’approprier des bouts de la Lune si on était capable d’y aller. Ça veut dire que les traditionnelles raisons de guerres que nous avions déjà sur Terre depuis une quarantaine de siècles, nous sommes en train de les transposer dans les grands fonds marins et dans l’espace interstellaire. Donc, voici ma méthode pour la paix. Quelle autre sinon? Accepter la loi du plus fort comme aujourd’hui, c’est laisser venir une guerre généralisée. Le drame, c’est que la France ne propose rien à personne à part des bombardements à la petite semaine.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">En réalité, nous avons tout ce qu’il faut, nous, les Français, pour pouvoir jouer un rôle décisif dans un monde de plus en plus incertain. Mais il ne faut pas être alignés sur les Américains, il ne faut pas être alignés sur les Qataris, il faut être indépendants. C’est le mot clé, “l’indépendantisme français”. C’est pour ça que je suis un peu malheureux quand on me dit que ce sont des sujets sur lesquels je ne m’exprime pas. Je suis le seul à avoir fait une conférence en 2012 sur la politique de défense hors lien avec les affaires étrangères. Le seul à avoir fait des Assises Défense avec des généraux et amiraux à la retraite et des officiers d’active présents ce jour-là. Pas une caméra de télé n’était présente, en revanche.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Jean Luc Mélenchon LE CHOIX DE L’INSOUMISSION Seuil</span> <br/> <span class="font-size-5">( p. 349-352, 354-357)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Pour diffuser cet article sur votre site, voici la source à joindre :</span> <br/> <font color="#0000FF"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font> <u><font color="#0000FE"><span class="font-size-5"> </span><br/></font></u> <br/></span></font></font></p>7 - "Écoutez ce que j’explique. Parce que c’est ça qui compte."tag:epanews.fr,2017-03-16:2485226:BlogPost:27303972017-03-16T17:06:11.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font face="Verdana, Helvetica, Arial"><span> <span class="font-size-5">-</span></span></font> <font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">Selon vous, cette classe que certains décrivent comme "créative" pourrait être l'instrument de la transformation du système. Ce message a été entendu en 2012. Une partie de votre électorat vient justement de ce peuple-là, sachant, créatif... les votes de centre-ville. Vous les avez touchés par votre discours. Peut-être pas…</span></span></font></font></p>
<p><font face="Verdana, Helvetica, Arial"><span> <span class="font-size-5">-</span></span></font> <font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">Selon vous, cette classe que certains décrivent comme "créative" pourrait être l'instrument de la transformation du système. Ce message a été entendu en 2012. Une partie de votre électorat vient justement de ce peuple-là, sachant, créatif... les votes de centre-ville. Vous les avez touchés par votre discours. Peut-être pas entièrement, parce qu’il y a eu le vote utile. Et, en même temps, comment toucher l’autre partie des classes moyennes, celles qui sont véritablement déclassées mais qui font partie du périurbain? Pour une part, elles se réfugient à l’extrême-droite.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">C’est le problème, je suis d’accord. La difficulté d’homogénéisation politique va s’accroissant, à mesure que la société se pulvérise, se désagrège, y compris du fait du déclassement. C’est un noble objectif à se donner que d’essayer de regrouper tout le monde. Mais il faut aussi avoir la sagesse de se dire que ce ne sera pas possible d’un seul coup. Il y a des catégories sociales que nous entraînerons avec nous, par la force de contagion de ce que nous ferons, une fois au pouvoir. Mais d’ici là, ils sont pour l’instant enkystés dans des réflexes qui les tiennent à distance de nous et souvent de toute politique. Je continue à penser que la tâche essentielle est une tâche de conviction. Mais j’admets que c’est de plus en plus difficile. Le présent est si morose et souvent glauque que nombre ont perdu l’idée qu’il puisse en aller autrement. C’est la raison pour laquelle je me suis senti obligé d’évoquer le passé, au renfort du rêve d’un autre futur, dans mon discours d’ouverture de la campagne présidentielle de 2017 : “Je viens d’un monde où la mer n’était pas dans un cloaque, où quand on allait se baigner il n’y avait pas besoin de se vacciner, quand on mangeait une pomme, il y avait autant de vitamines que dans cent aujourd’hui.” Ce monde est si loin que certaines choses simples ne sont même pas considérées comme étant dans l’ordre du réel. C’est évident, nous allons avoir une grande difficulté à ramener tous ces électeurs à un projet progressiste. Tous ces secteurs des classes moyennes qui pensent que l’obstacle à la bonne vie, c’est le voisin, et pas le système. On lutte là contre un instinct extrêmement élémentaire. Et je ne le méprise pas. Donc oui, c’est très difficile. Mais je ne vois pas d’autre issue que de faire une proposition positive qui les fédère dans les tâches de la révolution citoyenne. Il faut le faire sans bloquer tout le monde par des exigences préalables de conversion ou d’adhésion qui fausseraient l’enjeu réel de l’action : ce qu’il est question de bâtir ensemble.