Le murmure du désert...........

Il était une fois une rivière qui connaissait les forêts de chênes, les plaines de bruyère et les champs de coquelicots où elle circulait au gré de ses humeurs, tournant par-ci, bondissant par-là.

Lorsqu’elle arriva aux portes du désert, elle comprit qu’elle ne pouvait passer au-delà de cette barrière mouvante. Plus elle avançait, plus elle s’enfonçait dans ce tapis de sable blond. Jamais elle n’avait rencontré une terre aussi ingrate qui suçait ses eaux avec la gloutonnerie d’un vampire s’enivrant de sang.

Elle était désemparée. En même temps, quelque chose en elle sentait que son destin était de franchir ce passage. Soudain, elle entendit un bruissement qui se transforma en murmure : « Si le vent sait traverser le désert, la rivière le peut aussi. ».
Le vent, bien sûr, il souffle, il vole ! Mais moi, je rampe, je suis liquide et fluide…
« Change de forme et laisse toi emporter par le vent. Lui seul peut te faire passer le désert. ».

La rivière sentit la panique envahir son courant, puis elle se renfrogna et se plissa.
Comment renoncer à sa forme ?
« Tu as deux choix, lui murmura le désert. Soit tu acceptes d’être absorbée par les sables, soit tu te laisses emporter par le vent. Il évapore ton eau pour traverser les dunes, puis dépose la pluie de l’autre côté du désert et tu redeviens rivière.
- C’est sur ?
- C’est ainsi puisque tu fais partie du mouvement naturel de l’univers.
- Mais pourquoi suis-je obligée de changer ?
- Tu as peur car tu ignores la part essentielle de toi-même. C’est elle que tu vas confier au vent. »

A l’écoute de ces paroles, quelque chose de doux s’éveilla dans la mémoire de la rivière. Elle se souvint avoir été bercée un jour par les bras du vent. C’était il y a longtemps…

Alors elle se calma et se laissa emporter délicatement, là bas, au-delà du désert.
Au petit matin, un murmure dans le désert s’éleva : « Témoin immobile de toutes les transformations, j’ai vu mille fois l’eau de la terre monter dans les nuages par l’échelle du vent, grimper par-dessus les dunes, verser la pluie sur la plaine et devenir à nouveau rivière. Ainsi va le cycle immuable des transformations.
Que la votre soit aussi douce que celle de la rivière dans les bras du vent. »

Inspiré d’un conte soufi, Idries Shah.

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