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> (...)</span> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Fédérer le peuple, c’est justement faire appel à ces grands dénominateurs communs qui brassent les gens à condition de ne pas leur demander un ticket d’entrée ou un certificat de baptême, ou je ne sais quel brevet d’appartenance aux bonnes idées. En passant du clivage gauche-droite à celui qui oppose l’oligarchie au peuple, en passant de l’ “intérêt de classe” à “intérêt général humain”, j’ai opéré un changement d’angle qui a une puissance fédératrice progressiste que je crois considérable. Et c’est cela qui va être l’enjeu de la campagne 2017 pour moi. C’est-à-dire substituer des latéralisations de contenu à des latéralisations d’étiquettes. Par exemple, il y a ceux qui sont contre le nucléaire, et ceux qui sont pour. Ceux qui pensent qu’il n’y a que le marché qui peut organiser l’activité et ceux qui croient à la planification. En procédant de cette manière-là, on peut devenir constructeur d’un nouvel agrégat d’idées qui ont une cohérence interne, et une dynamique dans la société.</span><br/> <span class="font-size-5">C’est pour cela que les campagnes doivent selon moi être instructives. On apprend quelque chose sur le monde en écoutant et en participant à ce qui se dit. Mais aussi on apprend des choses sur soi. L’art du tribun, de la parole politique sacrée, sera d’être le liant de tous ces processus intimes, de faire que nul n’en sorte indemne. Il s’agit de déclencher quelque chose de plus grand que chacun, et qui remue les gens en profondeur en direction du bien commun. Et qui leur fait tout à coup sentir un point d’attache vibrant avec les autres dans cette émotion partagée. Pourquoi le personnage que j’incarne a pu prendre une ampleur, une emprise sur la scène. Ce n’est pas en tant que personne – je suis tout à fait banal. C’est parce que pour des tas de gens, ce personnage incarne une idée qui est au cœur de leur manière d’être dans ce registre particulier qu’est la conviction politique. Je l’incarne dans le sens où ils se disent que j’en suis le dépositaire. “C’est là que ça se trouve.” C’est pourquoi je dis tout le temps d’arrêter de ne scruter que ma personne : ce n’est pas le sujet! Écoutez ce que j’explique. Parce que c’est ça qui compte.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">- Si je suis votre raisonnement, c’est parce qu’on est français et qu’on est la deuxième économie du continent, qu’on arrivera, face aux Allemands et aux institutions de Bruxelles, à imposer nos vues au sujet de l’orientation de la politique économique de l’UE? Chose que les Grecs n’ont pas réussi à faire...</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">C’est mon point de vue! Il est hyperréaliste. (...) D’ailleurs, les premières victimes de la politique du gouvernement allemand, ce sont les Allemands eux-mêmes. Ce qui n’est pas un détail. On va le voir bientôt quand vont s’exaspérer les tensions sociales et ethniques dans ce pays sur fond de crise bancaire, car c’est cela le futur de l’Allemagne. (...) Disons, avant qu’il ne soit trop tard : l’Europe telle qu’elle s’est construite conduit au désastre. Il faut bloquer son engrenage avant le pire. J’estime que la France a le poids nécessaire en Europe pour faire valoir ses arguments. Sinon, il faut admettre que ce n’est plus une Europe libre, que c’est déjà devenu une dépendance du gouvernement allemand, où nous n’avons pas d’autre choix que de dire oui. N’en doutez pas un instant : la France ne supportera pas cette camisole de force.</span><br/> <span class="font-size-5">Ce qui est spécifique dans ma manière d’agir, c’est que je mets le poids de l’État-nation dans la stratégie du changement européen. De son côté, Mme Le Pen nie ce poids : elle veut se retirer immédiatement. Procéder ainsi, c’est reconnaître une domination – j’assume le mot – du gouvernement allemand sur le continent. C’est totalement irresponsable de faire ça. Un tel scénario ne peut que mal tourner et conduire à la catastrophe. Et notre intérêt de Français, ce n’est pas que tout tourne mal sur le Vieux Continent. Notre intérêt, c’est la paix, la concorde et la coopération... Donc, il ne suffit pas de sauter en rond en criant des slogans. Il faut se donner les moyens de les faire entrer dans la réalité. Je pense que personne en Europe ne pourra refuser d’avoir avec nous cette discussion. Je résume : cette Europe, on la change ou on la quitte.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> - Pour mettre en place ce rapport de force, vous mettez tout de même dans la balance la possibilité que la France se retire de cette Union européenne...</span> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Oui, on reviendra à une négociation sérieuse et on organisera ensuite un référendum sur le résultat. Je dirai aux Français qu’il ne faut pas avoir peur. S’ils refusent le compromis, nous déploierons notre pays autrement. N’oublions jamais que nous avons la possibilité de faire plein d’autres choses, nous, les Français, plein! Et nous avons les moyens de nos rêves! Il ne faut pas oublier l’Europe du Sud! (...) Nous ne sommes pas un petit pays perdu dans une mondialisation qui lui serait hostile. Je ne crois pas à cette fable. Cette vision des choses est l’expression du défaitisme et du déclinisme traditionnels de certaines élites françaises.</span><br/> <span class="font-size-5">Donc, ou bien ça change, ou on s’en va. Car cela ne peut plus durer comme cela. Je ne suis pas d’accord pour qu’on continue à fermer les écoles, alors que nous avons de plus en plus d’enfants... Je ne suis pas d’accord pour qu’on détruise le réseau ferré, alors qu’on dit qu’il faut arrêter le “tout-bagnole”. Je ne suis pas d’accord avec l’odieux système des travailleurs détachés, qui organise la compétition au moins-disant social pour le même bout de pain toujours plus petit. Je veux l’harmonisation sociale et fiscale par le haut, qu’interdisent les traités européens. Je suis pour le protectionnisme solidaire, et ainsi de suite. Je n’exclus pas que l’on s’en aille. Ça s’appelle le plan B. Il y a un plan A, on discute, un plan B, on s’en va. Je veux que nos interlocuteurs en Europe le sachent à l’avance. Pour créer une ambiance de travail utile.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">- Mais dans l’ébauche de votre plan B, vous n’excluez pas la création d’une union politique, alternative... Notamment avec les pays du sud de l’Europe, c’est-à-dire des économies ayant les mêmes intérêts que ceux de la France...</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Mais oui , bien sûr... C’est ce qu’il faudra faire en cas d’échec de la négociation avec l’Allemagne. La construction que je propose, il ne faut pas la regarder avec un œil académique comme si nous étions dans un colloque savant. Il faut se demander à chaque étape si ce qui est proposé est praticable et utile au peuple ou pas. Après, on réfléchit à la façon de le mettre en œuvre. Mais on commence par décider ce qu’on veut faire, et ce qu’on ne veut pas faire. Car il y a des gens pour nous dire : “ Nous, le protectionnisme, qu’il soit solidaire ou pas, on n’en veut pas, on est pour le libre-échange”, ou d’autres : “L’harmonisation sociale? C’est un obstacle à la compétition, nous sommes pour la compétition libre et non faussée! ” Ne perdez pas de vue que tous les raisonnements contiennent au départ un choix entre l’humain et la finance! En tout cas, dans la méthode que je viens d’avancer, il y aura bien un point qui ne se discute pas, c’est bien celui des acquis sociaux, des services publics, de l’éducation et de notre indépendance stratégique.</span><br/> <span class="font-size-5">D’après moi, si les Français commencent à bouger réellement, c’est toute l’Europe du Sud qui va se dire qu’on peut faire les choses autrement. Les Allemands le savent et, du coup, ils seront obligés de négocier. Car, au final, les Allemands sont aussi attachés à la paix que nous. Ils connaissent leurs terribles faiblesses démographiques, bancaires, sociales. Pourquoi avons-nous peur du gouvernement allemand? Moi je n’en ai pas peur. Apparemment, les gens qui lui obéissent au doigt et à l’œil ont l’air d’être tétanisés. Peut-être qu’ils sont juste d’accord avec la politique du capitalisme financier allemand. C’est une hypothèse que je n’exclus pas dans le cas de M. Sarkozy. Mais dans le cas de M. Hollande, comment peut-on comprendre son comportement?</span><br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Jean Luc Mélenchon LE CHOIX DE L’INSOUMISSION Seuil</span> <br/> <span class="font-size-5">(p. 290-291, p. 322-323, p. 328-331, p. 337-338)</span> <br/> <br/> <br/> <span class="font-size-5">Pour diffuser cet article sur votre site, voici la source à joindre :</span> <br/> <font color="#0000FF"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a> <span class="font-size-5"> </span><br/></u></font> <br/> <br/></span></font></font></p>6 - "... la nouvelle société, qui est rendue nécessaire par l’imminence de la crise écologique,"tag:epanews.fr,2017-03-15:2485226:BlogPost:27298342017-03-15T14:30:49.000ZAnnehttps://epanews.fr/profile/Annaphore
<p><font size="5"><font face="Bell MT"><span>- <span class="font-size-5">C’est, en tout cas, via le Venezuela que vous redécouvrez politiquement cette notion de peuple...</span><br></br></span></font></font> <font face="Verdana, Helvetica, Arial"><span><br></br></span></font> <font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">On travaille, on analyse la place des pauvres à la marge ou au cœur du système. Émerge l'idée qu’il y a cet acteur spécifique dans l’histoire de notre temps qu’on…</span></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Bell MT"><span>- <span class="font-size-5">C’est, en tout cas, via le Venezuela que vous redécouvrez politiquement cette notion de peuple...</span><br/></span></font></font> <font face="Verdana, Helvetica, Arial"><span><br/></span></font> <font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">On travaille, on analyse la place des pauvres à la marge ou au cœur du système. Émerge l'idée qu’il y a cet acteur spécifique dans l’histoire de notre temps qu’on appelle “le peuple”. Ce n’est pas une euphémisation d’un mot difficile à assumer, comme prolétariat ou classe ouvrière. On ne peut pas dire que ce sont les salariés qui se mettent en révolution, auxquels on ajoute d’autres catégories satellites. Non, ce n’est pas cela. Ils se perçoivent eux-mêmes en tant que peuple et non en tant que salariés. (....) C’est de l’Équateur que j’ai tiré le concept de “révolution citoyenne”. (...) C’est un processus de reconstruction d’un peuple par sa mobilisation politique au plus haut niveau de conscience.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <span class="font-size-5">À cette étape, c’est ce qui m’aura permis, avant d’autres, de dépasser l’ancienne vision figée : salariat organisé, gauche institutionnelle, changement politique. Il le faut bien. Le salariat est pulvérisé par les nouveaux statuts au travail! La gauche institutionnelle est ralliée à la politique de la droite. Le changement politique a été mis en échec par l’absence de mobilisation populaire. Donc, clairement, il faut emprunter d’autres chemins.</span><br/> <span class="font-size-5">En France, j’essaie de faire la synthèse de tous ces éléments.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> - Le combat de la gauche latino-américaine vous a donc énormément inspiré depuis la fin des années 1990, mais comment transposer ce qui constitue pour vous un modèle dans un espace européen et français dont l’histoire et le contexte politique sont largement différents?</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Encore une fois, je n’ai pas de modèle! De l’Amérique latine, j’ai tiré des leçons et des références, en positif aussi bien qu’en négatif. En positif, c’est d’abord l’indication que dans le monde d’après le Mur, ce n’était pas la fin de l’Histoire. Le capitalisme financiarisé n’était capable ni de trouver en lui-même une stabilité qui lui garantisse sa durée, ni une population domestiquée au point d’avoir renoncé à un changement radical de la société. Le fil de la volonté d’émancipation continue à parcourir l’histoire. C’était important, car bien des gens avaient pronostiqué : puisqu’il n’y avait plus qu’un seul système possible, ce serait seulement à l’intérieur de ce système que les choses se feraient.</span><br/> <span class="font-size-5">La deuxième leçon positive, c’est qu’on voyait clairement surgir un acteur nouveau dans l’histoire, même si on le connaissait déjà. On en avait déjà entendu parler à certaines époques : le peuple. C’est cette masse de population urbanisée, vivant en réseaux, qui comporte aussi bien des gens qui travaillent, que des gens qui ne travaillent pas, quelles qu’en soient les raisons – études, retraite, infirmités... Tous ensemble, ils constituent un acteur de l’histoire, qui va être relié par des revendications communes. Bien sûr, sur le plan social, pour l’accès aux services publics et aux autres moyens mutualisés, indispensables à l’existence quotidienne. Mais tout aussi fortement au plan écologique : qualité de l’eau et de l’air, des aliments et ainsi de suite. Il faut donc comprendre que cet acteur nouveau est défini par des conditions écologiques et sociales communes, ce qui n’était pas le cas dans le passé. Ce qu’on appelle “le peuple” au XVIII° siècle, ce sont quand même des gens qui ont des conditions sociales tellement éloignées, qu’en tant que tel il n’est pas une entité, pas un acteur. Au XXI° siècle, si : cela concerne les 99 % de l’humanité.</span><br/> <span class="font-size-5">Ce sont des leçons essentielles sur le plan théorique. Cette conceptualisation permet de réintégrer, comme sujets politiques, les pauvres, les inactifs, qui, dans la théorie classique marxiste, ne sont pas des acteurs de l’histoire. Et la mise en mouvement de ce nouvel acteur prend des formes et des mots d’ordre spécifiques qu’il faut connaître pour agir à bon escient. Voici donc trois facteurs actifs qui déstabilisent le système. D’un côté un système capitaliste qui n’a pas trouvé de stabilité en lui-même, deuxièmement une crise écologique qui frappe tout le monde sans exception, troisièmement une population apte à intervenir... Tout cela met à l’ordre du jour le changement nécessaire de la société. Car j’y reviens, la société est taraudée par une “contradiction” que Marx n’avait pas mise au premier plan de celles qui menacent le capitalisme : l’épuisement de l’écosphère compatible avec la vie humaine. Il m’a fallu du temps pour intégrer tout cela, le malaxer et en faire un programme dont</span> <i><span class="font-size-5">L’Ère du peuple</span></i> <span class="font-size-5">est une sorte de bilan d’étape. Enfin, le dernier élément positif concerne l’émergence d’une stratégie révolutionnaire pacifique et cohérente qui est que la multitude devient peuple en devenant Constituant.</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> - Alors justement, parlons de la situation française. Par notre histoire, nous sommes sur une population constituée avec une classe “moyennisée”. Cela se fait notamment dans les années 1970 dans un modèle très américanisé : les grandes surfaces, une voiture, un petit pavillon. Nous avons déjà une classe moyenne constituée, qui d’ailleurs est à la fois conforme à un certain mode de vie tel que vous avez pu déjà le décrire? Pas forcément prête à écouter le message écologique. Lors de votre dernier discours de Stalingrad, vous n’avez fait que dire : “Préparez-vous, nous allons prendre un autre envol.” Pour faire ce passage-là, en faire le pari, il faut une sacrée dose de maturité du corps électoral. Comment, électoralement, vous transposez cela en France?</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Électoralement? C’est encore un autre sujet, parce qu’il convoque les méthodes particulières des campagnes électorales... Mais comment agir avec le peuple? Je ne vois qu’une façon de le faire : instruire et convaincre... On ne fait pas une République sans républicains. On ne fait pas la nouvelle société, qui est rendue nécessaire par l’imminence de la crise écologique, autrement qu’avec une population qui devienne écologiste. Les vieux partis écologistes ont eu bien des défauts, mais ils tout de même, à un moment donné, polarisé politiquement des choses que la population avait commencé à anticiper dans ses associations environnementales et qui sont désormais présentes dans tous les syndicats à un degré ou à un autre. Je crois que notre société est définitivement acquise à l’idée que l’urgence écologique doit être traitée, même si les solutions sont mal perçues. En même temps, la capacité d’intervention populaire s’est enrichie. Il ne faut pas considérer le peuple français comme un bloc identique au long de l’Histoire. Un peuple dont 80 % de ses nouvelles classes d’âge ont le bac n’est pas le même qu’avec 10 % de bacheliers. Un niveau d’éducation très élevé a été atteint. Cela permet un haut niveau d’implication populaire dans les changements à faire pour la base technique de notre projet. Et il ne faudrait pas croire que leur niveau d’instruction les coupe de l’aspiration commune à une vie responsable. Nombre de personnes entament une réflexion sur les actes qu’ils posent dans l’exercice de leur profession. J’en veux pour preuve, le nombre de ceux qui sont à très haut niveau de qualification et qui, d’un coup, décident de déserter la condition sociale qui est la leur pour entrer dans d’autres modes de vie. Rien à voir avec le retour à la terre des années 1970.</span><br/> <span class="font-size-5">(...)</span><br/> <br/> <span class="font-size-5"> - Des trajectoires individuelles qui se sont multipliées à partir de la crise de 2008 d’ailleurs...</span><br/> <br/> <span class="font-size-5">Oui. Elles touchent maints milieux sociaux et produisent maintes formes de vie. De même que le phénomène hippie voulait dire davantage que les quelques personnes qui sont allées vivre à la campagne pour élever des chèvres. Cela nous permet d’identifier que c’est une aspiration qui vient de loin. La pensée critique de la société de consommation est pratiquement née en même temps que la société de consommation elle-même. Elle s’est évidemment approfondie avec la succession des générations. Elle atteint un pic en ce moment, car aux choix individuels s’ajoutent tous les mécanismes d’expulsion sociale qui frappent la jeune génération. Comment aider le grand nombre à rompre l’envoûtement? Oui, l’envoûtement! La société productiviste envoûte, elle a cette capacité à entrer dans les ressorts intimes et à nous faire adhérer avec enthousiasme aux objets et à leurs modes d’emploi, et au monde de ces objets. Notre volonté personnelle est annihilée dans ce processus.</span> <br/> <span class="font-size-5">Comment le rompre? C’est évidemment par la prise de conscience – et le combat politique doit y conduire. Mais pour construire une autre société, il faut cependant bien plus que cela. Je veux m’y arrêter un moment car c’est décisif dans mon raisonnement. C’est une question de stratégie pour le temps de la conquête du pouvoir et pour la période de son exercice. Je me rappelle avoir vu les premiers jeunes gens issus des universités vénézuéliennes, des milieux pauvres par la force des choses, quatorze ans après le début de l’expérience, résumant leur frustration intellectuelle ainsi : “Oui, maintenant nous avons compris, l’impérialisme américain est nuisible, et il ne faut pas accepter de laisser de l’extrême pauvreté se développer. Et ensuite?” Je pense que la réponse à cette interrogation, c’est l’implication des catégories sociales techniciennes dans le projet politique à partir de leur savoir-faire. (...)</span><br/> <span class="font-size-5">À notre tour, je crois que la solution pour nous, c’est justement d’appeler ces milliers de jeunes gens, et même ces millions, et ces catégories intermédiaires, à mettre leur intelligence et leur savoir-faire au service de la mutation technique exigée par le changement écologiste de la matrice productive du pays. Je propose d’aller au-delà de la simple adhésion au projet et d’entrer dans sa mise en œuvre. Autrement dit, on appellera à poser des hydroliennes, à poser des éoliennes, à inventer des fermes d’algoculture, à faire de la biologie du vivant une des sources du futur, exactement comme nos grands-parents ont été appelés à faire les chaufferies urbaines, les autoroutes, le béton des grands barrages...</span><br/> <span class="font-size-5">La pensée révolutionnaire de notre temps – celle qui appelle à la révolution citoyenne – doit intégrer tous les aspects dans lesquels se déploie l’activité humaine, inclut l’aspect du travail, de l’invention et de la technique. C’est de cette façon aussi que l’on commencera à rompre le cercle consumériste qui envahit aussi la politique où l’on pense trouver son bonheur comme dans un catalogue. L’implication citoyenne ne se limitera donc pas aux aspects de la décision politique! Elle devra se prolonger par l’implication personnelle dans les plans de transformation et de transition, de la production énergétique, des modes de transport et de consommation. Oui, nous aurons sans doute des moments un peu étranges, car faire la révolution citoyenne dans toutes les grandes entreprises du pays va nous secouer. Évidemment, les “généraux” n’accepteront jamais que les colonels ou les capitaines aient raison. Seule l’implication de tout le collectif de travail réglera le problème. De même, faire une société de sobriété semble difficile. Je parle de sobriété dans la consommation d’énergie, mais aussi en général. Ne sommes-nous pas tellement intoxiqués par le modèle consumériste que l’obsolescence programmée serait aussi un secret allié pour notre appétit permanent de changer? Sommes-nous capables de vivre sans que les objets soient notre seule raison de vivre?</span><br/> <br/></span></font></font></p>
<p><font size="5"><font face="Bell MT"><span><font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">Jean Luc Mélenchon LE CHOIX DE L’INSOUMISSION Seuil </span> </span></font></font> <br/> <span class="font-size-5">p. 276-278, 281-287</span></span></font></font></p>
<p></p>
<p><font size="5"><font face="Bell MT"><span><font size="5"><font face="Bell MT"><span><span class="font-size-5">Pour diffuser cet article sur votre site, voici la source à joindre :</span> <br/> <font color="#0000FF"><u><a href="http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o"><span class="font-size-5">http://epanews.fr/profiles/blog/list?user=2b5ujw22gsg0o</span></a></u></font> <u><font color="#0000FE"><br/></font></u></span></font></font></span></font></font></p>